Un mois et demi nous sépare de l'année 2022, celle qui devrait être la pire de toutes depuis la révolution. Les signaux alarmants nous viennent de partout et il serait idiot de ne pas les voir. En cette année 2022, nous allons payer cash la baisse de la notation de Moody's (et celles à venir de Fitch et de Standard&Poor's), l'absence de chef de gouvernement pendant près de trois mois, la gestion calamiteuse de plusieurs gouvernements d'avant 25-Juillet, la grande incertitude créée par Kaïs Saïed avec son putsch du 25-Juillet et l'absence de tout plan de développement depuis dix ans. Cela fait dix ans que la Tunisie navigue à vue sans savoir où elle va et ce qu'elle veut. On n'a fait que parler de démocratie en oubliant l'économie. 2022 est l'année où la facture sera présentée aux Tunisiens et nous allons devoir la payer cash. C'est inévitable. A l'origine de cette situation, il y a indéniablement la troïka au pouvoir durant les années 2011-2013. C'est cette troïka qui est à l'origine des malheurs, passés et à venir, de la Tunisie. C'est elle qui a dépensé les milliards de dinars épargnés par le régime Ben Ali. C'est elle qui a inondé la fonction publique de dizaines de milliers de fonctionnaires recrutés parmi les soi-disant victimes de l'ancien régime. C'est elle, aussi, qui a créé ces centaines de sociétés écologiques pour placer d'autres milliers de personnes que l'Etat paie à ne rien faire. Depuis, et chaque mois, l'Etat dépense des milliards de dinars en salaires fictifs sans contrepartie. Quand je vois l'ancien président de la troïka Moncef Marzouki pavaner sur Al Jazeera et Al Mustakillah pour parler de croissance durant son mandat, proposer des solutions à la crise politique actuelle et inviter Kaïs Saïed à démissionner, je n'ai qu'une envie : le voir jugé pour Haute trahison et inscrire son nom dans l'Histoire comme le Néron ou le Brutus de la Tunisie. C'est à cause de lui et de ses opportunistes amis islamistes que nous en sommes là. Alors oui, Kaïs Saïed est mauvais et il nous mène droit vers le mur, sauf que Kaïs Saïed vaut toujours mieux que tous les islamistes réunis, avec Marzouki à leur tête.
Pourquoi l'année 2022 sera celle de la grande inflation et durant laquelle les Tunisiens vont payer la sale facture salée des dix années de la révolution ? Quels sont les signaux alarmants que l'on voit ? C'est une suite logique inscrite dans la nature. Ceux qui ont lu les Fables de la Fontaine connaissent certainement « La Cigale et la Fourmi ». La cigale a chanté tout l'été pendant que la fourmi travaillait. L'hiver est venu, la cigale n'a plus rien trouvé à manger, alors que les réserves de la fourmi sont pleines. Un Etat, ça fonctionne pareil. 2022 est l'hiver venu après dix ans d'été où l'on a chanté (la démocratie) comme des cigales. Nous avons épuisé toutes nos réserves et nous n'avons plus où emprunter de l'argent. Vous me direz que tout cela, vous le savez déjà, qu'est-ce qu'il y a de nouveau ? Le nouveau est que l'on va passer du stade des paroles à celui de l'action.
Deux réunions importantes sont programmées, ce lundi 15 novembre 2021 par le gouvernement. La première entre Najla Bouden et Noureddine Taboubi. Il sera question d'augmentations de salaires dans le secteur public. Najla Bouden ne va pas pouvoir accéder à la demande du syndicaliste. Elle n'a juste pas les moyens pour payer quoi que ce soit. Elle ne peut rien lui promettre, elle ne peut rien lui signer. Comment sera la réaction du syndicat à ce niet ? Préparez vos pop-corn ! La seconde réunion est celle de l'Utica et le ministère du Commerce à propos de l'augmentation des droits de douane de 1355 produits. Excusez du peu ! Tout y passe : denrées alimentaires, matières premières agricoles et industrielles, textile, matériaux de construction… Cliquer ici pour la liste complète des produits proposés à l'augmentation. Cette liste est susceptible, à elle seule, de causer une grosse inflation et de fragiliser le pouvoir d'achat du Tunisien. Pire, elle va imposer des augmentations des prix de nos produits à l'export. L'essentiel de l'industrie tunisienne est de transformation. C'est-à-dire que l'on importe la matière première, qu'on la transforme dans le pays, puis on l'exporte. Si l'on augmente les tarifs à l'importation des matières premières, cela impacte inévitablement le prix à l'exportation et la compétitivité de nos entreprises. La liste comprend également du matériel et des produits agricoles. L'agriculteur va devoir donc payer plus cher ses charges ce qui va s'impacter inévitablement sur le prix de ses fruits et légumes. Pareil pour les éleveurs. Le seul et unique bénéficiaire de cette liste est la contrebande. A tout cela s'ajoute une pluviométrie capricieuse. Les agriculteurs s'en plaignent déjà et craignent le pire sur la récolte des olives. L'impact se fera ressentir, tout de suite, sur le prix de l'huile d'olive, une de nos principales exportations.
Toutes ces données, évidentes pour les économistes et les chefs d'entreprises, sont ignorés et/ou méprisées par les aficionados de Kaïs Saïed et leur « guide suprême ». Ils n'ont à leurs lèvres que la lutte contre la corruption et l'argent dérobé qui va pleuvoir sur nos têtes. Trois mois après le 25-Juillet, je leur pose à eux, et leur président, une seule et unique question qu'y a-t-il de concret ? A-t-on vraiment récupéré un seul dinar des centaines de milliards promises ? Rien ! Y a-t-il un seul « corrompu » qui s'est présenté pour rendre l'argent et construire hôpitaux et écoles dans les régions défavorisées ? Aucun ! Concrètement, le président de la République est un incapable et il n'excelle qu'à une seule chose : la bonne parole. Et encore… Concrètement, le président de la République, n'a même pas été capable de résoudre un tout petit problème de décharge à Agareb. Sfax est encore inondée sous les ordures et Agareb pleure son martyr, tout en continuant à subir la pollution de la décharge. Quant aux promesses présidentielles formulées jeudi pour résoudre le problème en deux jours, elles n'ont pas été honorées. Concrètement, nous sommes à la mi-novembre et nous n'avons toujours pas la Loi de Finances 2022. Or on ne peut rien planifier pour l'année à venir sans cette loi. Le président et le gouvernement ont beau jouer à l'autruche, et travailler tous seuls dans leur coin, ils doivent savoir que le prix de cette incertitude est supérieur à celui d'une mauvaise décision. Et ce prix sera payé par le Tunisien. Deux camps s'affrontent aujourd'hui, les pro Kaïs Saïed et les anti Kaïs Saïed. Sauf que voilà, il y a une part non négligeable de Tunisiens qui sont totalement contre l'ancien régime des islamistes, tout en étant contre le nouveau régime du 25-Juillet. Ils ne veulent pas du retour du parlement et ne veulent pas, non plus, de Kaïs Saïed dont l'amateurisme est affligeant. Le premier et le second camp s'affrontent pour le pouvoir et aucun des deux ne pense au pouvoir d'achat. Aucun ne propose de solutions concrètes pour résoudre la crise économique actuelle et la catastrophe économique qui sonne à nos portes. Aucun n'est en train d'anticiper l'inflation à deux chiffres qui s'annonce pour 2022. A moins qu'ils ne cherchent à maquiller ces chiffres comme on a maquillé, hier, le nombre de manifestants au Bardo… On se rappelle encore de son clownesque 1,8 million de manifestants sortis le soutenir, alors que le nombre réel ne dépasse pas quelques milliers.
La semaine dernière, les contrebandiers vendeurs de cigarettes ont manifesté pour interdire aux grandes surfaces la vente de tabac. Ils ont réussi ! Les Tunisiens continueront à payer à un prix élevé leurs cigarettes et à subir le banditisme des contrebandiers. Montant estimé de la surfacturation illégale : 365 millions de dinars tapés, en toute impunité, dans notre portemonnaie. Le président vous fait miroiter qu'il peut affronter les barons de la corruption, alors qu'il n'est même pas capable d'affronter quelques contrebandiers dont les infractions sont visibles de tous. Le président vous promet de défendre votre pouvoir d'achat et d'attaquer ceux qui volent les Tunisiens, alors qu'il n'est même pas capable d'affronter ceux qui nous volent quotidiennement en toute transparence et impunité. Le président vous promet de changer de système tout en appliquant ce même système. Vous faut-il une preuve supplémentaire de l'incapacité du président à résoudre quoi que ce soit ? Vous faut-il une preuve supplémentaire que le président n'a que de la parlote à offrir ? Vous faut-il une preuve supplémentaire que le président vit dans un monde théorique et totalement déconnecté de la réalité et du terrain ? Que vous y croyez ou pas, peu importe, préparez-vous pour 2022, elle sera très difficile, sauf pour les contrebandiers et les corrompus.