L'ère des transformations nous submerge tranquillement. Elle n'est pas spécifiquement tunisienne. Elle est universelle. Doucement, comme les vaguelettes bouffant de plus en plus la superficie du sable, elle se déploie. Les ordres vacillent, les institutions sont contestées, les incertitudes augmentent. La gêne habite les communautés humaines sans qu'elles saisissent véritablement le fond du malaise. La première impression est négative, presque néfaste. Car l'Homme n'aime pas le chaos des périodes de transition. En même temps, il veut que sa condition change, il ressent l'ineffable mouvement de l'Histoire. Paradoxe révolutionnaire. Il n'y a ni tort, ni raison dans ces émotions inévitables. Plutôt, il y a tort et raison. Souvent, aussi, le tort précède la raison. Les impulsions violentes, criardes sont immédiates comme une irruption dans un aéroport, une insulte dans un parlement; la construction, au contraire, est un travail de longue haleine.
En ce moment qui dure, semblant ne jamais finir, l'Inédit surgit.
L'Inédit, c'est ce qui n'était pas là auparavant, à l'époque des ordres incontestés. Les appellations communes, dans l'Inédit, perdent leur immobilité. Islamisme, nationalisme, libéralisme, progressisme ne sont plus des idéologies précises auxquelles souscrivent aveuglément les masses. Ces écueils de l'ancien monde forment plutôt des points d'appui pour positionner le monde nouveau, ses nouvelles oppositions, ses synthèses surtout.
Chez nous, l'Inédit prend forme symboliquement, maladroitement. Dans le cinéma, dans le rap, dans le sentiment d'injustice d'une jeunesse essoufflée, dans le populisme de Kais Saied, ß aussi. Il balbutie encore, mais l'Inédit est la force du Progrès dans l'Histoire.
Il n'en sortira pas forcément victorieux. La réaction qui promet le retour au bon vieux temps, l'immobilisme des vieilles divisions, le pourrissement des âmes amères, les ingérences déracinées lui disputent la place au gouvernail de la société.
Face aux adversités, l'Inédit refuse les solutions préconçues. Il est enraciné sans être immobile. Quand il vise le futur, ce n'est pas un futur importé, vidé de sa substance, mais un avenir déterminé, imaginé sur les fondements culturels et historiques qui nous réunissent.
Fort de ce bagage, il veut penser les réponses aux grands problèmes, plutôt que de ressasser les anciennes formules.
Pour cela, et pour d'autres raisons encore, demain sera inédit ou sera vain. *Saoud Maherzi : Conseiller en stratégie et transformation organisationnelle