Une manne de pluies bénéfiques inattendue et la grande fête de l'Aïd el Idha passée dans de bonnes conditions tant en ce qui concerne la satisfaction de la demande nationale en moutons grâce à la production nationale en exclusivité que sur le plan de l'organisation du pèlerinage avec les importantes dépenses qu'il nécessite, y compris en devises étrangères. Ces derniers jours ont été, pour ainsi dire, fastes en Tunisie et comme l'a noté un commentateur, il y a là de quoi contenir, pour quelques temps encore, l'éternel mécontentement des Tunisiens. Reste que la pause estivale qui doit prendre fin dans une semaine, ne constitue pas un indice de stabilité. Les vraies couleurs en seront annoncées avec la rentrée administrative, début septembre. Or, les pronostics à ce sujet ne sont pas spécialement rassurants, et ce du point de vue politique, cette fois-ci, et non pas du point de vue des grèves et des mouvements contestataires à caractère social. D'ores et déjà, beaucoup d'hommes politiques, d'académiciens et de journalistes ont prédit de sérieuses complications de la situation politique en Tunisie, à l'occasion des élections présidentielles et législatives de 2018, en novembre et décembre, à travers l'accentuation de l'opposition entre le bloc uni et structuré des islamistes conduits par le mouvement Ennahdha et le bloc nombreux mais dispersé des laïcs et du centre gauche comprenant les libéraux sans distinction, notamment dans le parti de Nidâa Tounès, les formations de gauche dont le Front populaire, la grande majorité des intellectuels, les courants nationalistes et les nouveaux destouriens. Ils prévoient une exacerbation des querelles idéologiques pouvant bousculer en affrontements et descentes de rue en cas d'une victoire absolue des islamistes leur permettant d'exercer le pouvoir sans partage, avec en perspective, et c'est le plus grave, une mise en veilleuse des vrais problèmes politiques et économiques que le pays affronte en ce moment. Interrogé, un spécialiste a estimé qu'il faut prendre au sérieux ces prédictions en partant du principe universel et avéré selon lequel les mêmes causes produisent les mêmes effets. C'est que contrairement à toutes les apparences, a-t-il dit, l'expérience et l'histoire récente ont montré l'existence d'un rejet quasi naturel des islamistes chez les peuples arabes. On l'a vu en Algérie avec la montée du Front islamique du salut, longtemps avant le printemps arabe. On l'a vu en Tunisie après la révolution contre le gouvernement de la Troika dirigé par Ennahdha, en Egypte, en Libye et en Syrie où une guerre sans merci oppose depuis huit ans le régime laïc en place se réclamant de l'idéologie bâathiste et des groupes d'insurgés d'obédience islamique. La polémique suscitée dernièrement entre les deux clans par le rapport de la commission de l'égalité et des libertés individuelles en donne le ton en quelque sorte. Aussi, à tort ou à raison, d'aucuns ont vu dans l'initiative présidentielle relative à la création de cette commission, une façon gauche de réveiller des démons qui dorment et ils auraient aimé plutôt une action en vue de la modification du régime politique actuel et son remplacement par un régime présidentiel, plutôt que de ressasser, à travers le dit rapport, les dispositions claires de la nouvelle constitution tunisienne concernant l'égalité et les libertés et créer inutilement des motifs de discorde et de querelle propres à détourner l'attention de défis plus prioritaires. Cependant, a poursuivi notre interlocuteur, il est toujours difficile de préjuger de l'avenir, dans l'absolu de sorte que personne n'avait prédit la révolution tunisienne encore qu'elle entre dans le domaine du prévisible en tant que riposte nécessaire à une situation d'injustice aggravée, dans la mesure où les hommes avaient appris par expérience que l'aggravation de l'injustice et de l'oppression provoque impérativement la chute des Etats injustes en place. Aussi, a-t-il dit, les pays développés ont cherché à transformer la prédiction des évènements futurs en véritable science sous l'appellation de prospective, science dont l'importance s'accroit sans cesse, chez eux, tandis que dans nos pays, on continue d'appliquer la règle du traitement à chaud des problèmes, c'est-à-dire la règle consistant à attendre que les problèmes se produisent pour penser ensuite à les traiter, soit en définitive la navigation à vue, résultat des systèmes politiques absolutistes qui les ont gouvernés et où la décision définitive en toute chose revient à la personne la plus haut placée dans la hiérarchie.