Le député à l'Assemblée des représentants du peuple, Youssef Tarchoun, est intervenu sur les ondes de Jawhara FM vendredi 1er novembre 2024 à l'émission «Sbeh El Ward» au sujet de l'initiative législative relative au statut de la Banque centrale de Tunisie (BCT) et à son indépendance. L'invité de Hatem Ben Amara a vivement critiqué l'indépendance de la Banque centrale de Tunisie (BCT) et son lien étroit avec le Fonds monétaire international (FMI), qu'il considère comme un outil d'influence américaine. « Le FMI, c'est le fonds de pillage américain ! », a-t-il déclaré, expliquant que les décisions stratégiques au sein du fonds nécessitent un vote à 85% pour être adoptées, conférant ainsi un pouvoir décisif aux Etats-Unis. Cette domination, d'après Tarchoun, permet aux Etats-Unis de favoriser les Etats avec lesquels ils entretiennent de bonnes relations, facilitant leur accès aux prêts et autres avantages financiers du FMI. La loi de 2016 relative au statut de la BCT, et plus particulièrement l'article 25, interdit à l'Etat tunisien de contracter des prêts directement auprès de l'institut d'émission, une contrainte qui limite, selon Tarchoun, les possibilités de financement de la Tunisie. Cette restriction oblige le gouvernement à passer par des banques privées, alors que celles-ci sont déjà sous la surveillance de la BCT. Tarchoun questionne cette disposition : « Pourquoi le gouvernement doit-il passer par les banques privées alors que la BCT pourrait jouer ce rôle directement ? ». En 2023, les intérêts des emprunts contractés en interne ont ainsi atteint 3 636 millions de dinars, un coût significatif pour les finances de l'Etat.
Pour le député, ce cadre législatif et financier découle de l'idée que la politique monétaire de la BCT ne devrait pas être indépendante de la politique financière élaborée par le gouvernement. Il souligne que, bien que les parlementaires soient élus pour représenter les citoyens, la BCT semble échapper à leur surveillance et agir comme un « outil au service de puissances extérieures et du cartel bancaire ». Selon Tarchoun, ce déséquilibre favorise le secteur privé et dessert l'économie nationale. Tarchoun a également dénoncé le comportement des banques privées pendant la pandémie de Covid-19, une période durant laquelle elles ont, selon lui, enregistré des bénéfices records, alors même que l'économie nationale traversait une crise sans précédent. La BCT, explique-t-il, a pourtant pour mission première de maintenir les prix, de contrôler l'inflation et de réguler les taux d'intérêt. Il regrette que dans des secteurs clés, tels que l'agriculture, les prêts accordés soient si peu nombreux – représentant seulement 4,2 % – en raison des taux d'intérêt élevés. « Ce sont des décisions politiques, et non pas techniques », conclut-il, pointant du doigt une gestion financière qui, selon lui, manque de considération pour les besoins de l'économie réelle et pour les défis auxquels la Tunisie est confrontée. Dans la seconde partie de son intervention, Youssef Tarchoun s'est attardé sur les éléments principaux du projet de loi relatif à l'amendement du statut de la Banque centrale de Tunisie. D'après lui, ce projet introduit un changement de cap dans les missions de la BCT. « Le premier article a modifié les objectifs de la Banque centrale : auparavant, son rôle se limitait à la stabilité des prix, mais notre vision est de l'élargir pour inclure la participation à la croissance et l'aide à la politique financière de l'Etat », a-t-il expliqué. Il estime que cette orientation vise à libérer la BCT de son simple rôle technique, affirmant qu'en tant qu'établissement public, elle devrait contribuer activement aux politiques de l'Etat. Tarchoun souligne que ce projet de loi n'a pas pour but de transformer la BCT en simple instrument des autorités gouvernementales, mais bien de faire de cette institution un véritable partenaire de l'Etat pour la réalisation de ses objectifs. Dans cette optique, le texte prévoit des conditions strictes concernant les prêts que la Banque centrale peut accorder à l'Etat : « Ces prêts ne peuvent excéder 1 % du PIB. En cas de nécessité, ce plafond pourrait être porté à 2 %, mais uniquement avec l'approbation de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) après un vote ». En parallèle, Tarchoun a indiqué que cette réforme s'accompagne d'une initiative législative complémentaire visant à combattre le monopole des banques privées et à protéger l'Etat des pratiques de certains groupes bancaires influents. « Nous avons consulté de nombreux experts avant de lancer cette initiative. Ce projet de loi a pour ambition de contrecarrer le cartel des banques privées et de rétablir un équilibre dans le secteur financier tunisien », a-t-il précisé. Pour Tarchoun, ce projet de loi marque un tournant dans la politique monétaire et financière du pays, en mettant la Banque Centrale au service du développement et de l'intérêt général.