Alors que nous nous apprêtons à dire adieu à une année morne, triste et terrifiante et à en accueillir une nouvelle, dont tout indique qu'elle sera aussi difficile et compliquée que la précédente à tous les niveaux, à l'intérieur comme à l'extérieur, que se passerait-il si le pouvoir en place décidait de faire de la fin d'une année et du début d'une autre une occasion de réjouir les citoyens et les familles qui ont souffert du supplice des prisons, de l'éloignement des proches, des conditions d'arrestation et des visites humiliantes, et d'ouvrir une nouvelle page dans la gestion du pays ? Et si les prisonniers suspectés et non condamnés, ainsi que les prisonniers d'opinion, pouvaient être libérés et passer les fêtes de fin d'année dans les bras de leurs enfants, de leurs maris, de leurs épouses et de leurs familles ? Et si l'autorité au pouvoir transcendait ses différends avec ses opposants et les traitait avec humanité, en leur apportant de la joie, ainsi qu'à leurs familles et à leurs partisans, et en changeant sa façon de gérer les différends et les désaccords ? Et si, après près de 22 mois de détention, Ghazi Chaouachi, Issam Chebbi, Jaouhar Ben Mbarek, Abdelhamid Jelassi, Ridha Belhaj, Khayam Turki et le reste des accusés dans l'affaire dite de complot contre la sûreté de l'Etat étaient autorisés à quitter la prison et à retrouver leur famille, en attendant leur procès ? Et si Abir Moussi, Lotfi Mraïhi, Ayachi Zammel, Riad Ben Fadhl, Ajmi Ourimi, Mondher Ounissi et tous les hommes politiques de l'opposition étaient libérés et bénéficiaient d'un procès équitable pour les affaires les concernant ? Et si Kaïs Saïed accordait la grâce présidentielle à Mohamed Boughalleb, Sonia Dahmani, Mourad Zeghidi, Borhane Bsaïs et Chadha Haj Mbarek, et annulait les mandats de dépôt dans leurs autres affaires jusqu'à ce que des jugements définitifs soient rendus ? Et si Sherifa Riahi était libérée et retournait auprès de son bébé pour qu'il puisse profiter de l'étreinte, des soins et de la tendresse de sa mère (qu'est-ce qui peut justifier l'emprisonnement d'une mère allaitante alors qu'elle fait l'objet d'une enquête) ? Et si l'interdiction de voyager imposée à l'ancien député Ziad Ghanney était levée, après plus de quatorze mois et qu'il était autorisé à quitter le pays pour rejoindre son épouse et ses enfants en France ? Et si l'âge et la maladie de certains détenus étaient pris en considération et qu'ils étaient libérés jusqu'à ce que des jugements définitifs soient rendus (je parle ici de Rached Ghannouchi, de Sihem Ben Sedrine et de nombreux autres détenus dans la même situation) ? Et si une grâce présidentielle était accordée au jeune artiste Rached Tamboura, qui a été condamné à deux ans de prison, dont il a purgé une longue période, en raison d'une opinion qu'il a écrite sur les murs ? Et si on libérait tous les citoyens arrêtés sur la base de publications sur les réseaux sociaux (dans les pays respectables, un citoyen n'est jamais emprisonné pour un mot, sauf dans des cas très exceptionnels) ? Et si on libérait tous les hommes d'affaires et qu'on les laissait gérer leurs entreprises et maintenir leur pérennité et leurs emplois, et qu'on les sanctionnait financièrement pour toutes leurs transgressions et infractions financières, fiscales [dans le cadre de la loi et sans arbitraire ni chantage] ? Et si l'article 24 de l'infâme décret 54 était abandonné, que toutes les affaires qui y sont visées étaient annulées et que toutes les personnes arrêtées sur la base de cet article étaient libérées ? Et si tous ces détenus étaient autorisés à profiter de la chaleur de leur famille et des appareils de chauffage dans ce froid glacial et autorisés, après de nombreux mois de privation, à manger ce qu'ils veulent, à s'habiller comme ils le veulent et à lire les livres qu'ils veulent sans l'interférence et l'arbitraire des geôliers ? Et si nous entrions dans une nouvelle phase pour fortifier la maison intérieure de toute ingérence étrangère, dans laquelle tout le monde fait des compromis en faveur du pays ? Et si nous canalisions toute cette énergie gaspillée et abandonnions les sentiments de haine, de joie mauvaise et de jubilation pour construire un pays qui accueille tous ses habitants, vivant dans la liberté, la dignité, la confiance et l'espoir en l'avenir ? Qu'a gagné le pays à l'emprise sécuritaire et judiciaire ? Qu'a-t-il gagné à l'injustice, à l'arbitraire et aux abus ? En cette période critique de son Histoire, plus que jamais, le pays a besoin de raison, de bon sens, de raisonnabilité et de rationalité. Je l'ai dit et je le répète pour la énième fois, toute gestion irraisonnée du pays conduira finalement à la destruction, à la ruine, à l'échec et aux désastres... et ses répercussions seront terribles pour l'avenir du pays et des générations futures ! Ô Dieu, témoignez de ce que j'ai rapporté !