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Tunisie : la police bâillonne la justice
Publié dans Business News le 06 - 02 - 2022

S'il y a une scène déplorable qui peut frapper un pays et un Etat, c'est bel et bien celle que l'on voit à Tunis ce dimanche 6 février 2022 à la Cité Jardins, aux alentours du siège du Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Un local maudit, diront les superstitieux, puisqu'il avait été confisqué, en 2011, par l'Etat pour le donner au CSM.
Ce dimanche, à plus de deux cents mètres des quatre côtés de la bâtisse, des centaines d'agents de police. On en trouve de tout genre, les brigades d'intervention rapide, la police de la circulation ou les gardiens de la paix. Certains sont courtois, d'autres sont tendus et d'autres sont malpolis. Tous ont une seule consigne, interdire strictement l'accès aux véhicules et empêcher les piétons de s'approcher, exception faite pour les riverains et (miracle !) aux journalistes munis obligatoirement de leur carte de presse.
Le pourquoi toute cette mobilisation ? Empêcher les magistrats du CSM de rejoindre leur siège et de se réunir. La décision vient du plus haut sommet de l'Etat et a été prise dans la nuit du samedi à dimanche vers minuit et demi. Depuis le ministère de l'Intérieur, le président de la République Kaïs Saïed a annoncé la fin du CSM qui fait désormais partie du passé. Au cours d'un speech qui a duré une vingtaine de minutes, le président s'en est pris violemment à « certains » magistrats qui devraient être, selon lui, derrière les barreaux. Il a accusé les uns de népotisme et les autres de posséder des milliards.
Cette décision nocturne annoncée depuis le ministère de l'Intérieur vient clore tout un feuilleton qui dure depuis des mois. Précédemment, au cours de la matinée du samedi 5 février, le groupuscule (inexistant légalement) Mouvement du 25-Juillet a annoncé lutter pour la dissolution du CSM et ce au cours d'une réunion filmée en direct sur les pages soutenant Kaïs Saïed sur Facebook. Les réunions sont pourtant interdites, pour cause de Covid, mais le ministère de l'Intérieur n'est là que pour contrer celles de l'opposition.
Dimanche 6 février 2022, et parallèlement à l'encerclement du siège du CSM, le Mouvement du 25-Juillet annonce un sit-in devant ce même bâtiment. Et, bien entendu, la police leur a permis l'accès à la zone, avec leurs pancartes, leurs hauts parleurs et leurs bannières.

Le 25 juillet 2011, c'est un char de l'armée qui a barré la route devant les députés pour accéder au symbole même du pouvoir législatif, l'assemblée.
Le 6 février 2022, c'est la police qui barre la route devant les magistrats pour accéder au symbole du pouvoir judiciaire, le siège du CSM.
Après le bras de fer, Kaïs Saïed passe au degré supérieur et met la justice sous sa botte. Il a beau nier s'être immiscé dans le travail judiciaire, ceci est totalement faux, les faits sont là. Il n'a pas cessé, depuis des mois, d'inviter les magistrats à agir contre les corrompus, les spéculateurs ou certains hommes politiques impliqués dans des affaires d'argent. Le résultat n'était pas au rendez-vous, comme il le souhaitait. Les magistrats ont leur rythme qui n'est pas du goût du président. Ils instruisent les suspects à charge et à décharge, alors que le président prend pour de l'argent comptant ce qui se dit sur les réseaux sociaux. Ils exigent des preuves alors que le président se suffit des rapports de police et de renseignement. Ils respectent la présomption d'innocence, alors que le coupable est celui que la meute désigne au président.
C'est là le cœur même de la bataille entre le président et les magistrats représentés par le CSM. Pour lui, il y a un problème tant que ceux qu'il a désignés ne sont pas derrière les barreaux.

Pourtant, force est d'admettre que le pouvoir judiciaire tunisien est malade. Très malade et depuis des décennies. Des affaires oubliées dans les méandres de la justice, il y en a par centaines. Des hommes politiques ou des hommes d'affaires qui devraient être derrière les barreaux, il y en a des dizaines. Les islamistes ont fait de la justice une serpillère et continuent, à ce jour, à s'immiscer dans les affaires. Ainsi, par exemple, celle de l'ancien ministre des Affaires étrangères Rafik Abdessalem qui traine depuis dix ans. Ou celle de l'ancien ministre Salim Ben Hamidène qui traine depuis cinq ans. Ou encore celle de l'ancien président Moncef Marzouki attaqué pour diffamation.
L'affaire la plus illustre demeure indéniablement celle de l'assassinat des martyrs Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi. Elle traine encore, alors que l'on commémore aujourd'hui le neuvième anniversaire de l'assassinat de feu Belaïd. Son comité de défense n'a de cesse de pointer du doigt les manipulations grotesques faites par les magistrats et le parquet autour de cette affaire, elle n'a pas bougé pour autant. A ce jour, les avocats bataillent et s'arrachent les cheveux devant les vices de procédure et le népotisme des magistrats. « Ils devraient être derrière les barreaux », a dit Kaïs Saïed. Et il a raison.

Sauf que voilà, la méthode employée par Kaïs Saïed pour assainir la justice est loin d'être bonne. Pire, elle est contreproductive. Le président de la République ne cherche pas à écarter les magistrats crapuleux, il veut des magistrats à sa botte. Des preuves à cela ? Il y en a un bon lot. Le cas des blogueurs qui l'ont critiqué, le cas du journaliste Ahmed Ayed coupable d'avoir été virulent à son encontre, le cas de l'ancien ministre Samir Taïeb blanchi par le juge d'instruction après plus d'un mois en prison ou encore le cas de l'ancien ministre Mehdi Ben Gharbia, blanchi par le juge après plus de trois mois de prison, mais qui est resté incarcéré après l'appel du parquet et la confirmation de la chambre des mises en accusation. Le comité de défense de Mehdi Ben Gharbia entend, d'ailleurs, organiser une conférence de presse lundi 7 février pour pointer du doigt les rapports orientés de la Ctaf et les actes suspects du parquet. A entendre ses avocats, on cherche à charger le dossier par tous les moyens, comme pour satisfaire un ordre venu d'en haut. Pas difficile à deviner quand on sait que le même Mehdi Ben Gharbia a été la cible de maîtres chanteurs réputés être proches du président. A plusieurs reprises, ces maîtres chanteurs divulguent les secrets de l'instruction, alors que celle-ci était encore en cours. Affaire politique ? Cela se sent à plein nez. Sauf que le juge a refusé de jouer à ce jeu et a décidé, après des semaines d'enquête de libérer son suspect. Le parquet, hiérarchiquement dépendant du pouvoir exécutif, voyait les choses autrement.
Y a-t-il des procureurs en contact avec la ministre de la Justice ou le président de la République ? La réponse est positive, de l'aveu même du président au cours de l'une de ses interventions médiatiques.
Y a-t-il des procureurs qui refusent les ordres de l'exécutif ? La réponse est également positive, de l'aveu même du président.
Et quand le parquet refuse de suivre les « ordres » présidentiels, le ministère de l'Intérieur peut prendre tout seul le relais en assignant à résidence les suspects. C'est le cas du sulfureux Noureddine Bhiri, ancien ministre de la Justice.

Que le président de la République cherche à assainir la justice de ses magistrats corrompus ou complices de certains lobbys politiques ou économiques, cela est une excellente chose et pourrait obtenir l'aval de 100% de la population. C'est ce que le président prétend tout le temps et c'est ce qu'il a réitéré dans la soirée.
La réalité est légèrement différente, cependant. Ce qui s'est passé depuis le 25 juillet prouve largement que Kaïs Saïed a besoin de magistrats aux ordres et non de magistrats intègres et indépendants.
Par sa décision du 6 février 2022 de dissoudre le CSM, il prouve une nouvelle fois qu'il a peu de respect à l'indépendance de la justice. La dissolution de ce bastion de l'Etat ne résout en rien le problème de la justice, il l'accentue.
Désormais, les magistrats n'ont plus de CSM et ils vont devenir dépendants directement du pouvoir exécutif. Cela n'existe nulle part au monde, même pas dans les grandes dictatures. Ce n'est pas une première, puisque la Tunisie est également le seul pays au monde qui n'a pas d'assemblée.
Une dictature ? On en a toutes les apparences, en dépit des dénégations présidentielles.
Les magistrats se laisseront-ils faire ? Défendront-ils leur CSM ? Protègeront-ils leur indépendance ? Se lèveront-ils vent debout devant le président tout puissant qui s'est accaparé tous les pouvoirs ? Observeront-ils des grèves illimitées comme cela se ferait dans n'importe quel pays ?
Pour le moment, Youssef Bouzakher, président du CSM, dort encore, alors que son siège est encerclé. Dans un déni total, il a déclaré, ce matin, que le CSM n'est pas dissout.
Il est temps qu'il se réveille et réagisse, non pas pour défendre le CSM seulement, mais pour défendre l'indépendance de la justice et du pouvoir judiciaire.
Sans assemblée et sans justice, il n'y a quasiment plus d'Etat en Tunisie. Tous les pouvoirs sont entre les mains d'un seul homme, Kaïs Saïed. Seuls les médias lui échappent pour le moment, mais ce n'est qu'une question de temps…


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