Un an s'est déjà écoulé depuis qu'il nous ait quitté. C'était un 25 juillet, jour de la fête de la République. Béji Caïd Essebsi n'est plus. Un titre qui a fait la Une des journaux nationaux et internationaux. Un départ dans la plus grande dignité, mais aussi avec une grande douleur. Béji Caïd Essebsi, ou Bajbouj comme on aimait bien l'appeler est décédé il y a un an de cela. Le premier président élu au suffrage universel a quitté le jour de la fête de la République. Et c'est la République qui fût en deuil. Une République dont il a tant défendue les valeurs et les principes. Un président qui s'éteint en cours d'exercice, sans être renversé, sans putsch, sans grabuges. Sa succession s'effectue dans les règles de l'art et dans un cadre démocratique qui fut saluer par le monde entier.
Le décès de Béji Caïd avait attristé les Tunisiens. Ceux qui l'aimaient comme ceux qui le haïssaient ou le critiquaient. Il était le président de tous les Tunisiens. Ses funérailles étaient exceptionnelles. Des chefs d'Etat et de hauts responsables à travers le monde sont venus lui rendre un dernier hommage. Politicien hors pair et fin diplomate, la carrière de Béji Caïd Essebsi parlait d'elle-même d'un long parcours politique. D'ailleurs, le vote en 1985 de la résolution des Nations unies condamnant l'agression israélienne contre la Tunisie reste un des moments les plus fort de sa carrière à la tête de la diplomatie tunisienne. Avocat et juriste de formation, il a occupé le poste de ministre dans les départements de souveraineté. Il a été ministre de l'Intérieur, de la Défense et des Affaires étrangères sous Bourguiba. Il a, également, eu un passage parlementaire et a occupé le poste de président de la Chambre des députés. Après une longue absence, il fait sa réapparition sur la scène politique nationale après la révolution de 2011. Il occupe le poste de chef de gouvernement et conduit le pays vers les premières élections libres et transparentes en Tunisie. Ce fut une première dans le monde arabe qui a permis à la Tunisie d'être l'exemple à suivre et en faire le modèle d'une expérience réussie au moment où tous les pays du voisinage ayant vécu leur « Printemps arabe », ont connu un véritable fiasco.
Par la suite, en 2012, il décide de fonder son parti baptisé Nidaa Tounes qui remporte les élections législatives de 2014 devançant Ennahdha et remporte lui-même la présidentielle écartant le président de la République provisoire Moncef Marzouki. Un parti qui a fini en décrépitude notamment à cause du management du fils Caïd Essebsi, le très critiqué Hafedh. Le soutien de feu BCE à son fils avait été, à l'époque, très critiqué puisqu'ayant précipité la chute du parti et le départ de nombre de ses dirigeants et fondateurs.
Le passage de Béji Caïd Essebsi à Carthage s'est distingué par plusieurs points positifs ayant marqué son quinquennat. On se rappellera, toujours, qu'il s'est toujours positionné en tant que garant de la Constitution et de la liberté d'expression et des médias. Durant sa période de gouvernance, il s'est engagé à ne poursuivre en justice aucun journaliste pour une prise de position et pour des opinions critiques. Ceci dit, il a été victime de plusieurs diffamations et pourtant, il a toujours respecté son engagement.
D'autre part, tous les Tunisiens se souviendront de son initiative pour l'égalité dans l'héritage et la mise en place d'un Code pour les libertés individuelles. Audacieuses et éclairées, ses initiatives ont rencontré l'opposition des islamistes et de l'opinion publique du monde arabe, pourtant il les a défendues jusqu'à son dernier souffle. Et même en ses derniers jours, il a pu démontrer qu'il est un fin connaisseur des lois, en réussissant à manier les textes de loi en toute habileté. En effet, il n'a pas promulgué les amendements de la loi électorale proposés à la dernière minute et visant à exclure certaines parties politiques des élections de 2019, notamment, Nabil Karoui et 3ich Tounsi.
Durant son passage à la tête de l'Etat, Béji Caïd Essebsi a réussi à concevoir une politique de consensus avec le mouvement Ennahdha. Une politique ayant suscité de multiples controverses étant donné que feu BCE avait promis, lors de la campagne électorale, de ne jamais s'allier avec les islamistes. Si ce rapprochement a affaibli le mouvement Ennahdha, il a aussi anéanti Nidaa Tounes. Cependant, et en dépit de pertes cumulées par les deux partis, cette démarche a permis une certaine cohabitation. Certes fragile puisque l'alliance était contre-nature entre le camp progressiste et l'autre islamiste, mais la politique reste l'art des alliances impossibles lorsqu'il s'agit d'intérêts communs.
Malgré certaines critiques, Béji Caïd Essebsi restera le président ayant réussi à réunir les Tunisiens, même après sa mort. On se souviendra toujours de ses discours ponctués de notes d'humour et de piques bien ciblées. Sa bonne humeur, sa malice et sa perspicacité le distingueront à jamais. La Tunisie n'enfantera pas tous les jours de grands hommes de son envergure, pourtant, elle en a bien besoin, surtout, en ces périodes critiques...