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La Tunisie ou la nécessité d'une renaissance cognitive
Publié dans Business News le 30 - 06 - 2025

Une Tunisie meurt. Une autre, encore informe, cherche à naître. Ce n'est ni le fruit d'un complot ni d'un accident, mais d'un processus de métamorphose, encore invisible pour ceux qui ne savent lire que l'écume des jours. Une Tunisie forgée dans les mythes du XXe siècle s'effondre, non dans un fracas spectaculaire, mais dans un glissement lent, presque imperceptible, où les repères se brouillent, les récits se délitent, et les appartenances vacillent.
Il ne s'agit pas ici d'un simple changement de régime ou de génération, mais d'un basculement civilisationnel. Une Tunisie agonise parce qu'elle ne sait plus habiter son espace ni son temps. Elle ne sait plus relier les fils de son passé, les lignes de son territoire, et les rythmes de son devenir.
Car derrière la crise des institutions et des modèles, il y a une autre fracture, plus sourde, plus profonde : celle d'un peuple en désaccord avec lui-même.

Un peuple en désaccord avec lui-même
La Tunisie des dernières décennies n'a pas seulement été en crise économique ou politique. Elle a été — plus profondément — en crise de compréhension de soi-même. Le divorce est total entre la conscience collective et la réalité du monde. On agit par réflexe, par peur, par déni. On veut moderniser sans penser, consommer sans produire, s'indigner sans s'organiser.
Et cette dissonance s'incarne dans les générations nées entre 1945 et 2010 : un agrégat d'âges, de sensibilités, de parcours, qui n'ont su ni construire un projet commun, ni penser la complexité du monde dans lequel ils évoluaient. Ils ont oscillé entre nostalgie et mimétisme, entre crispation identitaire et fuite technologique.
Leur défaut majeur ? Une vision duelliste, où tout est blanc ou noir, bien ou mal, tradition ou modernité, Occident ou islam. Une vision incapable de saisir les zones grises, les paradoxes, les dialectiques. Une vision qui n'a su que fuir dans les extrêmes ou se replier sur elle-même.
Dans ce désert de pensée, une force s'est imposée sans résistance : le populisme.

Le populisme comme symptôme
C'est dans ce vide de pensée que s'est engouffré un populisme rampant. Il se présente comme un langage simple pour des problèmes complexes, comme une émotion contre la raison, comme une vengeance contre les élites. Il séduit parce qu'il calme, pour un temps, les peurs sourdes. Il rassure en distribuant les responsabilités : les étrangers venus du sud du Sahara, trop visibles ; les riches, forcément coupables ; les femmes, trop libres ; les jeunes, trop bruyants ; l'administration, forcément obscure ; et les autres — toujours trop nombreux. Il transforme les blessures en cris, les cris en vacarme, et le vacarme en impasse.
Mais le populisme, loin d'être une solution, est en réalité le symptôme d'une société qui a perdu le fil de sa complexité. Il transforme les contradictions en divisions, les tensions en guerres civiles latentes, les débats en invectives. Il simplifie ce qui doit être pensé, et réactive les réflexes tribaux dans une société qui n'a pas encore su faire la paix avec elle-même.
Et les premières victimes de cette simplification brutale sont les générations qui, pourtant, n'ont hérité que de ruines symboliques.

Une facture intergénérationnelle
Les générations X, Y et Z paient aujourd'hui la facture d'un malentendu historique. Elles n'ont pas seulement hérité d'un Etat en crise ou d'une économie défaillante. Elles ont hérité d'un vide de sens. Elles vivent dans une Tunisie sans récit, sans horizon commun, sans cohérence entre le dire, le faire et l'être.
Ce n'est pas une faute. C'est un drame. Elles sont, comme tant d'autres peuples du Sud global, les enfants d'une modernité importée, incomplète, hâtive. Elles vivent dans un pays où l'école reproduit l'ignorance, où la télévision recycle l'absurde, où les réseaux sociaux fabriquent de la distraction sans conscience.
Mais elles ne sont pas les dernières. Une autre génération s'avance déjà.
Elle n'est pas venue corriger le passé, mais pour habiter un autre rapport au monde : la génération Alpha.

Alpha : la génération de la complexité
Nés entre 2010 et 2025, les enfants de la génération Alpha ne sont pas miraculeux. Ils sont le fruit du chaos, mais aussi les porteurs d'une nouvelle sensibilité. Ils n'ont pas connu la dictature, ni les utopies déçues de la révolution, ni les rêves brisés de la transition. Leur conscience est en formation, mais leur environnement les oblige à penser autrement.
Ils vivent dans un monde non plus linéaire mais réseautique, non plus stable mais fluide, non plus binaire mais fractal. Cela pourrait les paralyser. Mais cela pourrait aussi les forger à une intelligence nouvelle : une intelligence du lien, de la nuance, de la complexité.
Là où les générations précédentes opposaient, eux peuvent relier. Là où l'on voulait choisir entre tradition et modernité, eux pourront hybrider. Là où l'on se perdait dans la schizophrénie culturelle, eux pourront composer. Non parce qu'ils sont meilleurs, mais parce qu'ils n'auront pas d'autre choix que de comprendre ce que le réel exige : une pensée de la complexité.
Encore faut-il que ce potentiel trouve un terreau fertile où s'incarner.

Habiter enfin notre espace/temps
Mais pour cela, encore faut-il leur en donner les moyens. Il ne suffit pas de parier sur Alpha comme on parie sur un sauveur. Il faut lui offrir un champ fertile : une école qui enseigne la pensée critique, une culture qui valorise la pluralité, une société qui accepte la lenteur de la maturation.
Il faut surtout reconstruire une conscience tunisienne de l'espace/temps. C'est-à-dire une manière de penser à la fois l'ici et l'ailleurs, le maintenant et l'avant, la singularité et la mondialité. Cela exige une nouvelle grammaire politique, une nouvelle esthétique du lien social, une capacité à regarder le monde sans le réduire.
Car tout se joue désormais entre deux directions antagoniques.

Métamorphose ou désintégration ?
Le choix n'est pas entre passé et avenir, mais entre métamorphose et désintégration. Soit la Tunisie accepte de se repenser, de se relier, de se reformuler. Soit elle s'enferme dans une nostalgie destructrice, dans des luttes intestines, dans des formes politiques vides de pensée.
La génération Alpha, si elle parvient à s'extraire des logiques binaires, à résister aux sirènes populistes, à tisser les fils de la mémoire et de l'innovation, pourrait ouvrir une brèche. Une brèche vers une Tunisie capable non seulement de survivre, mais d'exister pleinement dans le XXIe siècle.
Mais pour cela, il faut aller plus loin que les slogans : il faut restaurer une conscience blessée.

Pour une conscience réconciliée
Ce n'est plus une affaire de discours, ni même de programmes. C'est une affaire de réconciliation intérieure. Une société qui ne parvient pas à habiter pleinement son espace et son temps demeure condamnée à l'errance — incapable de comprendre, incapable d'agir, incapable d'évoluer.
Car la raison elle-même, pour s'épanouir, a besoin d'un ancrage géographique et d'une conscience historique. Il n'y a pas de pensée vivante sans une inscription lucide dans le monde que l'on traverse.
La Tunisie n'a pas besoin d'une refondation illusoire. Elle a besoin d'un accord profond entre sa mémoire, sa géographie, et son devenir. Ce n'est qu'à ce prix qu'elle pourra s'inventer, non comme une nation suspendue entre passé et futur, mais comme une présence pleinement consciente au monde. Une Tunisie pensante et pensable.

*Avocat et ancien diplomate


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