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Les barbares de la justice
Publié dans Business News le 01 - 11 - 2021

Cela va devenir une habitude chez notre président de la République. A chaque conseil des ministres, il nous fait étalage de son ignorance de la chose publique, des affaires de l'Etat et des principes de démocratie et de justice.
Après s'être interrogé à quoi ont servi les incitations de l'Etat à l'investissement le jeudi 21 octobre, le voilà qu'il s'interroge, jeudi dernier, à quoi a été dépensé l'argent des dons et des prêts internationaux. Il demande même un audit complet à ce sujet. Mais, monsieur le président, lisez les journaux ! Lisez les rapports de la Banque centrale ! Lisez le budget de l'Etat ! Lisez la Loi de finances ! La réponse est là, sous vos yeux ! On ne fait que la répéter depuis des années ! L'argent des crédits depuis 2011 a été essentiellement versé dans le titre I du Budget de l'Etat pour servir les salaires de vos fonctionnaires ! Pour financer, par exemple, votre énorme budget de la présidence de la République qui est de 169 millions de dinars (169 milliards si vous préférez, monsieur le président) en 2021 en croissance de 17% par rapport à 2020. Sous Ben Ali, en 2010, la présidence n'avait que 79 millions de dinars (79 milliards si vous préférez).
Vous qui parlez austérité, commencez par vous-même et allégez votre budget. Licenciez tous ces fonctionnaires qui sont entrés, depuis 2011, sans passer par la case « concours » comme l'exige la loi et l'équité. Liquidez toutes ces sociétés d'environnement qui emploient des milliers de personnes à ne rien faire ! Vendez toutes ces entreprises publiques déficitaires ! L'argent est là devant vous, les corrompus (aussi corrompus soient-ils) n'ont que des miettes par rapport aux masses dépensées par l'Etat que vous dirigez !

Le président de la République, et je le comprends, préfère verser dans le populisme et parler de corruption, de fraude, d'argent dérobé, de paresse, de complot… Il préfère traiter ses opposants et contradicteurs de divers noms d'oiseaux et d'animaux, plutôt que d'aller au fond des choses et résoudre les problèmes à leur racine. Sa tactique marche et marche à merveille, il suffit de voir l'extraordinaire taux de confiance dont il jouit pour comprendre que son populisme fonctionne et rapporte. Ses fans adorent ce type de discours simplistes qui ne font pas fonctionner les méninges et ne fatiguent pas l'esprit. Si esprit et méninges il y a.
La recette de ce populisme est toute simple et a fait ses preuves partout où elle a été expérimentée : on désigne un ennemi commun et on lâche les hordes contre lui.
Aux Etats-Unis, l'ennemi commun c'est le Noir ou le Mexicain. En Europe, c'est le Maghrébin, le musulman et l'Africain. Au Japon, c'est le Chinois. En Corée du Nord, c'est le Sud-coréen. En Tunisie, l'ennemi commun est le corrompu.
Fort de sa popularité, le président a donné le signal lors du dernier conseil des ministres, en invitant les « patriotes » à éradiquer ce corrompu. Les hordes ne demandaient pas mieux pour se lâcher, crocs devant.

Trois mois et une semaine après le coup d'Etat du 25-Juillet, le président de la République bénéficie d'un taux de popularité sans pareil. Est-ce sensé ? Le président présente-t-il sérieusement un projet capable de mener la Tunisie à bon port et de sauver le pays de son marasme ? Oui, répondent en chœur ses fans. Regardons de plus près, la réalité est bien plus nuancée.
Après l'échec de deux chefs du gouvernement qu'il a lui-même choisis, Kaïs Saïed a nommé Najla Bouden à la Kasbah pour diriger le gouvernement. Avez-vous entendu cette dame ? Avez-vous lu son programme ? Savez-vous quelles sont ses tendances idéologiques, sont-elles libérales, socialistes ou communistes ? Il faut se rendre à l'évidence, les réponses sont négatives à toutes les questions. Pourtant, nos chères hordes font confiance à cette bonne dame, juste parce qu'elle a été choisie par un président qui a prouvé, par le passé, qu'il est très mauvais dans les castings.
Le président de la République présente un projet sociétal basé sur la décentralisation et la gouvernance par comités populaires, en éliminant les partis politiques.
Ce projet existe-t-il ailleurs sur la planète ? Non !
Y a-t-il pays sans partis ? Non !
Ce projet a-t-il été expérimenté ailleurs ? L'idée de cette gouvernance par comités populaires a été lancée dans la Russie du XIXe et a été expérimentée par deux pays : en 1966 en Chine et à partir de 1969 en Libye. Dix ans plus tard, les Chinois ont dû mettre un terme à l'expérience tant elle était désastreuse. Quant à la Libye, il n'y avait juste pas d'Etat sous Gueddafi. Sauf si Kaïs Saïed est plus intelligent que l'ensemble des politologues de la planète, actuels et décédés, son idée de projet sociétal ne peut en aucun cas marcher. Expérimenter un projet qui a déjà échoué ailleurs est juste idiot. Non seulement il nous mène droit au mur, mais en plus il va détruire ce qui reste de l'Etat tunisien.
Cet Etat a des échéances à honorer et des salaires à payer. Peut-il les honorer ? D'ores et déjà, plusieurs fonctionnaires ont été payés en retard en octobre. Je vous le dis dès maintenant, ces retards vont se multiplier et s'accentuer.
Le président a-t-il donné sa stratégie pour renflouer les caisses de l'Etat ? Non !
A-t-il rebondi, avec des actes concrets, sur le dernier rapport alarmant de la Banque centrale de Tunisie ? Non !
A-t-il mesuré les conséquences de la dernière dégradation de la note souveraine de la Tunisie ? Non !

Malgré ces évidences, qui ne sont pas du tout évidentes aux yeux des fans crédules de Kaïs Saïed, on continue à chanter ses louanges. On balaie d'un revers toutes les questions posées plus haut et on nous répond : « le président sait ce qu'il fait, il va confisquer l'argent des corrompus et le rendre au peuple ! Cessez de critiquer le président, cessez de défendre les corrompus ! ».
Il y a un malheur qui s'est abattu sur la Tunisie en 2011 et ce malheur s'appelle les islamistes et les CPR avec, à leur tête, Moncef Marzouki. C'est eux, les premiers, qui ont parlé d'argent spolié et de corrompus, c'est eux qui ont plombé les caisses de l'Etat, c'est eux qui ont diabolisé l'ancien régime et falsifié l'Histoire.
Rappelez-vous, en 2011-2012, combien a-t-on mis en prison de ministres et de hauts cadres de l'Etat. Des gens qui ont servi l'Etat et à qui on a collé, à tour de bras, le mot corrompu. Rappelez-vous la chasse aux sorcières de l'époque et les Abdelwaheb Abdallah, Abdallah Kallel, Abdelaziz Ben Dhia, Nébil Chettaoui et des dizaines d'autres jetés pendant plusieurs mois en prison et qui sont sortis, ensuite, blancs comme neige.
Les tribunaux populaires dressés à l'époque, sous la haute bienveillance des islamistes et des CPR, sont les mêmes que l'on dresse aujourd'hui aux Mehdi Ben Gharbia, Samir Taïeb, Ameur Ayed ou Ahmed Smaoui, sous la haute bienveillance des groupies de Kaïs Saïed.
La pression exercée sur la justice de l'époque est la même que l'on exerce aujourd'hui sur la justice d'aujourd'hui.
Dans le dernier conseil ministériel, Kaïs Saïed s'est immiscé une nouvelle fois dans le travail judiciaire avec des menaces, à peine voilées, d'en finir avec le Conseil supérieur de la Magistrature.
Sur les réseaux sociaux, de véritables barbares sont en train de piétiner la présomption d'innocence et de salir l'honneur de personnes qui ont servi l'Etat, juste pour assouvir une soif bestiale de haine.
Avec un président qui invite, publiquement, à éradiquer les corrompus, ces barbares ne demandent qu'une chose : refaire le même scénario du lynchage à mort de feu Lotfi Nagdh.
Le président de la République, cet enseignant de Droit, sait-il ce que c'est que la présomption d'innocence ? Sait-il ce que c'est que l'instruction à charge et à décharge ? Sait-il qu'il n'a pas le droit de faire pression sur la justice ? Sait-il que l'un des principes de justice exige que la liberté soit la règle et l'emprisonnement soit l'exception ? Quel est donc cet enseignant de droit, président de la République de surcroît, qui piétine autant de règles ?!

Ce qui se passe aujourd'hui en 2021 est exactement ce qui s'est passé en 2011-2012 quand les dirigeants de l'époque ont piétiné ces droits élémentaires. Ce qui s'est passé dans l'administration il y a dix ans se passe de nouveau maintenant : les directeurs et hauts commis de l'Etat ne veulent plus endosser de responsabilités et prendre des décisions, de crainte d'être trainés devant la justice d'une manière arbitraire.
MM. Ben Gharbia, Taïeb et Smaoui ne sont pas au-dessus des lois. Mais ils ne sont pas au-dessous, non plus. Ils ont droit à des procès justes. Je ne dis pas que ces gens là sont innocents, je n'en sais rien, ce n'est pas le sujet. Je dis que personne n'a le droit de traiter ces gens-là de corrompus, personne n'a le droit de priver ces gens d'une instruction judiciaire froide et aveugle, à charge et à décharge, et personne n'a le droit de piétiner la présomption d'innocence. Je dis, aussi, que puisque la règle est la liberté dans les principes de justice, il n'y a pas de raison que ces gens soient en prison, le temps de l'instruction, puisqu'ils ne vont ni s'évader, ni se suicider. Il vaut mieux mettre un criminel dehors qu'un innocent en prison !
Vous, hordes de barbares qui soutenez cette chasse aux sorcières, imaginez un seul instant que votre père ou votre fils soit injustement mis en prison !

Les juges ont l'obligation et le droit de travailler dans des conditions saines sans pression. Le fait que le président de la République et sa horde de barbares fassent pression sur ces juges, de quelque manière que ce soit, fait que ces instructions judiciaires soient tâchées de vices de procédures. Sous d'autres cieux, où la justice est respectée, ces seules pressions et ces seuls vices de procédures sont suffisants pour qu'un procès tombe à l'eau.
Kaïs Saïed, hélas, n'en a cure de toutes ces considérations et ça ne le dérange nullement de salir l'honneur des gens, juste parce que lui les suspecte de corruption ou d'autres faits.
Rappelez-vous ce qu'il disait contre les ministres proposés par Hichem Mechichi et à qui il a interdit de prêter serment. Ça fait plus de trois mois que Mechichi est parti, y a-t-il une seule mise en examen de ces personnes que le président a sali durant des mois ? Non !
Rappelez-vous toutes ces personnalités assignées à résidence au lendemain du 25-Juillet. Y a-t-il eu une seule mise en examen contre une seule de ces personnalités ? Non !
Rappelez-vous aussi les centaines de personnalités interdites de voyage au lendemain du 25-Juillet.
Les droits de toutes ces personnes ont été bafoués, elles ont été lynchées durant des semaines par les barbares des réseaux sociaux qui se sont érigés en juges et en magistrats derrière leurs écrans !
Paradoxalement, et pendant qu'on est en train de salir les honnêtes et malhonnêtes gens, Kaïs Saïed s'apprête à décréter une amnistie fiscale. Il l'a dit dans le dernier conseil des ministres. Petite remarque aux hordes : l'amnistie se décrète au profit des corrompus et non des honnêtes gens ! Et cette fois, aucun recours ne sera possible contre la décision du président, en vertu du décret 117.
Voilà du concret avec Kaïs Saïed : vous avez des gens supposés être honnêtes qui sont en prison et des fraudeurs fiscaux qui vont bénéficier d'une amnistie. Continuez à applaudir Kaïs Saïed, continuez à salir l'honneur de vos compatriotes qui ont servi l'Etat, vous n'êtes que des barbares !
"La tolérance atteindra un tel niveau que les personnes intelligentes seront interdites de toute réflexion afin de ne pas offenser les imbéciles". Citation apocryphe de Dostoïevski.


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