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Ce que Bourguiba dirait de nous aujourd'hui
Publié dans Business News le 06 - 04 - 2022

*Le président Saied s'entretient le 6 avril 2022 avec la fille du défunt leader, Hager Bourguiba


Voilà vingt-deux ans, le premier président tunisien Habib Bourguiba est décédé à l'âge de 97 ans. Bâtisseur de la Tunisie moderne, leader suprême, combattant suprême, défenseur de la veuve et de l'orphelin (il était aussi avocat), l'homme de l'indépendance, on avait l'embarras du choix pour le désigner. Il voulait faire de la Tunisie, la Suisse du monde arabe. Avec l'Immortel Leopold Sédar Senghor, il voulait que l'Afrique soit l'ambassadrice de la francophonie. Respecté par De Gaulle, admiré par Mandela, honoré par Kennedy, craint par les arabes, Habib Bourguiba n'était pas qu'un président, il était LE président, le bâtisseur, le guide. Que reste-il de sa mémoire ? Qu'ont fait « ses » enfants et successeurs ? Un seul mot vient à l'esprit, nous l'avons trahi et nous n'avons cessé de le trahir…
Le premier à tourner le dos à Habib Bourguiba fut son premier ministre et ministre de l'Intérieur, Zine El Abidine Ben Ali. Il le délogea du palais de Carthage un matin du 7 novembre 1987 par un coup d'état médical (il l'accuse de sénilité) et le confine dans sa ville natale de Monastir au palais de Skanes.
Il décéda, éloigné de toute lumière publique, le 6 avril 2020. A ses obsèques, interdites aux masses populaires, ont été présentes quelques sommités mondiales dont le président algérien Abdelaziz Bouteflika, le président français Jacques Chirac (à la tête d'une forte délégation), le président palestinien Yasser Arafat, le président yéménite Ali Abdallah Salah et le président ivoirien Robert Gueï. Et puis il y a ceux qui ont brillé par leur absence, dont notamment le roi du Maroc (qui a envoyé le prince Rachid), les dirigeants mauritanien et libyen et tous les autres dirigeants arabes (seul le Qatar a envoyé un émir). Côté tunisien, l'imposant cordon sécuritaire a empêché la présence de plusieurs personnalités dont notamment son ancien ministre des Affaires étrangères Béji Caïd Essebsi et plusieurs de ses anciens premiers ministres. Son successeur Mohamed Ennaceur figure, quand même, parmi les présents bien qu'il n'ait pas été invité.
« En tête du cortège funèbre des hommes habillés encagoulés, fusils au poing ! Ce sont les membres d'un commando d'élite appelé « les Tigres noirs » … C'est eux que Ben Ali a choisis pour ouvrir et encercler le cercueil… Peut-être qu'ils ne savaient pas que Bourguiba est désormais inoffensif, que ses rares partisans ont été muselés… », témoigne dans Leaders, Samir Gharbi.

Après le 7 novembre, on évoquait très rarement Bourguiba. Après le 6 avril, on ne l'évoquait plus.
Il fallait attendre janvier 2011 et la révolution tunisienne pour que Bourguiba revienne sur la scène médiatico-politique.
Désormais, on se bouscule pour honorer sa mémoire et prétendre de son héritage. Au mausolée de Monastir, où il est enterré, c'est chaque année le défilé des hommes et femmes politiques. Béji Caïd Essebsi, Mohsen Marzouk, Abir Moussi, Moncef Marzouki, Kaïs Saïed…
Les bourguibistes plagiaires se sont multipliés comme jamais et on frise parfois le ridicule pour obtenir cette légitimité.
Un certain jour à Ksar Hellal, Béji Caïd Essebsi chaussa les mêmes lunettes que les siennes. Mohsen Marzouk est allé faire un shooting photos au château de la Ferté d'Amilly en France, reprenant des poses du leader suprême.
Abir Moussi a placardé sa photo sur son pupitre à l'assemblée et se réclame tout le temps de lui.
Mais au-delà du folklore bourguibiste, qu'a-t-on fait réellement dans le pays pour préserver la mémoire bourguibiste ? Qu'est devenu le pays ?

Zine El Abidine Ben Ali a tenté, bon gré mal gré, de garder la même ligne de conduite que son prédécesseur, durant ses premières années de règne. Il a, néanmoins, rapidement tué son parti, le PSD pour le remplacer par le RCD et changé les journaux qu'il a fondés, L'Action et Al Amal, par Le Renouveau et Al Horrya.
Comme Bourguiba, Ben Ali a préservé l'Etat, a poursuivi la construction des routes et autoroutes et préservé, malgré tout, une bonne image de la Tunisie à l'international. Comme Bourguiba, aussi, il a dirigé le pays avec une main de fer repoussant aux calendes grecques tout esprit démocratique. Avec quelques années de retard, et ce après leur avoir donné leur chance, il a fini par suivre la politique anti-islamiste bourguibienne féroce.
Les similitudes s'arrêtent là, car Ben Ali n'a rien fait pour l'Education, le principal cheval de bataille du leader suprême. Au contraire, il l'a déconstruite avec une arabisation tous azimuts, l'appauvrissement de plusieurs matières fondamentales, le mépris opposé aux sciences humaines et la créativité etc.
Le grand point de différence entre Bourguiba et Ben Ali demeure en l'intégrité. Le premier ne s'est jamais intéressé à l'argent, contrairement au second qui a profité pleinement de l'Etat pour enrichir sa famille et son entourage.

Après un bref passage de Foued Mbazâa au palais de Carthage, vint Moncef Marzouki. Ce dernier a tenté de réécrire l'Histoire de la Tunisie et de démystifier Bourguiba. Mal lui en a pris, car il s'est associé aux islamistes, ennemis jurés de la majorité des Tunisiens. Non seulement, ses tentatives furent vaines, mais il a « réussi » à unir les Tunisiens derrière Béji Caïd Essebsi qui a flairé le filon bourguibiste.
Alors que Habib Bourguiba faisait tout pour unir les Tunisiens, Marzouki les clivait. Alors que Habib Bourguiba rêvait d'une Suisse du monde arabe et cultivait la tunisianité, Marzouki était mu par le nationalisme arabe et rêvait d'un grand Etat arabe dans lequel la Tunisie ne serait qu'une fédération. Entre Marzouki et Bourguiba, il y a quand même des similitudes. Les deux vouaient un amour dévoué pour la France et la francophonie. D'ailleurs, les deux se sont mariés à des Françaises. Enfin, il est bon de noter que les deux sont régionalistes, contrairement à Ben Ali. Bourguiba méprisait les paysans et voulait s'approcher des bourgeois (notamment les Tunisois) et de l'intelligentsia, alors que le second les détestait et criait haut et fort cette détestation.
L'épisode de Marzouki n'a pas duré longtemps, heureusement pour la Tunisie, car sous son règne, la Tunisie s'est lourdement endettée et l'Etat fut infiltré par ses alliés islamistes. Il fut éjecté aux élections de 2014 par 55% des Tunisiens qui éliront l'héritier autoproclamé de Bourguiba, Béji Caïd Essebsi.

Là, c'est la débandade générale et la grande trahison. Béji Caïd Essebsi s'est allié aux ennemis jurés de Habib Bourguiba, les islamistes. Pire, il a fait de Rached Ghannouchi, son meilleur allié, celui-là même qui fut condamné à la peine capitale par Bourguiba.
Béji Caïd Essebsi paya cash sa trahison, son parti (contrairement au PSD) a implosé de son vivant.
Au lieu d'assainir l'Etat et ses comptes, la Tunisie de Caïd Essebsi s'est endettée davantage fragilisant encore plus cet Etat et son administration. Pas ou peu de licenciements des recrues islamistes infiltrés à tous les niveaux. Le terrorisme et l'assassinat des forces armées (soldats, garde présidentielles, police, garde nationale) a connu son apogée.
Les villes, devenues sales, sous la troïka islamiste, ne sont pas devenues plus propres sous Caïd Essebsi.
En revanche, on peut noter que Béji Caïd Essebsi a fait mieux que Bourguiba en matière de respect des Droits de l'Homme et des libertés. La presse tunisienne ne s'est jamais mieux portée qu'en cette période 2015-2019. Il a toujours fait preuve de respect de la démocratie et de la constitution et a évité tout conflit frontal avec les syndicats. Il a, surtout, imposé une nouvelle loi exigeant qu'aucun suspect ne puisse être interrogé par la police ou le parquet, sans la présence de son avocat.
Enfin, et dans la droite ligne bourguibienne, il a essayé de faire passer une loi en faveur des femmes, celle de l'égalité de l'héritage. Tentative échouée. Il a, en revanche, réussi, à faire annuler la note interdisant aux Tunisiennes de se marier avec des étrangers non-musulmans et à annuler la loi interdisant aux mères de voyager avec leurs enfants sans autorisation paternelle.
Idem pour ce qui est des relations internationales, Béji Caïd Essebsi a eu droit aux grands honneurs accordés jadis à Bourguiba et a bien rehaussé l'image de la Tunisie, fort ternies sous Ben Ali et Marzouki.

Décédé le 25 juillet 2019, Béji Caïd Essebsi est succédé par Mohamed Ennaceur, un vrai héritier de Bourguiba. Celui qui était président de l'assemblée n'est cependant resté que trois mois au palais de Carthage.
Kaïs Saïed vint le remplacer, après avoir remporté haut la main la présidentielle de 2019 avec 72,71% des voix (un score presque bourguibien).
Lui aussi cultive l'héritage bourguibien. Il est présent au mausolée de Monastir le 6 avril, pour commémorer son décès, et a pris place dans son bureau.
Mais ça s'arrête là, car Kaïs Saïed n'a pas 1% du tact politique de Bourguiba. Comme lui, il s'est assis sur la constitution, mais sans aucune subtilité. Il s'est attaqué aux islamistes, en apparence, mais concrètement, ils demeurent actifs et nocifs. Au contraire, il a réussi à les victimiser. Comme lui, il ne veut pas de partis de l'opposition.
Kaïs Saïed n'a rien fait pour l'Education, l'infrastructure ou l'essor de l'économie. Tous ses ministres économiques réunis n'atteignent pas 1% de feu Hédi Nouira, ancien Premier ministre de Bourguiba.
Au contraire de Bourguiba et tout comme Marzouki, Kaïs Saïed a une dent contre la bourgeoisie et les nantis.
En ce qui concerne les femmes et leurs droits, Kaïs Saïed est à l'opposé de Bourguiba. Il invoque ainsi la chariâa islamique pour justifier l'inégalité de l'héritage entre les hommes et les femmes.
Si les médias demeurent encore dans une meilleure posture que sous Bourguiba, pour le moment du moins, il n'en est pas de même pour les libertés. Sous Saïed, on vit les arrestations arbitraires, les interdictions de voyage sans mandat judiciaire et les abus policiers.

Qui, aujourd'hui sur la scène politique, se réclame de Bourguiba ou de sa politique ?
Il y a Mohsen Marzouk, mais il a disparu de la circulation, faute d'adhésion populaire.
Il y a également Fadhel Abdelkéfi qui a une grande vision de l'Etat et de l'avenir, comme lui. Mais il ne réussit à séduire que l'intelligentsia.
Il y a enfin Abir Moussi dont le cheval de bataille est la lutte contre les islamistes. Elle dit porter une grande vision de l'Etat et crie haut et fort tout le temps être son héritière. L'est-elle vraiment ? Comme Bourguiba, et comme Abdelkéfi, elle veut un Etat fort et puissant, mais elle n'a rien du tact politique du combattant suprême.
Contrairement au père de la nation, elle est clivante. Très clivante, y compris dans sa propre famille politique. Alors que Bourguiba mettait en exergue ses ministres et leur confiait des missions stratégiques, Abir Moussi veut tout faire toute seule et ne laisse quasiment personne briller. Avocate comme lui, elle ne sait pas encore faire de la politique comme lui. Bourguiba n'hésitait pas à multiplier les amis, Moussi n'hésite pas à multiplier les ennemis. Grand orateur, très grand séducteur, Bourguiba savait soigner son image. Tout le contraire de Abir Moussi qui crie souvent et ternit son message à cause de son image.
La Tunisie d'aujourd'hui est-elle meilleure que celle de Bourguiba ? Les historiens trancheront, mais la réponse ne saurait être un simple oui ou non.
Comment nous regarde Bourguiba, si jamais il nous regarde ? Avec désolation, sans aucun doute.


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