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Légitimer l'illégitime : essai sur un despotisme mal habillé
Publié dans Business News le 23 - 04 - 2022

La source de légitimité du pouvoir politique a depuis longtemps fait l'objet d'un débat assez riche et assez complexe ayant jalonné la révolution de la raison dans le monde occidental jusqu'aux débuts du vingtième siècle. Une question y avait été alors posée ; quelle est la source de légitimité du pouvoir politique exercé dans l'Etat moderne ? Plus simplement : pour quelle raison les gouvernés accepteraient-ils d'être dominés par les gouvernants ? Nombreuses sont les contributions fournies par la doctrine pour dégager un édifice théorique clair quoi que non encore définitif. Celle de l'allemand Max WEBER demeure, cependant la référence. Dans un texte publié en 1922 et intitulé « Les trois types purs de la domination légitime », WEBER dégage trois motifs différents qui justifient l'obéissance volontaire du dominé au dominant : un motif relatif à la croyance dans le caractère sacré d'un pouvoir ou d'un ordre existant depuis que le monde est monde. Dans ce cas on parle de légitimité traditionnelle. Un motif relatif à l'adhésion affective à la personne du chef ou du maitre et à ses qualités exceptionnelles ( héroïsme , prophétie , facultés extra-quotidiennes …). Dans ce cas on parle de légitimité charismatique. Et un troisième motif provenant du respect d'un ordre objectif, impersonnel, préalablement convenu et codifié. Dans ce dernier cas il s'agit de la légitimité rationnelle ou légale.
Cette typologie a fait l'objet de vives critiques pendant les trois premiers quarts du vingtième siècle. L'Humanité n'oublie guère qu'au nom de la légitimité électorale, des dictatures cruelles avaient vu le jour et commis les plus graves des atrocités. Les réflexions de WEBER gardent toutefois l'essentiel de leur valeur aussi bien pratique que théorique. Aujourd'hui, dans tous les pays du monde civilisé le pouvoir politique tire sa légitimité du respect d'un ensemble de normes abstraites et objectives issues de la volonté générale. La légalité est alors le seul fondement de l'ordre social et du pouvoir politique qui y est exercé et est par conséquent la seule source de légitimité.
Légalité et légitimité sont deux termes quasi systématiquement invoqués dans les discours de Kaïs Saïed depuis son arrivée à la magistrature suprême en octobre 2019. En soulignant cette dichotomie, il voudrait convaincre que la légitimité électorale n'est pas suffisante, voire même inutile, pour justifier l'exercice du pouvoir politique. Une autre source de légitimité est pour lui nécessaire bien que personne ne soit parvenu à en saisir exactement les fondements jusqu'aujourd'hui. Deux objectifs étaient ainsi poursuivis : d'une part la légitimité électorale qui a permis aux députés de siéger à l'ARP et d'y exercer leurs fonctions législatives n'est pas infaillible et peut toujours être remise en cause même avant l'arrivée de son terme. D'autre part, le mandat quinquennal qu'il a obtenu sur la base de cette même légitimité électorale reste révisable quant à sa durée et à ses limites légales et constitutionnelles. Cette conception rétrograde semble bien battre en brèche cent ans de débat juridico- philosophique sur cette question de légitimité du pouvoir politique.
Par une alchimie de l'histoire, Kaïs Saïed fut élu à la plus haute fonction de l'Etat moyennant une majorité assez remarquable. Dès les premiers jours de son mandat, il parut soucieux de se donner l'image de l'homme providentiel venu pour rendre réelles les revendications des foules et répondre à leurs aspirations au « travail, liberté et dignité nationale » .Pourtant, il n'a guère manqué de déclarer qu'il n'a entre ses mains aucun programme à mettre en œuvre une fois élu. Son statut d'homme intègre et proche du bon Dieu, déjà en place dans la conscience collective du petit peuple, était pour lui une raison suffisante pour asseoir la légitimité de son pouvoir.
La recherche d'une source de légitimité remplaçant la légitimité électorale commença tôt déjà. Des images et des séquences vidéo montrant le président sortant de la mosquée ou face à une niche en train de prier sont devenues habituelles sur les écrans des chaines de télévision et sur les pages des réseaux sociaux. Les versés coraniques trouvent désormais une place constante dans ses discours et interventions. Mieux encore, ses entretiens avec sa cheffe de gouvernement ou l'un de ses ministres au palais de Carthage publiés sur sa page officielle commencent souvent par l'image d'un tableau mural sur lequel est inscrite la versé coranique « in yansorkom allahou fala ghaliba lakom » (si Dieu vous donne son secours, nul ne peut alors vous vaincre). Le non-dit, est que le président tire les justifications de son pouvoir directement de la volonté divine, il n'a besoin d'aucune autre source de légitimité. En outre, ses actes ne sont soumis à aucun des mécanismes de contrôle et de responsabilisation politique communément connus. Il ne devrait en répondre que devant le bon Dieu un autre jour.
Toutefois, cette « légitimité divine » semble ne pas pouvoir, à elle seule, résister face aux revendications internes et internationales en vue de restaurer le système constitutionnel bafoué le 25 juillet 2021. Doubler la dose de populisme était alors un recours à la fois facile et efficace. En effet, depuis son arrivée au pouvoir, Kaïs Saïed ne cesse d'invoquer une série d'idées à caractère général, voire même évident, mais assez séduisantes pour les foules. La « souveraineté du peuple », « l'égalité de tous devant la loi » ainsi que d'autres concepts sont utilisés tout azimut, avec ou sans occasion. Le but est clair ; faire preuve d'une légitimité populaire établie sans qu'il y ait besoin de recourir aux urnes. D'ailleurs, l'organisation d'élections présidentielles est une hypothèse exclue de sa feuille de route annoncée le 13 décembre 2021. Son statut de leader sauveteur est selon lui suffisamment évident pour être renouvelé ou même vérifié.
Certes, ces tentatives en vue d'obtenir une légitimité alternative ne pourrait avoir qu'un seul sens : des ambitions despotiques que le président, lui-même, n'arrive pas à dissimuler. La concentration des pouvoirs et le démantèlement des institutions de l'Etat en sont la preuve .Même le referendum et les élections législatives qu'il compte organiser en décembre 2022, suite à une pression internationale claire, auront lieu sous l'égide d'une loi électorale qu'il a déjà commencé à façonner à sa guise. La restructuration de l'instance supérieure indépendante des élections, par un décret-loi, vient pour annoncer la fin de la légitimité électorale en Tunisie. L'institution indépendante – fût-ce partiellement – céda sa place à un organisme dont le président détient la compétence exclusive de nomination et de révocation ( respectivement les article 5 et 15 du décret-loi numéro 2022-22 du 21 avril 2022 portant rectification de quelques dispositions de la loi organique numéro 2012-23 du 20 décembre 2012 relative à l'instance supérieure indépendante des élections)
Longtemps considérée par la doctrine libérale comme garant de la stabilité sociale, la légitimité électorale a dû quand même passer par de nombreuses crises aussi bien dans les pays industrialisés que ceux économiquement sous - développés. Le rapport entre gouvernant et gouverné ne pourrait être réduit en un vote, des fois maladroit, exprimé et mis dans les urnes tous les cinq ans. Même les mécanismes classiques de contrôle politique et parlementaire se sont avérés incapables de corriger les défaillances socio-économiques des régimes politiques soi-disant légitimes. Outre le consentement général, le pouvoir politique tire également sa raison d'être de son efficacité, de sa capacité de répondre aux aspirations du groupe à une vie bonne .Légitimité et efficacité sont alors deux conditions cumulatives pour qu'un pouvoir politique puisse continuer à exister. Cela ne peut point être le cas d'un pouvoir politique qui n'est ni légitime ni efficace.


*Chokri AZZOUZ : Avocat spécialiste en droit public


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