C'est une image que l'on aurait cru impossible. Une scène que l'on aurait pensé réservée aux pires régimes autoritaires, ceux qui n'ont plus honte d'afficher leur volonté d'humiliation. Et pourtant, elle est bien réelle, prise dans un couloir d'un tribunal tunisien : Ahmed Souab, menotté, escorté par des agents de sécurité, mains jointes dans une posture presque de recueillement. Ahmed Souab. Le magistrat devenu avocat. Le juriste intègre, le défenseur infatigable des droits fondamentaux. Aujourd'hui, c'est lui que l'on traîne devant le juge. Pour une métaphore. Oui, une métaphore : une tournure de style jugée « terroriste » par un régime qui ne tolère plus ni l'humour, ni la critique, ni la liberté d'expression. Un mot de trop — ou plutôt, un mot juste — dans un pays où la vérité constitue désormais un crime. L'image est forte. Elle indigne. Elle dit tout de l'iniquité du moment : quand ceux qui défendent le droit sont traités comme des criminels, quand les symboles de la justice sont traînés en justice, quand le mot devient plus dangereux que l'injustice elle-même. Cette photo restera. Elle montre que nul n'est à l'abri face à l'arbitraire, surtout ceux qui ont fait du droit leur boussole. Mais elle montre aussi, dans le regard digne et le sourire discret d'Ahmed Souab, que l'on peut être menotté sans être vaincu.