Cela fait vingt-neuf jours que le président de la République a annoncé ses décisions historiques de limoger le chef du gouvernement, de geler le parlement et de faire lever l'immunité des députés. Ce 25 juillet, il avait annoncé qu'il nommerait un successeur à Hichem Mechichi. Nous attendons encore. Jeudi dernier, il a annoncé que la nomination interviendra dans les jours à venir. Ce que l'on comprend, c'est deux-trois jours. Mais comme nous sommes les seuls responsables de ce que l'on comprend, on attend toujours. Qu'a fait de spécial le président de la République durant ces vingt-neuf jours ? Pas grand-chose à vrai dire, car très peu de ses promesses du 25-Juillet ont été concrétisées, comme Business News l'a démontré la semaine dernière.
Faute de visibilité pour la période à venir, faute de nouveau gouvernement et de plan de sortie, on se rabat sur ce qu'il a fait de concret. Quelques arrestations de députés dont certaines ont été suivies de libérations immédiates, quelques assignations à résidence dont on ne connait pas vraiment les raisons, des mandats d'amener dont la majorité attend l'exécution et la réduction de quelques millimes des prix des patates et de l'eau minérale. Et puis c'est tout. Ah oui, j'ai failli oublier. Il y a également les menaces de mort frappant le président de la République. C'est la troisième ou quatrième fois qu'il nous dit ça et on en est maintenant à douter de la crédibilité de ces menaces. La dernière fois, c'était le 15 juin dernier devant les anciens chefs du gouvernement et le ministère public a ouvert tout de suite une enquête. Avant cela, il y a eu l'affaire de l'enveloppe empoisonnée ouverte par sa cheffe de cabinet. Une enquête a également été ouverte par la justice à l'époque. Où en est-on de ces enquêtes ? On n'en sait rien ! Soit on ne nous dit rien (probable), soit il n'y a rien à dire (aussi probable). Dans un cas comme dans l'autre, l'attitude de Kaïs Saïed par rapport à cette histoire de menaces est inquiétante, car il en dit trop ou pas assez. Si ce qu'il dit est vrai, il se doit de dévoiler qui se cache derrière ces menaces. Il sous-entend que ce sont les islamistes. Soit. Alors pourquoi il n'y a aucun islamiste sous les verrous depuis le 25 juillet ? Pourquoi, à l'exception d'Anouar Maârouf (impliqué dans le dossier de la Q5), il n'y a aucun islamiste assigné à résidence ? Si ce que dit le président est faux, ou s'il est manipulé par ses services de sécurité, il doit arrêter de parler de ces menaces, car il y va de sa crédibilité et il ne fait qu'ajouter de l'incertitude et de l'anxiété à une situation déjà très tendue. En répétant à l'envi qu'il est menacé de mort, Kaïs Saïed rappelle, à leur époque, les dictateurs Saddam Husseïn et Mouammar Gueddafi. Eux aussi, pour se donner de l'intérêt et de l'aura devant leurs populations, ils se disaient menacés par les ennemis de la nation. Parfois, c'est l'Amérique qui veut les tuer et parfois ce sont les opposants politiques. Kaïs Saïed doit savoir qu'on est en 2021, c'est-à-dire au XXIe siècle, c'est-à-dire à l'époque de l'internet et de l'instantané, c'est-à-dire à une époque où les peuples exigent de la transparence de leurs gouvernants et un peu plus que de simples paroles. S'il y a des menaces de mort réelles, il est prié de nous éclairer tout de suite sur l'ensemble des points qui lui permettent de dire cela. S'il n'y en a pas, il est prié de ne plus évoquer ce sujet, car son comportement est enfantin et reflète l'état d'esprit d'un dictateur hégémonique. Il ne l'est pas aujourd'hui, certes, mais il en a plusieurs symptômes.
L'autre actualité de la semaine est le séisme qui frappe actuellement les députés islamistes et islamistes radicaux. L'éthique exige que l'on ne tire pas sur les ambulances, que l'on ne tire pas sur un homme à terre, mais on se doit de tirer certaines leçons et de pointer du doigt un certain comportement. Promis, on arrêtera de parler des islamistes et des islamistes radicaux dès qu'ils seront réellement à terre. Pour le moment, ils ne le sont pas encore, ils sont juste groggys. Il y a quelques mois, Noureddine Bhiri et Abdelkrim Harouni menaçaient à tout va les Tunisiens qui s'opposaient à eux et ils répétaient, à l'envi, que la rue et la légitimité sont de leur côté. Ils se considéraient au dessus de la loi et ils l'étaient réellement. On ne compte pas le nombre de convocations judiciaires ignorées et les peines de prison non exécutées. Rafik Abdessalem publiait quotidiennement ou presque un post Facebook pour injurier ou provoquer le président de la République. Rached Khiari accusait carrément Kaïs Saïed de haute trahison et montait des vidéos sexuelles contre ses collègues députés. Il diffusait, régulièrement, des enregistrements WhatsApp personnels de Nadia Akacha, cheffe de cabinet du président de la République. Seïf Eddine Makhlouf injuriait et défiait le président de la République, dans l'hémicycle même de l'assemblée et s'en prenait à toutes les forces vives de la société : syndicats, médias, hommes d'affaires, banquiers, gauche… En dehors et dans l'assemblée, on ne compte plus les vidéos filmant ses insultes grotesques contre Samia Abbou et Abir Moussi. Abir Moussi qui a été agressée physiquement, dans l'assemblée, par Makhlouf et Sahbi Smara. Zied El Hachemi criait qu'ils sont forts parce qu'ils ont Dieu en haut et leurs sympathisants en bas. Saïd Jaziri utilisait, tous les jours, sa radio pirate pour injurier et insulter les membres de la Haica et les laïcs. Abdellatif Aloui injuriait, régulièrement, les opposants, les francophones et les laïcs ainsi que les fidèles de Habib Bourguiba qu'il qualifiait de criminels. Mohamed Affes, qui envoyait les Tunisiens faire le djihad en Syrie, était remonté à bloc contre les syndicalistes et les médias mécréants.
La liste des islamistes et islamistes radicaux qui se considéraient au dessus de la loi est encore longue. Un point commun à tous ces gens-là, ils criaient haut et fort qu'ils sont des lions, qu'ils sont de vrais militants, qu'ils sont des hommes, de vrais hommes virils, qu'ils sont sincères (leur crédo) qu'ils ne craignent rien à part Dieu, qu'ils lutteraient pour leur cause coûte que coûte, même si c'est avec leur sang. Où sont tous ces « lions » maintenant ? Vingt-neuf jours après le 25 juillet, ils sont tous sous le lit, cachés la peur au ventre. L'ironie et leur faiblesse politique font qu'ils se cachent de crainte des décisions de celui à qu'ils avaient soutenu et à qui ils avaient appelé à voter en 2019. Seïf Eddine Makhlouf n'injurie plus le président et n'a pas prononcé, ne serait-ce qu'une fois, les noms de Samia Abbou et Abir Moussi. Sur sa radio, Saïd Jaziri n'a pas prononcé une fois les noms de Hichem Snoussi et Nouri Lejmi et sa radio ne diffuse plus que du coran et des émissions pieuses. Tous les deux-trois jours, Abdellatif Aloui publie un long texte dans lequel il pleurniche et il joue aux Sainte-Nitouche. Rafik Abdessalem est devenu muet, tout comme Yosri Daly et Mohamed Affes. Rached Khiari a totalement disparu de la circulation, il n'a rien publié depuis le 26 juillet et il se cache dans la nature. Zied El Hachemi s'amuse, comme les Instagrameuses, à changer sa photo de profil tous les deux trois jours.
Ce qui leur arrive maintenant est une punition divine, diront les croyants. Il y a une justice sur terre ou c'est la loi du karma, diront les autres. Pourquoi je rappelle tout cela ? De la délectation de les voir un genou à terre ? Non, mais pour attirer l'attention de leur public (bien qu'il ne fasse pas vraiment partie de notre lectorat-cible) sur les mensonges et la mégalomanie des hommes politiques qui se disent pieux et sincères. Voilà le vrai test, voilà leur vrai visage ! Quand il y a eu juste une menace de prison, ils se sont terrés. Ils juraient qu'ils étaient des lions, mais au premier examen grandeur nature, ils ont agi comme des souris. Ces gens-là ont fait beaucoup de mal à la Tunisie avec leurs injures et leurs immondes grossièretés. Ils ont traîné la vie politique tunisienne dans la boue. Ils ont sali l'honneur de milliers de personnes, à commencer par le président de la République, mais aussi les syndicalistes, les journalistes, les hommes et femmes politiques… Ils ont diabolisé à souhait l'ancien régime et souillé des dizaines d'hommes d'Etat qui ont servi sincèrement le pays et qui ne se sont jamais servis. Ces gens-là ont menti pendant des années, ils ont fraudé, falsifié, agressé… Ils ont terni l'image de l'assemblée et de la démocratie dans nos esprits. Pour séduire la population, ils ont utilisé le coran, le sel et le pétrole, le remède contre le corona… Pour casser leurs opposants et discréditer les médias, ils les ont accusés d'être à la solde de la France, du Mossad, de Kamel Letaïef, des lobbys des loges maçonniques… Sauf, comme disait Abraham Lincoln, « On peut tromper une partie du peuple tout le temps et tout le peuple une partie du temps, mais on ne peut pas tromper tout le peuple tout le temps ». Est venu le jour où les Tunisiens ont pu voir, dix ans après 2011, que leurs lions ne sont que des souris. Ils ont pu voir que ces lions n'avaient que la parlote, rien de concret, rien dans le ventre. S'il y a une morale à tirer de tout cela, c'est qu'il faut que les Tunisiens cessent de croire aux belles paroles des hommes politiques. Les promesses de ces hommes politiques n'engagent que ceux qui les écoutent. Les hommes politiques ont beau être sincères et pieux, ils restent des humains qui peuvent changer au gré des jours, des situations, des contraintes et des pressions. Ne jamais croire un homme politique devrait être le crédo de tout Tunisien s'intéressant à la politique. Commençons par bien faire en cessant de croire aux promesses de Kaïs Saïed…