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Eaux minérales en plastique : le scandale que personne ne veut voir
Publié dans Business News le 11 - 08 - 2025

L'eau en bouteille se vend en Tunisie comme un gage de pureté à l'inverse de l'eau de robinet, mal réputée. Mais sous le soleil de plomb, le plastique fond, libérant des particules invisibles qui s'invitent dans nos verres. Les autorités alertent, les géants mondiaux sont déjà éclaboussés par des scandales, et pourtant, rien ne change.

En ce milieu d'après-midi d'août, la chaleur s'écrase sur la capitale. Les trottoirs vibrent, l'air est épais, suffocant. Devant une petite épicerie de Borj Louzir, une pile de packs d'eau trône en plein soleil, plastique brûlant au toucher. Le thermomètre affiche 40 degrés à l'ombre, ce qui signifie près de 50 sous ces rayons implacables. À quelques mètres, un Isuzu traverse la rue, benne ouverte, cargaison d'eau à nu. Pas de bâche, pas de protection. Le chauffeur klaxonne, file, et l'eau, censée désaltérer, chauffe au point de devenir un cocktail chimique.

Photo prise à Borj Louzir le 5 août 2025


La scène se répète partout en Tunisie. Des quartiers populaires aux zones plus huppées, les bouteilles patientent dehors, sous l'œil indifférent des passants. Peu se doutent que cette chaleur accélère la libération de microplastiques dans l'eau. Un poison invisible qui finira, tôt ou tard, dans notre organisme.

L'INSSPA alerte… dans le vide
Ce n'est pas faute d'avoir prévenu. Le 21 juillet dernier, l'Instance nationale de la sécurité sanitaire des produits alimentaires (INSSPA) publiait un communiqué clair : plus de stockage ni de transport d'eau en plein soleil. Quelques jours plus tard, le 31 juillet, son directeur, Mohamed Rabhi, annonçait la saisie de 48 000 bouteilles retrouvées dans une ferme, abandonnées là depuis des mois.
Mais ces opérations coup de poing restent l'exception. Dans les rues, l'anarchie reprend vite ses droits. Les consignes s'évaporent plus vite qu'une goutte d'eau sur un bitume brûlant, et les commerçants, par habitude ou par négligence, reprennent leurs pratiques.
Surtout, l'INSSPA est seule au front. Les ministères du Commerce et de la Santé, censés protéger le consommateur, brillent par leur silence. Pas un mot, pas une sanction, pas même un rappel public à l'ordre. On se souvient pourtant de leur zèle quand il s'agissait de clouer au pilori les boulangers accusés de « spéculation » ou de faire la chasse aux hausses de prix. Mais dès qu'il est question de risques sanitaires avérés, plus personne. Silence radio.
De quoi s'interroger : cette inaction est-elle simple négligence ou complaisance délibérée ? Car pendant que l'INSSPA tente de faire appliquer la loi, l'inaction des ministères sert, de fait, les intérêts des lobbys des eaux minérales. Ceux-ci n'ont aucun intérêt à voir les projecteurs braqués sur les dangers d'un produit qui leur rapporte des millions de dinars de bénéfices nets.

Les microplastiques, invités permanents dans nos corps
La science est formelle : ces particules issues de la dégradation du plastique sont partout. Ils sont invisibles à l'œil nu, mais omniprésents. Les microplastiques — fragments inférieurs à cinq millimètres — et leurs cousins encore plus discrets, les nanoplastiques, voyagent partout. Ils naissent de la dégradation lente des emballages, des vêtements synthétiques, des pneus… et des bouteilles d'eau. Leur petite taille leur permet de se faufiler dans chaque recoin de notre environnement, jusqu'à s'installer durablement dans nos organismes.
Des études récentes ont détecté ces particules dans le sang humain, les poumons, le placenta et même dans le cerveau. En 2024, une recherche publiée dans Environment International a mis en évidence leur présence dans les plaques artérielles, associée à un risque accru d'accidents cardiovasculaires. Une autre étude menée par l'Université de Vienne a montré qu'elles pouvaient franchir la barrière hémato-encéphalique, ce filtre naturel censé protéger notre cerveau des intrus.
Une fois installées, elles ne disparaissent pas : elles s'accumulent. Et avec elles, des additifs chimiques utilisés dans la fabrication du plastique — bisphénols, phtalates, retardateurs de flamme — connus pour perturber le système hormonal ou favoriser certaines inflammations chroniques. Les scientifiques redoutent des impacts à long terme sur la fertilité, le développement neurologique, le métabolisme et le système immunitaire.
En clair, boire une eau saturée de microplastiques, c'est ingérer des corps étrangers capables de voyager dans nos tissus les plus sensibles. C'est un peu comme si, à chaque gorgée, on introduisait dans notre organisme une armée silencieuse qui ne cherche pas à repartir.

L'onde de choc du scandale Nestlé
Le 9 août, le journal électronique français d'investigation Mediapart révélait des chiffres vertigineux : les eaux minérales Contrex et Hépar, produites par Nestlé Waters, contiennent des taux de microplastiques « incommensurables », selon le magistrat chargé de l'enquête préliminaire. Les analyses menées par des laboratoires accrédités font état de 515 particules par litre pour Contrex et 2 096 pour Hépar. Des niveaux qui dépassent de 51.000 à 1,3 million de fois les concentrations observées dans des rivières, lacs ou nappes phréatiques à travers le monde.
Ces contaminations seraient directement liées à quatre décharges sauvages de déchets plastiques dans les Vosges, laissées à l'air libre pendant des années. Volume cumulé : 473.700 mètres cubes, l'équivalent de 126 piscines olympiques. Les enquêteurs parlent d'une dégradation telle qu'« aucune dépollution n'est envisageable ».
Un procès est prévu du 24 au 28 novembre. Nestlé, qui nie toute pollution avérée, soutient que ces décharges datent d'avant son acquisition des terrains. Mais des documents internes consultés par Mediapart montrent que le groupe savait, dès 2022, que ces dépôts pouvaient affecter la qualité de ses eaux.
Nestlé n'est pas n'importe quelle entreprise : elle est le leader mondial de l'agroalimentaire, présente dans quasiment tous les segments — laitage, café, nutrition infantile, eaux, confiserie, surgelés… Si le numéro un mondial traîne de telles casseroles, que penser alors de la situation chez les industriels tunisiens, bien moins solides et nettement moins surveillés ou contraints par la réglementation ?
En Europe, où les règles de stockage et de transport sont strictes, cette affaire a déjà provoqué une onde de choc. En Tunisie, où les bouteilles passent des heures au soleil, dans des camions ouverts ou sur les trottoirs, sans qu'aucune chaîne de contrôle rigoureuse ne soit appliquée, le risque est démultiplié… mais l'alerte, elle, n'a même pas commencé.

Les lobbys, l'ennemi invisible
Les dangers sont connus, les scandales documentés, les preuves chiffrées. Pourtant, la machine ne s'arrête pas. Pourquoi ? Parce que derrière chaque bouteille en plastique se cache un réseau d'intérêts économiques puissants. Les négociations internationales de Genève pour un traité mondial contre la pollution plastique en sont la preuve éclatante : les pays producteurs de pétrole et de gaz — Arabie saoudite, Iran, Russie, Chine, Etats-Unis — s'opposent à toute réduction de la production de plastique. Officiellement, ils défendent l'emploi et l'économie ; en réalité, ils protègent une rente colossale, notamment celle des emballages à usage unique, dont les bouteilles d'eau sont l'un des symboles les plus lucratifs.
Ces mêmes forces de blocage existent en Tunisie. Ici aussi, le lobby des eaux minérales sait se rendre discret mais efficace. Résultat : les autorités ferment les yeux sur les infractions flagrantes. Ni le ministère du Commerce ni celui de la Santé ne verbalisent les transporteurs qui roulent en plein soleil avec des bennes ouvertes, ni les commerçants qui stockent leurs packs à la chaleur. Le message est clair : qu'importe la santé du consommateur, pourvu que le marché du plastique continue de couler… à flots.

Boire autrement, penser autrement
Les lobbys ont leur stratégie : entretenir l'idée que l'eau en bouteille est la seule garantie de pureté. Et, à force de campagnes marketing bien rodées, cette croyance s'est imposée jusque dans les foyers les plus modestes qui pensent, à tort, que l'eau du robinet n'est pas comestible, voire mauvaise pour la santé. Mais rien n'oblige à accepter cette dépendance au plastique et à céder au marketing des loobys.
En Tunisie, l'eau du robinet est potable dans la majorité des régions. Elle est contrôlée, analysée, et lorsqu'un problème se pose, les autorités n'ont pas d'autre choix que de le signaler publiquement. La vraie liberté, pour le consommateur, c'est de se passer de ce plastique inutile. Ceux qui veulent aller plus loin peuvent installer un système d'osmose inverse, accessible à partir de 400-500 dinars, qui garantit une eau totalement purifiée. Ce n'est pas une lubie écologique, mais un investissement sanitaire sur le long terme. Le bénéfice économique est certain. Si chaque membre d'une famille de quatre personnes consomme une seule bouteille d'eau minérale par jour, la famille aura dépensé 1168 dinars en une année pour son eau.
Et si l'on doit encore acheter des bouteilles, malgré tout, autant le faire intelligemment. Les grandes surfaces — Carrefour, Monoprix et autres — stockent leurs marchandises à l'ombre dans des magasins climatisés et respectent la chaîne de transport, ce qui limite les risques. Il faudrait donc préférer les magasins qui respectent les règles sanitaires et ceux-là sont facilement repérables. Cela ne résout pas tout, mais c'est un compromis qui réduit l'exposition aux microplastiques.
Rien de tout cela n'exige un effort héroïque. Il suffit de rompre avec un automatisme. Car continuer à acheter son eau au coin de la rue, en plein été, c'est non seulement avaler du plastique, mais aussi cautionner un système qui préfère protéger ses profits plutôt que notre santé.


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