Depuis plusieurs semaines, la Compagnie des Phosphates de Gafsa (CPG) est au cœur d'une crise sociale qui paralyse ses activités. Les tensions entre les syndicats et la direction de l'entreprise, alimentées par une série de revendications salariales et sociales non satisfaites, ont conduit à des grèves à répétition, culminant dans un arrêt général de la production les 25 et 26 décembre 2024. Que se passe-t-il à la CPG ? Les syndicats, à travers la Fédération générale des mines affiliée à l'UGTT, ont formulé plusieurs revendications clés. Celles-ci incluent le versement des primes de productivité pour les années 2019 et 2023, le règlement des arriérés relatifs aux tenues de travail et aux tickets-restaurant, ainsi que l'intégration des augmentations salariales dans les salaires de base. En outre, ils exigent la mise à disposition des crédits sociaux pour les années passées, un point qui reflète un sentiment d'abandon parmi les employés. Ces revendications s'appuient sur des accords précédents que les syndicats accusent la direction de ne pas avoir respectés. En particulier, le PV du 14 décembre 2023 est cité comme une base négociée, mais non appliquée dans son intégralité.
Une direction jugée intransigeante La direction de la CPG est pointée du doigt pour son manque de volonté perçue à répondre aux attentes des employés. Bien que des annonces aient été faites, notamment le paiement des arriérés des allocations pour les tenues de travail en janvier 2025, elles ont été jugées insuffisantes par les syndicats. Par ailleurs, la décision de déduire des salaires les montants versés au titre des primes de production des années précédentes a exacerbé les tensions. Les tentatives de dialogue entre les parties ont échoué, malgré des réunions organisées avec la présidence du gouvernement et le ministère de l'Industrie. Les syndicats reprochent à la direction une posture rigide et accusent les représentants de l'exécutif de manquer de volonté pour trouver des solutions concrètes.
Un climat social détérioré Les tensions sociales à la CPG ne se limitent pas aux revendications économiques. Selon Yahya Lakhal, secrétaire général de la section régionale de la Fédération des Mines à Gafsa, un sentiment de frustration général prévaut parmi les employés. Ceux-ci dénoncent un climat de travail difficile, un manque d'équipements et une absence de dialogue constructif avec la direction.
Malgré les grèves et arrêts de travail qui affectent la production de phosphate, les syndicats insistent sur le caractère pacifique et légal de leur mouvement. Ils soulignent que leur objectif n'est pas de paralyser l'entreprise mais de faire respecter leurs droits.
Conséquences sur la production et l'économie La grève générale des 25 et 26 décembre 2024 marque un point culminant dans la crise. Selon les rapports, l'ensemble des sites d'extraction, laveries, ateliers et administrations de la CPG ont été touchés, entraînant un arrêt complet des activités ce matin. Cette situation menace gravement la production de phosphate, un secteur crucial pour l'économie tunisienne. Selon les derniers chiffres du ministère de l'Industrie, le chiffre d'affaires de 2021 a été de 2,676 milliards de dinars. En 2024, la CPG était déjà confrontée à une baisse de sa production due à des perturbations similaires. La récurrence de ces conflits risque d'affaiblir davantage la position de la Tunisie sur le marché mondial du phosphate, ouvrant la voie à une perte de parts de marché au profit de concurrents internationaux.
Perspectives et solutions possibles Pour sortir de cette impasse, plusieurs pistes peuvent être envisagées. Tout d'abord, l'établissement d'un dialogue social sincère entre les parties prenantes est essentiel. Les négociations doivent être menées avec la médiation d'instances indépendantes afin de garantir un cadre neutre et équitable. Ensuite, la direction de la CPG pourrait envisager des mesures immédiates pour régler les revendications prioritaires, comme le paiement des primes en retard et la mise en œuvre des crédits sociaux. Parallèlement, un plan à moyen terme pourrait être élaboré pour améliorer les conditions de travail et moderniser les infrastructures de l'entreprise. Enfin, l'implication des autorités publiques est cruciale pour soutenir un processus de réconciliation et assurer la stabilité sociale dans le secteur minier. Une politique claire et cohérente est nécessaire pour prévenir la répétition de tels conflits à l'avenir. La crise sociale que traverse la Compagnie des Phosphates de Gafsa met en lumière des dysfonctionnements structurels et des tensions sociales profondes. Au-delà de l'impact immédiat sur la production, cette situation illustre les enjeux stratégiques auxquels fait face la Tunisie pour préserver un secteur vital de son économie. Une réponse rapide, adaptée et concertée est nécessaire pour restaurer la confiance entre les parties et garantir la pérennité de l'entreprise.