La lettre d'excuses adressée, jeudi 15 mai 2025, par Zaki Rahmouni au président de l'Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie), Farouk Bouasker, continue de susciter de vives réactions. Parmi les voix les plus critiques figure celle de l'ancien président de l'Isie Kamel Jendoubi, qui a publié une réponse cinglante dénonçant « un reniement politique » et « une légitimation implicite d'un appareil répressif ». Dans un texte long et sans concessions, Kamel Jendoubi s'adresse directement à Zaki Rahmouni : « la lettre d'"excuses" que vous avez adressée au président de l'Isie et à ses membres ne peut être considérée comme un simple acte personnel ou une introspection isolée. » Pour lui, l'acte dépasse la sphère privée et touche à une mémoire politique encore vive. M. Rahmouni, auparavant connu pour sa critique frontale du processus post-25 juillet, aurait, selon lui, cédé à un moment où « la clarté morale » est plus que jamais nécessaire. « Vous faisiez partie de ceux qui ont dénoncé sans relâche l'alignement de l'Isie sur le pouvoir (...). Mais aujourd'hui, vous vous adressez à ceux-là mêmes que vous avez légitimement dénoncés, pour leur présenter des excuses sans conditions, dans un geste qui ressemble à une absolution offerte au pire moment. »
Le texte rappelle que Farouk Bouasker n'est pas une figure neutre. Il est accusé par plusieurs voix critiques, dont Kamel Jendoubi, d'avoir contribué à la répression via l'application du décret 54 et d'avoir supervisé des élections « vidées de sens démocratique ». « Farouk Bouasker est celui qui a signé des convocations judiciaires contre des journalistes, des avocats, des militantes et des opposants politiques (...). Il incarne (...) la mise à mort de l'Etat de droit. » Le geste de Zaki Rahmouni est donc vu comme une faute politique. Kamel Jendoubi dénonce une tentative de blanchiment symbolique d'une institution décriée, au moment où ses décisions continuent d'avoir des effets répressifs. « Ce n'est pas seulement une erreur d'appréciation : c'est une légitimation implicite d'un appareil répressif (...). Ce genre de pardon ne ferme aucune plaie, il en ouvre de nouvelles. » Et si Kamel Jendoubi reconnaît à chacun le droit à l'erreur, il insiste sur les responsabilités morales et symboliques des intellectuels et anciens militants en temps de crise. « Nous avons, nous aussi, le droit et le devoir de vous dire que ce geste nous a blessés, nous a troublés, et a été perçu, à juste titre, comme une forme de capitulation morale. » En guise de conclusion, il rappelle que l'éthique ne se résume pas à la politesse ou au compromis, mais à la fidélité aux principes, aux luttes et aux victimes. « Tout le reste est silence complice ou oubli organisé. Et nous refusons les deux. »
Ce à quoi Zaki Rahmouni réagit sur sa page Facebook en écrivant : « Je ne souhaite engager aucun débat avec qui que ce soit. Je ne m'immisce pas dans les affaires des autres et je n'autorise personne à se mêler des miennes ». Il ajoute : « Les affaires publiques, et plus particulièrement les questions électorales, ne font plus partie de mes préoccupations depuis deux ans. Je l'ai déjà déclaré ici, dans les médias, devant les tribunaux et face aux services de sécurité qui m'ont convoqué pour enquête. Mes affaires me regardent. Paix à tous ».