La situation économique est très préoccupante. Il faut dire que depuis 2011 la situation n'était pas fleurissante. La crise du Covid-19 doublée d'une crise politique sans précédent ont envenimé les choses. Des décisions importantes sont temporisées et le pays est en train de partir à la dérive, risquant de sombrer à tout moment. Les chiffres sont assez éloquents et certains font carrément froid dans le dos. Etat des lieux. Depuis la révolution, la Tunisie n'a pas su redémarrer la machine économique. Et d'année en année la situation s'est aggravée, surtout que le secteur privé, locomotive de l'économie nationale, s'est essoufflé et a été malmené par la pandémie, en l'absence de l'Etat et de réelles mesures d'accompagnement. Le secrétaire général de l'Association nationale des PME, Sofiane Gabsi, a affirmé que « 770.000 petites et moyennes entreprises se trouvent aujourd'hui dans une situation périlleuse, 88.000 entreprises sont déclarées en faillite et 54.000 le seront prochainement ». Sachant que le tissu économique du pays est principalement composé de PME, la situation devient préoccupante. Plusieurs secteurs sont sinistrés, notamment ceux liés au tourisme. Ainsi et selon les chiffres publiés par l'Institut national de la Statistique (INS) et relatifs au produit intérieur brut du deuxième trimestre 2021, les services d'hôtellerie, de café et de restauration ont enregistré une baisse d'activité de 35,2%, les services du transport de 20,9% et dans le secteur de la construction de 17,1%. Dans ce même document, l'institut indique que « le niveau d'activité économique demeure inférieur à celui d'avant la crise sanitaire » et que « le PIB en volume reste inférieur de 8% au niveau qui était le sien au quatrième trimestre 2019, soit avant le déclenchement de la pandémie de Covid-19 ». Côté emploi, le taux de chômage est passé de 16,2% au troisième trimestre 2020 à 17,9% au deuxième trimestre 2021 (1,7 point). Le tout, sachant que 44,8% de la population active, soit 1.598.500 personnes, travaillent dans le circuit informel, en se référant à des enquêtes réalisées par l'INS au cours des 2ème, 3ème et 4ème trimestres 2019 et publiées en septembre 2020.
Côté investissement, les chiffres avancés par l'Agence de promotion de l'industrie et de l'innovation (APII) et l'Agence de Promotion de l'Investissement Extérieur (Fipa) sont très parlants, avec un décroissement de 14,6% des investissements déclarés dans l'Industrie durant les sept mois 2021 et une baisse des investissements étrangers (IDE et portefeuille) de 7,4% au premier semestre 2020 par rapport à un an auparavant et de 27,1% par rapport à 2019. Côté commerce extérieur, même si les indicateurs paraissent bons avec une baisse du déficit commercial pour les huit premiers mois, en regardant de plus près, on remarque une baisse des exportations, notamment de secteurs porteurs comme celui des industries mécaniques et électriques ou à forte employabilité comme le textile.
Les deux secteurs pourvoyeurs de devises (tourisme et export) sont en contraction. Et même, si pour le moment les avoirs nets en devises sont à 124 jours d'importation, bien au-dessus des 90 jours d'importation, le "seuil de sécurité" en matière de réserves en devise, les prochaines échéances de la dette tunisienne, vont sûrement les mettre à mal. Il faut dire que nos finances publiques sont au plus mal. Le déficit attendu serait de l'ordre de 9,7%, soit environ 11,5 milliards de dinars sur la base d'un prix de baril à 67 dollars alors qu'il est actuellement de 70 dollars, ce qui équivaut à une rallonge de quatre milliards de dinars supplémentaires, avait indiqué le député indépendant Yadh Elloumi. Et de préciser que les dettes du pays sont de 22,7 milliards de dinars, alors que les ressources disponibles ne sont que de 7,2 milliards de dinars, et que concrètement, la Tunisie devra mobiliser 15,5 milliards de dinars d'ici fin 2021, dont 8,2 milliards de dinars de dettes extérieures (à payer en devises).
Vu cette situation chaotique, plusieurs voix se sont élevés pour réclamer la nomination d'un chef de gouvernement, expérimenté en économie, pour remettre le pays sur les rails, surtout que le président de la République n'est pas chevronné en la matière. Parmi les personnalités qui ont appelé récemment à ce choix : le vice-président de la Banque mondiale pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord Ferid Belhaj, l'ancien président du directoire d'Amen Bank et actuel membre du bureau exécutif de l'IACE Ahmed El Karm, etc. D'ailleurs, plusieurs experts économiques avaient salué les échos sur une éventuelle nomination de l'actuel gouverneur de la Banque centrale de Tunisie au poste de chef de gouvernement. Ahmed El Karm avait expliqué que l'élaboration des Lois de finances 2022 et complémentaire 2021 sont liés à l'avancement des négociations avec le Fonds monétaire international (FMI), d'où la nécessité de reprendre les pourparlers avec le fonds pour garantir le financement de la trésorerie du pays et permettre le recours au marché extérieur outre le fait que les chiffres présentés auront plus de crédibilité.
Si les appels se sont multipliés pour inciter le président de la République à choisir un chef de gouvernement, pour l'épauler dans l'exécution de sa vision et stratégie, le choix du bon candidat sera déterminant pour l'avenir économique du pays, avec l'approche de plusieurs échéances importantes et déterminantes pour la Tunisie de demain.