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Ce que les Américains n'ont pas compris
Publié dans Business News le 16 - 08 - 2021

Cela fait 22 jours que le président a pris ses décisions de limoger le chef du gouvernement, de geler le parlement et de faire retirer leur immunité aux députés. On est à J-9 du deadline qu'il s'est lui-même fixé et on n'a toujours pas de chef du gouvernement, toujours pas de feuille de route, toujours pas de visibilité. On ne sait pas où on va aller, ni comment. Les voyous et les corrompus sont toujours en liberté et, nouveauté, on empêche pêle-mêle les gens de voyager.
Que fait le président depuis le 25 juillet ? Du cinéma. Il a ainsi multiplié les actions de « politique-spectacle » rappelant Zine El Abidine Ben Ali à ses premières années. Ainsi vendredi dernier dans le quartier populaire très pauvre de « Hay Hlel » où il est allé rencontrer quelques artisanes à l'occasion de la fête de la Femme. Aucune spontanéité, tout responsable de communication politique expérimenté l'a constaté. On l'a d'ailleurs vérifié plus tard, on a bien demandé à ces femmes de continuer à travailler lors de la visite du président, de ne pas se lever, de ne pas crier des youyous et, surtout, de ne rien lui revendiquer. On l'a également vu le 11 août à Tebourba et Jedaïda quand il est allé contrôler des entrepôts de fruits et légumes qu'il a qualifiés de « circuits d'affamement ».
Le pompon c'est lorsqu'il a reçu le président de la centrale patronale, Samir Majoul, à qui il a fait part de son projet d'amnistie visant 460 hommes d'affaires véreux qui auraient dérobé, d'après ses dires, quelque 13500 milliards (sans préciser s'il parlait en dinars ou en millimes). Le président de la République invite à injecter ce montant dans les régions défavorisées en contrepartie d'un ticket de pardon. Toute personne avisée, cultivée et un peu consciente de la chose publique, sait parfaitement que Kaïs Saïed ne verra jamais ce montant qui n'existe que dans sa tête.

Mais peu importe ce que pense l'intelligentsia, la politique-spectacle du président plait au peuple, à la majorité du peuple. Donald Trump et Victor Orbàn ne me contrediront certainement pas. Il suffit de surfer sur la pauvreté, sur la peur et sur l'émotion pour gagner des galons. Tous les hommes (et femmes) politiques populistes le savent. Kaïs Saïed bénéficie quand même de deux autres atouts, sa sincérité (à la limite de la crédulité) et le fait que les Tunisiens se sentent nettement mieux le 26 juillet que le 25 juillet. Nous sommes une véritable majorité à avoir soufflé un ouf de soulagement après les décisions présidentielles, même si celles-ci sont apparentées à un coup d'Etat et même si elles violent les textes et l'esprit de la Constitution. Les chiffres des instituts de sondage nous confirment cette nette impression, 87 % des Tunisiens approuvent les décisions présidentielles, d'après le sondage réalisé par Emrhod Consulting pour le compte de Business News et Attessia.
Tout cela étant dit, il va falloir maintenant rassurer la communauté internationale sur la suite. C'est bien beau d'avoir gelé les parlementaires et limogé le chef du gouvernement, il faut bien qu'il nous dise ce qu'il va faire pour la suite, qui va-t-il nommer à la Kasbah, quel sort réserve-t-il aux 217 députés et au parlement, y aura-t-il des élections anticipées pour qu'on puisse chasser, par les urnes, tous ces députés voyous et corrompus ?
Le président de la République aurait dû répondre à toutes ces questions le soir même du 25 juillet. 22 jours après, il ne l'a toujours pas fait. Pourtant, nous sommes en droit de savoir, car cette situation d'incertitude ne peut pas durer éternellement. Il a beau nous dire qu'elle ne durera que trente jours, on sait que ce n'est pas vrai et qu'il va la prolonger inévitablement, pour deux autres mois au minimum. On en saura davantage sur ce point la semaine prochaine probablement.

En attendant, la communauté internationale s'interroge et s'inquiète. Et c'est pour tenter d'obtenir une réponse comme nous que les Etats-Unis ont envoyé une délégation officielle vendredi dernier pour s'entretenir avec le président de la République.
Un communiqué de la Maison Blanche été émis dans la soirée à l'issue de cette rencontre où l'on apprend que les Américains appellent « à un retour rapide sur la voie de la démocratie parlementaire tunisienne ». On y lit également que le conseiller principal adjoint à la sécurité nationale Finer a discuté avec le président Saïed de « la nécessité urgente de nommer un chef de gouvernement désigné qui formerait un gouvernement capable de faire face aux crises économiques et sanitaires immédiates auxquelles la Tunisie est confrontée », mais aussi de l'importance de « donner à un nouveau gouvernement les moyens de stabiliser l'économie afin de créer un espace pour un dialogue inclusif sur les réformes constitutionnelles et électorales proposées en réponse aux demandes largement exprimées par de nombreux Tunisiens pour une amélioration du niveau de vie ainsi qu'une gouvernance honnête, efficace et transparente ».
Comment décrypter ce message ? Sur la forme d'abord. En langage diplomatique, quand on envoie un message oral, cela veut dire qu'il y a un soutien à la partie récipiendaire. Quand le message est écrit, cela veut dire qu'il y a un soutien total et une solidarité entre deux peuples frères ou amis liés par des relations solides et historiques.
Sur le fond maintenant, les Etats-Unis ne désapprouvent pas ce qu'a fait le président tunisien et ne dénoncent pas l'éjection de leurs amis et inféodés islamistes. Mieux, ils le soutiennent. Ils demandent cependant des éclaircissements sur la suite et une accélération du retour à la normale. En clair, ils « revendiquent » exactement les mêmes choses que les Tunisiens. En clair, aussi, ils se tiennent du même côté que 87% des Tunisiens.
Plusieurs voix se sont élevées contre cette ingérence américaine. Que ces voix se manifestent quand nos dirigeants vont quémander les sous, les subventions et l'aide au FMI et aux pays frères et amis. La vérité est que la Tunisie est dépendante du reste du monde et, en premier lieu, de ses partenaires historiques que sont la France, les Etats-Unis et l'Europe. Le sujet a déjà été abordé dans cette même rubrique.

En dépit de ce qui précède, il y a quand même une partie que les Américains (notamment leurs ONG et leurs médias) refusent de comprendre et d'admettre.
Pour eux, la démocratie revient à dire que le parti vainqueur aux élections dirige le pays. Quant aux perdants, soit ils se mettent dans l'opposition, soit ils forment une coalition avec le parti vainqueur au cas où celui-ci n'a pas de majorité parlementaire.
Cette vision binaire de la politique est applicable, avec un certain succès, dans les grandes démocraties où les institutions sont solidement établies et où il y a cette culture. Sauf que voilà, tous les pays ne sont pas logés à la même enseigne. Il y a d'autres grandes nations qui refusent cette vision binaire de la démocratie et ont leur propre modèle, ont leur propre culture. La Chine et la Russie par exemple. Du point de vue de ces pays, le modèle occidental de la démocratie ne marche pas chez eux, point à la ligne. Du point de vue occidental, ces pays sont des dictatures, point à la ligne. La vérité est certainement entre les deux.
La Tunisie pré-révolutionnaire avait son propre modèle qui s'apparente à la démocratie, mais n'en est pas un. Il a montré ses limites le 14 janvier 2011. A partir de là, nous avons choisi la voie de la démocratie à l'occidentale, ce qui nous a valu les grands applaudissements et les satisfecit des occidentaux. Ce modèle a cependant a montré ses revers, car depuis 2011, ce sont les islamistes qui gouvernent d'une manière ou d'une autre.
Les islamistes ont beau être premiers aux élections, ils demeurent rejetés et honnis par la majorité de la société. Aux législatives de 2019, les islamistes et les islamistes radicaux ont totalisé 25.57%. C'est-à-dire que 74,43% des électeurs n'ont pas voté islamiste. Quand on sait qu'il y a un taux d'abstention de 58,3%, on a une idée sur le rejet de l'islamisme politique. Par rapport à la population globale en âge de voter, le vote islamiste représente 10,34% seulement. Pourtant, ce sont eux qui gouvernent depuis 2011, ce sont eux qui ont infiltré tous les strates de l'administration, ce sont eux qui ont envoyé des terroristes à Daech, ce sont eux qui ont vidé les caisses de l'Etat, ce sont eux qui corrompent le milieu des affaires et la justice…
Ce que les Américains refusent de comprendre, c'est que si les islamistes sont premiers aux élections, ce n'est pas par la force des urnes, mais c'est grâce à la désorganisation affligeante de toute l'opposition, c'est grâce à la triche et la fraude, c'est grâce à l'argent sale, c'est grâce à la manipulation grotesque de la population crédule à qui ils ont fait croire que voter pour eux, c'est voter pour Dieu.
Oui, le modèle occidental de la démocratie peut réussir en Tunisie dans une génération ou deux, mais à condition que tous les acteurs respectent les règles du jeu démocratique.
Le fait est que les islamistes n'ont jamais respecté ces règles du jeu et ont toujours triché et ce depuis les élections de 2011. En témoignent les rapports de l'Instance indépendante des élections ou ceux de la Cour des comptes. Même en interne, ils n'ont jamais respecté la démocratie puisque leur leader, Rached Ghannouchi, préside aux destinées du parti depuis plus de quarante ans.
Oui, le modèle occidental de la démocratie peut réussir, mais à condition que le parti vainqueur ne viole pas les lois à volonté à l'assemblée où il siège et n'agresse pas les opposants. Dans notre parlement, avant sa suspension, nos députés de l'opposition ont été violemment agressés verbalement et physiquement durant des mois.
Oui, le modèle occidental de la démocratie peut réussir, mais à condition que l'on respecte l'égalité, les minorités et les médias. Or les islamistes bloquent tout projet lié à l'égalité de l'héritage (alors que l'égalité est inscrite dans la constitution), les homosexuels sont jetés en prison et le classement de la Tunisie en respect de la liberté de la presse a régressé en 2021 à cause des violences portées par le parti islamiste Al Karama contre les journalistes.
Oui, le modèle occidental de la démocratie peut réussir, mais à condition que l'on respecte les lois du pays et qu'on ait une justice équitable et indépendante. Le fait est que notre justice ne l'est pas et elle est sous le joug des islamistes. On a même un ancien procureur accusé d'avoir étouffé plus de six mille dossiers terroristes.
Oui, le modèle occidental de la démocratie peut réussir, mais à condition que nos députés aient un minimum d'intégrité et de décence. Or, parmi nos parlementaires, on trouve des voyous, des contrebandiers, des obsédés sexuels et des imams ayant envoyé des Tunisiens à Daech.
Oui, le modèle occidental peut réussir, mais à condition que la cité soit régie par des lois humaines et non par des lois célestes. Or les islamistes cherchent, par des moyens détournés, à imposer la Chariâa et sont allés jusqu'à proposer des religieux à la Cour constitutionnelle.

Si Kaïs Saïed a pris ses décisions du 25 juillet 2021 et si les Tunisiens l'ont approuvé en masse, c'est parce que les islamistes au pouvoir ont violé tous les principes de la démocratie à l'occidentale.
Pour que la démocratie réussisse, il ne faut pas seulement respecter la constitution et organiser des élections libres et transparentes, il faut également respecter les lois, respecter la justice, respecter les minorités, respecter les médias.
La Tunisie islamiste 2011-2021 n'a rien respecté de tout cela et c'est ce que les Américains, et les occidentaux, doivent comprendre.
Kaïs Saïed a violé la constitution ? Oui ! Mais il était comme ce chauffeur qui a grillé un feu rouge pour transporter un malade aux urgences de l'hôpital.
Oui, les Tunisiens ont applaudi le coup d'Etat. Mais ils étaient désespérés comme cet individu au fond d'un gouffre à qui on a jeté une corde de sauvetage. Pour lui, la priorité est de sortir de ce gouffre, il verra après si son sauveteur est un truand ou pas et si la corde qu'il lui a lancée est volée ou pas.
Pour comprendre ce qui s'est passé le 25 juillet, il faut mettre les choses dans leur contexte et ne pas se suffire, du haut de sa tour d'ivoire (comme l'ont fait plusieurs occidentaux) de dénoncer la violation de la constitution par le président.
Tout cela étant dit, il est hors de question de s'éloigner du modèle démocratique occidental et il est impératif que Kaïs Saïed nous donne sa feuille de route pour la période à venir. Chose qu'il tarde à faire, occupé, qu'il est, par du populisme à deux balles.


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