Contrairement à ce que pourrait suggérer le titre de cette chronique chez certains esprits mal tournés, il ne s'agit aucunement de mettre en doute la probité et l'intégrité scientifique des membres de notre illustre commission scientifique. Il serait faux, objectivement, de dire que la commission scientifique a proposé le couvre-feu et l'interdiction de tous les rassemblements dans un but politique pour empêcher les anti-coup d'Etat de défiler dans la capitale. Toutefois, force est de constater qu'il s'agit d'une heureuse coïncidence pour le pouvoir en place. Même le tout nouveau gouverneur de Tunis a promis d'interdire les manifestations alors qu'on ne lui a pas encore demandé son avis. Je ne peux m'empêcher ici d'avoir une pensée sincère et émue à tous ceux qui disaient qu'ils se dresseraient comme un seul homme pour empêcher toute dérive autoritaire du pouvoir et qu'il faut, pour l'instant, « laisser Kaïs Saïed travailler ». Donc, les manifestations du 14-Janvier sont théoriquement interdites à cause du Covid-19 et des risques de transmission du virus. De l'autre côté, les partis ayant appelé à cette manifestation semblent déterminés à y aller quand même. On découvrira, vendredi, comment le pouvoir va réagir à cette provocation.
Quelle que soit l'issue de ces chamailleries, elles se feront sur le compte des restaurateurs, des propriétaires de cafés et de tous ceux qui travaillent la nuit en tant que videurs, serveurs ou cuisiniers. Encore une fois, ce sera à eux de payer la note de deux semaines de couvre-feu avant une réévaluation de la situation épidémique en vue de réviser cette décision. Ils paieront également le prix de l'incompétence de leurs gouvernants et leur manque d'imagination. Le coup de force du 25-Juillet était censé amener un nouveau souffle et une nouvelle manière de gouverner sous la houlette du présidentissime Kaïs Saïed. Mais au final, rien n'a changé. Le communiqué publié par la présidence du gouvernement pour annoncer ses nouvelles mesures contre le Covid ressemble à s'y méprendre à ce que pondait le gouvernement de Hichem Mechichi.
Il faut aussi noter qu'il y a un nouveau panache dans ce gouvernement car, parmi les mesures annoncées, l'exécutif recommande de « renforcer le contrôle du pass vaccinal ». Nous sommes donc devant un gouvernement incapable de faire appliquer ses propres décrets, et qui recommande de renforcer. La non-application du décret concernant le pass vaccinal était prévisible, et prévue d'ailleurs, par les analystes et les commentateurs. Au final, il ce sera agi d'une mode qui a duré trois jours, et puis tout le monde est passé à autre chose, y compris le gouvernement. Quand Najla Bouden est allée voir le président de la République, Kaïs Saïed, elle a reçu des bons points en bonne élève studieuse et appliquée devant le maître d'école un peu particulier. Le chef suprême l'avait félicitée car elle avait travaillé jusque tard dans la nuit sur la consultation nationale et sur les moyens de la faire aboutir. Elle a mérité ses bons points parce qu'elle travaille bien pour le programme et le calendrier de son président. La consultation est, apparemment, prioritaire devant la crise économique, les relations désastreuses avec l'UGTT, la situation sanitaire etc. Finalement, c'est ce qui semble intéresser le pouvoir en Tunisie, uniquement. Il faut, à tout prix, faire réussir cette consultation nationale, malgré ses faiblesses et son ridicule. Il faut tout faire pour envelopper cette arnaque et la faire passer, quoi qu'il en coûte. Et puis, il ne faut surtout pas oser mettre la consultation du président entre guillemets. Cela a l'air de l'énerver au point de se livrer à une diatribe nerveuse sur le compte des médias. Pourtant, ce sont ces mêmes médias qui lui avaient ouvert leurs portes quand il était candidat. Ce sont ces mêmes médias qui lui ont ouvert leurs portes quand il était un simple citoyen qui venait éclairer certains points constitutionnels. Ce sont ces mêmes médias qui lui ont permis de faire parvenir sa voix à l'opinion publique tunisienne. Aujourd'hui, le JT de 20h, dans lequel il avait été invité à plusieurs reprises, déforme les vérités selon lui. Pourtant, la Télévision nationale n'a épargné aucun effort pour plaire à son excellence. Ils ont même interdit d'antenne les opposants du président qui n'ont plus eu voie au chapitre. Kaïs Saïed a récompensé leurs efforts en les traitant de menteurs.
Le couvre-feu et l'interdiction des rassemblements ainsi que les autres mesures décrétées sont, en fait, les symptômes de la faiblesse d'un pouvoir qui gigote et qui fait beaucoup de bruit. Il s'agit d'un pouvoir autocratique qui pense détenir la vérité mais qui se trouve incapable de faire face à la réalité. Toutefois, il s'agit d'un pouvoir qui est soutenu par une partie non négligeable de l'opinion publique. Alors, mettons-nous entre guillemets comme nous le recommande le président qui respecte la constitution et croit aux droits et libertés.