Dans une tribune publiée ce mardi 29 avril dans Le Monde, un collectif d'universitaires alerte sur les graves dérives autoritaires en cours en Tunisie, en particulier sur la remise en cause de la liberté de la recherche scientifique. Les auteurs dénoncent un climat de répression généralisée qui n'épargne désormais plus les chercheurs. Le cas du politologue Hamza Meddeb cristallise ces inquiétudes. Reconnu à l'international pour ses travaux sur l'économie politique, les migrations et l'islam politique, l'universitaire a été condamné dans le cadre du procès dit de complot contre la sûreté de l'Etat. Sans avoir été auditionné, et en l'absence de toute plaidoirie de ses avocats, il fait l'objet d'une peine de 33 ans de prison requise par la justice tunisienne.
Dans leur texte, les signataires dénoncent l'indifférence générale face à cette affaire, alors même que la presse a largement couvert les poursuites visant des avocats, des juges, des militants politiques ou des hommes d'affaires. Le sort des chercheurs, lui, reste largement ignoré. Ils s'interrogent : « Qui a entendu parler de la peine requise contre Hamza Meddeb ? » Les auteurs regrettent que les atteintes à la liberté académique suscitent si peu de réactions lorsqu'elles ont lieu dans le monde non-Occidental. Ils dénoncent un traitement à géométrie variable, pointant l'enthousiasme sélectif des Etats occidentaux à défendre la liberté universitaire selon les zones géographiques concernées. La tribune fait écho à une inquiétude plus large : celle d'un rétrécissement continu des libertés en Tunisie depuis plusieurs mois. La répression ne touche plus seulement les opposants politiques ou les journalistes, mais s'étend désormais au monde académique, pilier fondamental de toute démocratie.
Parmi les signataires figurent plusieurs figures de référence du monde de la recherche : * Fariba Adelkhah, anthropologue, directrice de recherche au CERI-Sciences Po ; * Jean-François Bayart, politologue, professeur à l'Institut de hautes études internationales et du développement (Genève) ; * Irene Bono, politologue, professeure à l'université de Turin et présidente du Fonds d'analyse des sociétés politiques ; * Béatrice Hibou, politologue, directrice de recherche au CNRS et au CERI-Sciences Po ; * Nadia Marzouki, politologue, chargée de recherche au CNRS et au CERI-Sciences Po ; * Olivier Roy, politologue, professeur à l'Institut universitaire de Florence ; * Mohamed Tozy, professeur de sciences politiques à Sciences Po Aix.