Maintenant que la carte du FMI est écartée, que compte faire le gouvernement pour combler son déficit et où va-t-il trouver de l'argent pour honorer ses dettes et payer ses importations ? Le président a la réponse : les Tunisiens doivent compter sur eux-mêmes. Qu'est-ce que cela veut dire concrètement ? Eléments de réponse. Après plus d'un an et demi de travail acharné, les efforts du gouvernement pour obtenir un prêt de 1,9 milliard de dollars du FMI sont tombés à l'eau. Le président de la République n'en veut pas. Les experts économiques ont beau dire que c'est inévitable, les partenaires étrangers ont beau alerter que la Tunisie risque l'effondrement économique, Kaïs Saïed est droit dans ses bottes, il refuse les directives venant de l'étranger. D'après lui, les Tunisiens ont suffisamment de ressources pour faire face aux besoins. Ils doivent donc compter sur eux-mêmes. Comment cela ? Il ne le dit pas. Comment obtenir des devises ? Les étrangers n'ont qu'à restituer l'argent des Tunisiens dérobé qu'ils ont dans leurs banques. Le président a des idées fixes et il s'en tient. Il discrédite son gouvernement, il balaie d'un revers les avertissements étrangers et il oppose un extraordinaire mépris aux critiques intérieures. Il étale au grand jour son ignorance de deux points essentiels : le FMI n'a jamais frappé à la porte de la Tunisie pour lui donner un crédit. Le FMI ne cherche pas à imposer quoi que ce soit à la Tunisie. Si la Tunisie veut de l'aide du FMI, elle se doit de proposer elle-même des solutions rationnelles pour sortir du bourbier dans lequel elle s'est mise toute seule. Le FMI dit exactement la même chose que Kaïs Saïed, il faut que les Tunisiens comptent sur eux-mêmes.
Concrètement, pour que les Tunisiens comptent sur eux-mêmes, ils doivent combler d'abord et avant tout le déficit budgétaire de l'Etat. Pour cela, il faut entamer une série de réformes structurelles douloureuses. C'est exactement ce qu'a imaginé sa cheffe du gouvernement Najla Bouden et c'est ce dossier de réformes qu'elle a présenté au FMI. En refusant de recourir au FMI, Kaïs Saïed ne fait que jeter le plan de Mme Bouden à la poubelle sans proposer d'alternative sérieuse. Il continue à croire aux chimères des milliards dérobés et de l'argent à l'étranger et refuse de se laisser convaincre du contraire. Il refuse de réduire le train de vie de l'Etat avec le sureffectif de son administration et ses entreprises déficitaires et archaïques. Il refuse de réduire la compensation dont bénéficient tous les citoyens, riches comme pauvres et même les touristes.
Comme l'a dit Faten Kallel dans sa chronique hebdomadaire, le président de la République manque de cohérence. D'un côté, il a les pleins pouvoirs et envoie son gouvernement au FMI pour souscrire un crédit. De l'autre, il dit ne pas vouloir assumer le plan de réformes proposé par ce même gouvernement et le présente comme s'il était dicté de l'étranger. D'un côté, il invite les Tunisiens à compter sur eux-mêmes, de l'autre il refuse de réduire ses propres dépenses. D'un côté, il admet que ses entreprises sont mal gérées et déficitaires, de l'autre il refuse catégoriquement de les privatiser. Ce que n'ose pas dire Kaïs Saïed, c'est qu'il est en train d'inviter les Tunisiens à lui assurer son grand train de vie et sa mauvaise gestion.
Un jour ou l'autre, ce grand train de vie de l'Etat doit cesser. Il faut vraiment entamer les réformes structurelles nécessaires. Il faut vraiment privatiser les entreprises publiques, au moins en partie. Ce jour-là est arrivé, si l'on suit les analyses des experts les plus chevronnés et les avertissements des partenaires étrangers. Kaïs Saïed a le chic de distribuer les certificats de patriotisme. Le patriotisme exige d'éviter à la Tunisie l'effondrement économique imminent. Pour cela, il faut suivre les recommandations des experts et le programme de son propre gouvernement. Celui-là même déposé au FMI.