Le PDL semble un recours pour beaucoup de destouriens qui entretiennent l'espoir de revenir en force sur la scène nationale. Aujourd'hui que le vent tourne en sa faveur, il a intérêt à élargir la dynamique qu'il a engagée pour ratisser large et s'assurer le soutien des indécis, même dans les rangs des non-destouriens Le 2 mars 1934 est devenu une date symbole pour beaucoup de Tunisiens et elle est de plus en plus convoitée par nombre de partis d'obédience destourienne et d'autres se réclamant de l'héritage bourguibien. Cette journée a vu la naissance dans la maison d'Ahmed Ayed, un notable de la ville de Ksar Helal, du « parti du peuple », baptisé le Néo-Destour, qui mènera le pays à l'indépendance avant d'instaurer les institutions de la première République tunisienne. Si les noms de Habib Bourguiba, Mahmoud Materi, Tahar Sfar et Bahri Guiga sont restés collés à la création du Néo-Destour, c'est plutôt Bourguiba qui est entré dans l'histoire comme le fondateur de la Tunisie moderne. Malgré les vicissitudes qui ont marqué son parcours, il reste un grand réformateur qui a fait du combat pour la libération de la femme une priorité absolue. Son premier décret en tant que chef de gouvernement fut la promulgation du fameux Code du statut personnel (CSP), interdisant la polygamie et instituant le divorce judiciaire, le 13 août 1956. Le CSP demeure l'une des plus grandes fiertés de la Tunisie. Bourguiba s'est, également, attelé à la construction d'un Etat moderne avec des institutions qu'il voulait pérennes, a réformé la société en généralisant la scolarisation, avec pour slogan porteur « une école sur chaque colline ». Il s'est attaqué à l'éradication de la pauvreté et a institué la santé pour tous. La politique de ce qui est communément appelé « planning familial » et la légalisation de l'interruption volontaire de la grosse en 1973 ont évité au pays une forte croissance de natalité qui aurait pu handicaper fortement son développement. Bourguiba, un référent consensuel Celui qui aimait se faire appeler « le Combattant suprême » et disait qu'il était « un Jugurtha qui a réussi » s'est transformé en un référent consensuel pour la plupart de ses concitoyens. L'attitude de certains de le «vitrioler et de défigurer son action» ne saurait effacer son héritage devenu la chose la mieux partagée par les Tunisiens qui le portent, plus que jamais, dans leur cœur. Même ceux et celles qui essaient de salir sa mémoire «d'une rétrospective sélective axée sur des aspects négatifs» de son œuvre, tentant de rallumer la discorde et raviver les passions, en ont pris pour leur grade. Aujourd'hui encore, cet héritage bourguibien est plus que jamais vivace dans les esprits des destouriens. Même ceux qui l'ont renié après ce qui est désormais appelé « coup d'Etat médico-légal », entrepris par son Premier ministre de l'époque, Zine El Abidine Ben Ali, un certain 7 novembre 1987, en revendiquent la filiation. Huit ans après le 14 janvier 2011, « l'ouragan révolutionnaire » qui a failli les emporter s'est estompé et ils ont relevé la tête. Convoités mais divisés, ils sont à la recherche de cette unité qui avait fait leur force. Unité improbable, voire impossible. Pourtant, leur parti dissous, le RCD, est un véritable réservoir d'électeurs. Sources de plusieurs convoitises chez beaucoup de partis, ces réserves stratégiques, une fois mobilisées, pourraient peser sur les résultats de toutes les élections. Béji Caïd Essebsi, l'ancien dirigeant du PSD puis du RCD qu'il était, a réussi à intégrer un bon nombre d'entre eux au sein de son parti Nida Tounès. Une bonne trentaine parmi eux ont été élus dans l'actuelle Assemblée au cours des élections législatives d'octobre 2014, sous la bannière de ce parti, et trois dans les listes d'El Moubadara de Kamel Morjane. Ce parti qui s'est rapproché du mouvement Ennahdha et fait partie de la nouvelle coalition gouvernementale a décidé au cours de son dernier congrès tenu le 23 février de se faire appeler « El Moubadra doustouria », Initiative destourienne, une sorte de clin d'œil à la diaspora. Le PDL, un parti qui monte Dans le sillage de Nidaa et d'El Moubadra, un autre parti baptisé « Mouvement destourien » a été créé par l'ancien Premier ministre et vice-président du RCD, Hamed Karoui. Ce mouvement, qui a réuni en son sein d'anciens hauts dignitaires du régime de Ben Ali, se réclame lui aussi de l'héritage bourguibien. Estimant qu'en dépit de toutes les dérives, le Néo-Destour a réussi à doter le pays d'institutions modernes et à réaliser un modèle de société ouverte et moderniste. Mais le parti a connu un échec cuisant lors des législatives d'octobre 2014. Après l'évaluation de la situation, Hamed Karoui qui, pourtant, voulait fédérer la famille destourienne, a décidé de passer le flambeau à une nouvelle génération. Au cours de son congrès tenu le 13 août 2016, le mouvement prend le nom de Parti destourien libre PDL et élit à sa tête Abir Moussi. En peu de temps, ce jeune parti a réussi à s'imposer dans l'échiquier politique. Les derniers sondages l'accréditent d'un bon score, plus de 6% et le placent en cinquième position. Mieux, sa présidente arrive quatrième dans la course à la présidentielle, derrière Youssef Chahed, Moncef Marzouki et Béji Caïd Essebsi. Contrairement à beaucoup d'autres, elle revendique le droit d'inventaire d'un parti, pourtant voué aux gémonies. La clarté de ses positions, notamment son opposition irréductible au mouvement Ennahdha, font du PDL un recours pour beaucoup de destouriens qui entretiennent l'espoir de revenir en force sur la scène nationale. Infatigable et intraitable, Abir Moussi; qui a réussi à surfer sur cette scène de lynchage à laquelle elle a échappé, il y a huit ans jour pour jour au tribunal de première instance de Tunis lors du procès de l'ancien RCD, multiplie les meetings en parcourant le pays de long en large. Elle croit possible d'unir les destouriens, mais pas ceux qui ont tendu la main à Ennahdha. Son discours assez virulent, s'il trouve des échos auprès d'une frange de la société, n'est pas exempt de reproches, surtout quand elle vise une partie des destouriens. Aujourd'hui que le vent semble tourner en sa faveur, elle a intérêt à tempérer ses envolées et à réduire la virulence de son discours, pour pouvoir rassembler. Un discours plus « feutré » et « arrondi aux angles ». La dynamique que le PDL a engagée est appelée à s'élargir et ratisser large. Ce faisant, il pourrait s'assurer le soutien des indécis, même dans les rangs des non-destouriens.