L'entropie est une grandeur physique qui caractérise le degré de désorganisation d'un système. En thermodynamique cette grandeur est quantifiable. En projetant ce principe sur la réalité politique, économique et sociale tunisienne serait-il possible de quantifier le degré de chaos et de désordre qui prévaut dans le pays ? Autrefois éclaircie par les lueurs prometteuses de la démocratie naissante, la Tunisie semble être, aujourd'hui, plongée dans un climat général de détérioration des fondements de la démocratie et de la dignité humaine. Un climat qui transforme le pays en un cimetière du rêve démocratique et des droits de l'Homme. Entre détentions arbitraires, décrets et procédures liberticides et une économie chancelante, la Tunisie est devenue un terrain hostile, quasiment inhabitable, non seulement pour les politiciens, les juges honnêtes et toute personne opposante au régime putschiste, tous mis à mal, mais aussi pour les jeunes qui ne cessent de déserter le pays en quête d'un avenir meilleur alors qu'ils représentent le seul espoir d'une Tunisie meilleure et plus prospère.
Pouvons-nous réellement leur reprocher de s'émanciper de l'oppression, de la médiocratie, et des pratiques despotiques de l'Etat ? Comment pouvons-nous désapprouver leur souhait de s'épanouir financièrement, d'être libres ? Peut-on les blâmer pour leur aspiration légitime à une vie où la liberté d'expression n'est pas synonyme de persécution, mais de droit fondamental ? Comment pourraient-ils vivre dans un pays qui moque son élite et qui récompense des personnes ignorantes, mal éduquées et sans scrupule, dont le seul mérite est de chanter les louanges de l'empereur et de son régime ?
Bien avant le putsch du 25 juillet 2021, la situation de l'économie tunisienne était critique, mais aujourd'hui, en plus de la mauvaise gouvernance et l'incompétence de l'Etat, le climat sociopolitique ne fait qu'amplifier la crise en métamorphosant de plus en plus la Tunisie en un traquenard pour tous les Tunisiens.
Le régime en place excelle dans l'art de dissimuler la vérité, de mettre la poussière sous le tapis, utilisant la propagande et le musellement de l'opinion publique. La liberté de presse, autrefois garante de la transparence et de la démocratie, est désormais sous les tirs croisés de l'Etat, ne laissant place qu'aux discours envenimés de théories conspirationnistes et d'accusations dénuées de tout fondement, servis par le pouvoir en place et ses sbires qui, contrairement aux voix libres et critiques, sont appréciés aussi bien par la justice que par la populace.
L'avenir semble sombre, mais non dépourvu d'espoir. Tous les régimes sont éphémères et seule la patrie est éternelle. Le changement et la fin de l'oppression sont inéluctables, mais à quel prix ? Combien d'opposants et de journalistes se verront persécutés et incarcérés avant que ces mascarades judiciaires ne cessent ? Combien de jeunes vont quitter ce pays au profit d'autres contrées qui les reconnaitront à leur juste valeur avant que cette aliénation des élites ne cesse ? La Tunisie se trouve à la croisée des chemins. Soit elle va sombrer encore plus dans le chaos et la désolation, soit se relever avec la détermination de se reconstruire sur des bases plus solides. Le choix appartient aux Tunisiens, et l'espoir réside dans leur capacité à rompre avec le mythe du grand sauveur et à saisir cette opportunité pour construire un avenir où la liberté et la dignité sont incontestées.