Quels choix s'offrent aux acteurs politiques, aux partis ? Se présenter aux élections de décembre ? Préparer les présidentielles (éventuelles) ? Faire du terrain ? Se taire et attendre ?
Les partis politiques ont été pris dans un tourbillon fou depuis janvier 2011. Des élections multiples, des crises internes, des crises nationales, des problématiques sur lesquelles il fallait se prononcer, des choix à faire, des gouvernements qui se faisaient et se défaisaient, la violence politique, le terrorisme, les enjeux internationaux, etc…. De quoi épuiser le plus solide des partis.
Ajoutons à cela que les partis étaient souvent fragiles, sans fondements, éphémères et unipersonnels. L'absence de financement public a mis les partis à la merci (même si souvent ils étaient assez complaisants dès le départ) de l'argent, argent sale, argent douteux, argent conditionné, argent de l'étranger.
Et ce qui aurait pu être une chance a finalement été un fardeau : l'attention internationale. L'opinion publique internationale a été séduite par l'idée d'une démocratie naissante, de pouvoir la former à sa guise, de contribuer à "changer le cours de l'histoire". Chaque gouvernement, chaque organisation, chaque institution, chaque (pseudo) leader, ils s'y sont tous mis avec leurs recettes miracles, leurs projets, leurs idées, leurs objectifs. Les financements, les intérêts contradictoires, l'excès d'attention, la surexposition, la pression de l'obligation de résultat, tout cela a été lourd à gérer et à subir.
Est-ce que les partis sont des victimes dans cette situation ? Non. Coupables. Et toutes les preuves y sont. Certains plus et certains moins. Mais tous coupables. Ils ont joué le jeu de l'argent, ils ont choisi la facilité, ils ont toléré la corruption, ils ont nourri la médiocrité, ils ont eu peur de défendre les bonnes causes, ils ont cédé à l'attrait du pouvoir. Et n'ont pas fait leurs devoirs.
En effet, un parti politique a des devoirs à faire, comme un élève. Il y a un processus d'apprentissage nécessaire pour tout parti politique, apprentissage externe et interne. L'apprentissage de la structuration, de l'organisation, de la réflexion, du contenu politique, de la construction idéologique, du travail de terrain, du positionnement, de l'interaction avec les acteurs et parties prenantes au niveau local, régional, national et international. L'apprentissage des dossiers techniques, des notions de politiques publiques, du développement d'une élite interne, de l'arbitrage, de l'établissement d'une identité politique.
Ce travail n'a pas été fait.
Nous nous sommes retrouvé.e.s avec un géant aux pieds d'argile. Une scène politique où les partis se contentaient par centaines mais sans une véritable offre concrète, durable.
Au premier coup de vent, toute cette belle collection de maisons de paille est partie en poussière. L'absence même de ce travail politique a fait que ces partis ne savaient pas sur quel pied danser le 25 juillet 2021. Fallait-il dénoncer ? Fallait-il se réjouir de voir un adversaire politique, qu'on n'arrivait pas à vaincre aux urnes, écrasé par la force ? Fallait-il se taire et attendre une meilleure opportunité ? Fallait-il prêter allégeance au nouveau pouvoir ? Le vent a généré du vent. Du rien du tout.
Et la voie était libre.
Que faire aujourd'hui ? Se contenter de se lamenter ? Se cacher ? Aller au bout des choses ? Jouer le jeu ? Se reconvertir en joueur de cornemuse ?
Et si on prenait enfin le temps ? Le temps de se poser, de réfléchir, de construire, de travailler, d'écouter, d'écrire, de changer de répertoire, de mettre sur pied une équipe ? Et surtout faire le ménage, dans les idées, dans les entourages, dans les dirigeants.
La Tunisie a besoin d'un avenir. L'avenir ne se construit pas avec les idées du début du 20ème siècle. On retient notre histoire, on en tire des leçons, on reconnait le travail de celles et ceux qui le méritent, on a le courage de reconnaitre les erreurs, et on va de l'avant. Des idées du 21ème siècle, pour les gens du 21ème siècle.
Et cela ne peut pas se faire avec les mêmes qui ont pourri notre vie au sein des partis, dans les postes de responsabilité publique, dans les médias, dans les cabinets, dans les ONG. Un coup de propre. Un rafraichissement. Parfois, on peut être une personne bien et devoir tout de même partir. Une personne qui tient le même poste dans un parti politique pendant dix ans, ce sont deux générations qu'on écrase, qu'on met à l'étroit et qu'on finit par perdre. Faites place.
Allez, je vous donne un devoir à la maison pour démarrer. Choisissez un dossier d'ordre national, sans enjeux immédiats. Mettez vos équipes dessus. Comprenez le problème, lisez, écoutez, comparez, identifiez des solutions. Est-ce que ces solutions sont concrètes, applicables en Tunisie ? Est-ce qu'elles vont améliorer la vie des Tunisien.e.s ? Sinon, recommencez. Parce que c'est ça le but, améliorer la vie des gens. Ce n'est pas de prouver que vous avez raison, de réinventer la roue, de défendre une doctrine.
En cours de route, vous allez découvrir la qualité de l'équipe autour de vous, vous allez découvrir des compétences qui enrichiront vos partis, vous allez construire votre identité/idéologie étape par étape, vous allez mettre en place un processus de travail interne, vous allez découvrir la réalité qu'affrontent beaucoup de nos concitoyen.ne.s, vous allez avoir des choses concrètes à proposer, des choses qui toucheront les électeurs et électrices et retiendront leur attention.
Recommencez avec un autre dossier. Et reproduisez ce processus au niveau des régions.
Fixez-vous une période de jachère électorale. Il n'y a rien à gagner dans l'immédiat. Soyez le parti qui pourra survivre, évoluer, se renforcer sur cinq ans, dix ans et vingt ans.
Laissez la vague passer. Restez fidèles aux vraies valeurs et n'hésitez jamais à l'exprimer. Et travaillez, travaillez.