Le 25-juillet, fête de la République tunisienne, fête de la fierté de tout Tunisien patriote, est une date qui coïncide, désormais, avec la commémoration du décès de l'homme de la République, feu Béji Caïd Essebsi. Deux ans, jour pour jour se sont écoulés depuis son départ. Feu Béji Caïd Essebsi, premier président élu au suffrage universel nous a quittés et a quitté cette République, laissant derrière lui une longue carrière, mais aussi des Tunisiens qui ne l'oublieront jamais.
C'était le 25 juillet 2019. Les Tunisiens ont été ébranlés par la triste nouvelle : le président de la République Béji Caïd Essebsi n'est plus. Ce n'était pas une rumeur cette fois-ci, mais bien la réalité. Les Tunisiens étaient attristés par son départ, ses sympathisants comme ses détracteurs. Son départ, le jour de la fête de la République, avait une forte symbolique, le destin en a voulu ainsi. L'homme qui croyait dur comme fer aux valeurs de la République tire sa révérence en ce jour précis. D'ailleurs, sa succession fût d'une fluidité ayant épaté le monde entier. Dans un cadre démocratique et sans conflits, le président de l'Assemblée des représentants du peuple, Mohamed Ennaceur prend le relais et une élection présidentielle anticipée a été organisée conformément aux dispositions de la loi, et ce malgré l'absence d'une Cour Constitutionnelle. Le processus a été mis en place comme dans les plus grandes démocraties, une démocratie qu'il affectionnait tant de son vivant. Des obsèques officielles ont été organisées en son honneur avec la participation des plus grands chefs d'Etat venus du monde pour l'accompagner jusu'à sa dernière demeure. Un moment solennel digne de son parcours politique. Il est ainsi parti dans la plus grande dignité après une longue carrière au service de l'Etat Tunisien, depuis son plus jeune âge.
Avocat et juriste de formation, Béji Caïd Essebsi était un politicien hors pair et un fin diplomate. Il suffirait de rappeler le vote en 1985 de la résolution des Nations unies condamnant l'agression israélienne contre la Tunisie à Hammam Chott, pour témoigner de la richesse de sa carrière à la tête de la diplomatie tunisienne. Mais aussi, il a occupé le poste de ministre à la tête de différents départements régaliens. Il a été ministre de l'Intérieur, de la Défense et des Affaires étrangères sous Bourguiba. Il a, également, eu un passage parlementaire en occupant le poste de président de la Chambre des députés avant d'en démissionner sous le régime de Ben Ali.
Et c'est après une longue absence de la scène politique nationale, qu'il ressurgit après la révolution de 2011. Chef de gouvernement, il réussit, en l'espace de huit mois, à conduire le pays vers les premières élections libres et transparentes de son histoire. Une première dans le monde arabe, qui a permis à la Tunisie d'être l'exemple à suivre, notamment, après l'échec cuisant essuyé par les autres pays ayant vécu leur « Printemps arabe ». Cependant, Béji Caïd Essebsi, n'est pas s'arrêté là. En 2012, il décide de créer son parti politique, baptisé Nidaa Tounes. Un véritable exploit à l'époque. En effet, ce parti créé de nulle part avait réussi à détrôner le mouvement islamiste d'Ennahdha et à occuper la première place aux législatives de 2014. Quant à Béji Caïd Essebsi, il avait réussi son entrée à Carthage face au président sortant Moncef Marzouki.
Cela dit, dès le début de son mandat, Béji Caïd Essebsi n'avait pas tenu sa principale promesse électorale. Lui, qui avait promis de ne jamais s'allier au mouvement Ennahdha, il lui avait tendu la main pour gouverner durant les cinq années de son mandat. Cette alliance contre-nature lui a valu une multitude de critiques, l'effondrement de son parti et la déception d'une grande partie de sa base électorale. Et même lorsqu'il a voulu rompre « cette alliance », les jeux étaient faits, et les constats étaient là. Son parti n'existe plus. Déchiqueté en mille morceaux, rien ne pouvait être réparé.
Toutefois, plusieurs points positifs ont marqué le passage de Béji Caïd Essebsi à Carthage. Déterminé à être le garant de la Constitution et de la liberté d'expression et des médias, Béji Caïd Essebsi s'est engagé à ne poursuivre en justice aucun journaliste. Une promesse qu'il avait tenue bien qu'il ait été victime de plusieurs diffamations Sans oublier son initiative pour l'égalité dans l'héritage et la mise en place d'un Code pour les libertés individuelles. Des valeurs qu'il avait défendues jusqu'à son dernier souffle malgré les critiques et l'opposition farouche des islamistes et des obscurantistes. Outre la promotion de l'image de la Tunisie à l'échelle internationale, à travers des actions diplomatiques d'une grande finesse ayant abouti à l'obtention de la Tunisie d'un siège de membre non-permanent au conseil de sécurité de l'ONU.
Aujourd'hui, avec tous les blocages, la médiocrité et les conflits enregistrés au sommet des institutions de l'Etat, on pourrait comprendre certains choix de Feu Béji Caïd Essebsi. Aussi controversés et discutables soient-ils, ces choix, loin d'être populaires ou réussis, avaient quand même permis la bonne marche de l'Etat. La politique du consensus adoptée par Béji Caïd Essebsi n'était peut-être pas un choix, mais une contrainte, imposée par la réalité d'un système politique boiteux, dont la révision s'avère une nécessité absolue lorsqu'on constate les défaillances actuelles et la profondeur de la crise institutionnelle qui bloque tous les rouages de l'Etat. La Tunisie sombre dans une crise financière, économique et sociale aggravée par la situation épidémique alors qu'elle est dirigée par un gouvernement intérimaire. Une situation invraisemblable, pourtant réelle. Une rétrogradation des libertés individuelles, une dictature naissante et un amateurisme sans précédent, sont les maîtres mots caractérisant la période actuelle.
En tout état de cause, Béji Caïd Essebsi avait prouvé, même le jour de son départ, qu'il était le président de tous les Tunisiens. Un homme d'Etat qui avait pu fédérer et rassembler ses concitoyens autour des mêmes valeurs, celles de la République. Une République qu'on tente d'anéantir, mais ça ne sera pas pour bientôt, du moins tant qu'il y a des Tunisiens qui se souviendront de Béji Caïd Essebsi.