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Kaïs Saïed face au danger du tribunal militaire
Publié dans Business News le 18 - 08 - 2021

Pas moins de sept députés sont épinglés par le Tribunal militaire de Tunis pour différents délits. C'est la stratégie de Kaïs Saïed pour écarter des adversaires politiques trop critiques et insolents. Si cette stratégie plait à une majorité de Tunisiens, elle reste néanmoins trop risquée pour l'avenir et Kaïs Saïed risque de payer très cher ce choix.

Le député indépendant Yassine Ayari est en prison pour purger une peine de prison de deux mois, prononcée avant son entrée au parlement par le Tribunal militaire. Son crime ? Un post Facebook dont il nie être l'auteur et où il critique violemment l'armée. Bénéficiant, depuis 2017, de l'immunité parlementaire, Yassine Ayari a pu échapper à l'exécution de la sentence.
Et puis vint le 25 juillet et les décisions présidentielles de lever cette immunité derrière laquelle se cachent plusieurs députés véreux. Yassine Ayari a eu la malheureuse idée de dire ce qu'il pense de ces décisions et a violemment critiqué le président de la République. L'épée de Damoclès tomba immédiatement, la police vint le chercher tout de suite pour qu'il exécute sa peine.
Rached Khiari, député islamiste radical, spécialisé dans la publication de posts Facebook haineux et mensongers a publié une série de posts Facebook dans lesquels il accuse le président de la République de haute trahison. Malgré la gravité des faits, le ministère public près du Tribunal de Tunis, ou celui du Tribunal de Tunis 2, lieu de sa résidence, n'a pas réagi. Pour le parquet, Rached Khiari est un député bénéficiant de l'immunité parlementaire et, de ce fait, intouchable. Pourtant, les textes constitutionnels régissant l'immunité sont clairs et le parquet aurait dû appliquer ces textes pour convoquer le député islamiste radical. Touché dans son amour propre et dans son honneur, Kaïs Saïed somme la ministre de la Justice de réagir. Sans résultat. Devant le silence complice de la justice civile, soupçonnée d'être inféodée aux islamistes, le président de la République saisit le parquet militaire qui rebondit instantanément sur l'affaire. Le dossier est transféré à un juge d'instruction qui édite immédiatement un mandat d'amener.
Grâce à la complicité de l'ancien chef du gouvernement Hichem Mechichi, le mandat d'amener n'est pas exécuté et Rached Khiari a pu faire un pied de nez au juge d'instruction militaire.
Le 25 juillet, la donne change et le député s'évapore dans la nature. On le cherche encore.

Mars 2021, quatre députés d'Al Karama se dirigent à l'aéroport Tunis-Carthage pour forcer la police des frontières à laisser voyager une dame fichée S17. C'est-à-dire suspectée d'être impliquée dans une affaire terroriste et interdite de voyage. Les députés font du grabuge et sont jetés en dehors de l'aérogare par les agents de sécurité, après plusieurs heures de tensions. Hichem Mechcihi, également ministre de l'Intérieur, se déplace lui-même à l'aéroport pour conforter ses troupes et leur assurer qu'il y aura une suite judiciaire à cet incident.
La justice a cependant étouffé l'affaire. Le parquet a bien convoqué les députés d'Al Karama, mais ces derniers l'ont envoyé balader. Au lieu d'envoyer une correspondance officielle à la présidence du parlement pour lui demander la levée de l'immunité parlementaire afin de pouvoir traduire les députés devant la justice, le parquet a préféré se taire.
Le 25 juillet, au lendemain des décisions présidentielles, les députés d'Al Karama sont aux premiers rangs pour protester contre le président et l'injurier, notamment sur les réseaux sociaux.
En dépit de la levée de l'immunité parlementaire, le parquet près du tribunal de première instance de Tunis préfère garder ses distances. Il n'a pas réagi aux injures répétées de ces députés et il n'a pas réactivé l'affaire de l'aéroport.
Furieux, le président de la République saisit une nouvelle fois le Tribunal militaire. Les agents de la police des frontières sont convoqués pour déposer une nouvelle plainte afin que le parquet militaire puisse réagir. Des mandats d'amener sont immédiatement édités contre Maher Zid (arrêté puis relâché), Nidhal Saoudi, Abdellatif Aloui, Mohamed Affes et Seïf Eddine Makhlouf. A ce quintet s'ajoute l'avocat Mehdi Zagrouba qui était avec eux à l'aéroport.
Après les avoir convoqués plus d'une fois, le juge d'instruction s'est trouvé obligé d'émettre des mandats d'amener contre les députés récalcitrants qui ont affirmé, publiquement, qu'ils refusent de se présenter devant un tribunal militaire dans une affaire qui devrait être exclusivement traitée par un tribunal civil.

Les mesures de Kaïs Saïed prises le 25 juillet sont très populaires et ont été fortement applaudies par la population. Les délits commis par les députés d'El Karama, depuis leur élection en 2019, sont très nombreux et toute la Tunisie en témoigne, puisqu'ils ont été filmés et largement diffusés sur les réseaux sociaux. C'est avec délectation d'ailleurs que beaucoup de Tunisiens voient la mésaventure frappant ces islamistes radicaux et comment ils se cachent aujourd'hui et se dérobent de la justice. Eux, qui se présentaient hier, comme des lions courageux et virils qui ne craignent que Dieu.
Seulement voilà, les textes de loi sont clairs et on a beau être sous l'article 80 de la constitution et ses mesures exceptionnelles, il y a des choses qui ne passent pas.
Les députés d'Al Karama sont des civils et leurs délits touchent des civils. Kaïs Saïed a beau dire qu'il est le chef supérieur des armées et se créer ainsi une justification pour saisir le tribunal militaire, il n'est pas convaincant.
Le souci avec cette décision controversée, jugée totalement illégale par les intéressés, est que Kaïs Saïed n'atteigne pas ses objectifs et sape l'image et la crédibilité de la justice militaire.
Clairement, dans les faits aujourd'hui, la justice militaire n'a toujours pas réussi à faire ramener les prévenus. Techniquement, elle se doit de passer par la police, puisqu'elle n'a pas le droit (ni les moyens) de faire arrêter elle-même les personnes qu'elle convoque et qui ne répondent pas à ses convocations. Or la police rechigne à faire arrêter les députés recherchés. Techniquement, elle est irréprochable. Elle s'est bien dirigée vers les domiciles des députés, mais elle ne les a pas trouvés.
La version officielle, et légale, tient debout, bien qu'elle soit incroyable puisque la police tunisienne a la réputation d'être capable de trouver, en un temps record, une aiguille dans une botte de foin. Mais ceci n'est possible que s'il y a volonté de sa part et la police ne semble pas trop vouloir exécuter des décisions que plusieurs jugent illégales. Se remémorant encore ses déboires en 2011, la police tunisienne ne veut plus être complice des politiques.
Peu importe que cela discrédite la justice militaire dont les décisions restent sans effet, mais elle tient encore, pour le moment, à la légalité.
Quand bien même la police arrêterait les députés recherchés et les mettraient au cachot, la justice militaire devra subir les critiques et cette image désastreuse d'une justice aux ordres. Tout le monde est d'accord que les députés d'Al Karama sont honnis et méritent la prison, mais tout le monde n'est pas d'accord sur cette saisine des militaires pour les mettre hors d'état de nuire. Même si l'on va applaudir, on va penser au fond de soi qu'on a maintenant une justice militaire aux ordres d'un homme politique. A partir de là, c'est la porte ouverte à toutes les interprétations, y compris l'avènement d'une dictature.

Tout cela ne serait pas arrivé si la justice civile avait fait son boulot, aussi bien dans l'affaire de l'aéroport que dans plusieurs autres affaires pendantes devant elle. A ce jour, pas moins de trente affaires impliquant des députés dormiraient dans ses tiroirs. Officiellement, elle est en vacances, mais les mesures exceptionnelles ne justifieraient-elles pas la suspension des vacances de quelques juges en charge des dossiers dormants ?
Cette passivité, pour ne pas dire complicité, de la justice civile a poussé Kaïs Saïed à saisir la justice militaire, mais le risque est qu'il fuit la goutte pour se trouver sous la gouttière, comme le dit un proverbe tunisien. Les députés d'Al Karama crient déjà au scandale de se trouver convoqués par les militaires et le risque est qu'ils deviennent victimes aux yeux de l'opinion internationale. Un procès inéquitable rendrait n'importe qui victime, même si les crimes du suspect sont avérés.
Ce serait le comble donc que les députés d'Al Karama deviennent demain des victimes d'un régime répressif et d'une justice aux ordres, comme l'ont été hier les terroristes d'Ennahdha.
Victimisation de réels voyous, discrédit de la justice militaire, désobéissance dans les faits de la police qui ne veut pas être complice d'actes illégaux, Kaïs Saïed prend vraiment des risques en insistant à mettre la main coûte que coûte sur ces députés. Sa stratégie n'est déjà pas viable et elle ne le sera pas, ni sur le court, ni sur le long terme. Pour réussir, c'est la justice civile qui doit se lever de sa torpeur et faire son travail pour convoquer et faire arrêter tous ces voyous qui se cachaient derrière leur immunité pour lui échapper. Kaïs Saïed n'a pas d'autre alternative.


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