Avec quelques 83.000 touristes étrangers ayant combiné soins médicaux et séjours de convalescence dans ses complexes touristiques en 2007, la Tunisie se positionne comme une nouvelle destination médicale. Cette réputation naissante de pays « très hospitalier » est toutefois menacée par l'apparition de certains intrus qui ont été à lorigine de quelques ratages très médiatisés dans le domaine de la chirurgie esthétique en l'absence d'une réglementation claire. Depuis quelques années, les cliniques tunisiennes attirent de plus en plus de patients étrangers, séduits non seulement par la qualité des soins et les prix compétitifs mais aussi par les charmes du pays. Après les voisins libyens qui avaient commencé à affluer au début des années 1990, lorsque leur pays était sous embargo, la voie a été ouverte depuis 2003 aux Anglais pour des soins délocalisés à moindre coût, à l'initiative de l'Association « Operations Abroad ». Basée à Manchester, cette association avait inscrit la Tunisie parmi les destinations de santé conseillées aux Britanniques pour désengorger les hôpitaux du Royaume Uni. La médiatisation des prouesses des médecins tunisiens, dont plusieurs ont été formés en Europe et aux Etats-Unis, a aidé le créneau à prendre son envol. « Le nombre des patients européens a enregistré une forte augmentation, suite à la diffusion en 2004 sur la chaîne française TF1 d'un reportage qui mettait l'accent sur la compétence des chirugiens tunisiens », précise le Dr Taher Djemal, président de l'Association tunisienne de chirurgie plastique. Le nombre des patients étrangers ayant couplé soins médicaux et séjours balnéaires est en effet passé de 42.000 en 2003 à 83.000 en 2007, selon un rapport sur le tourisme de santé élaboré par la chambre nationale des cliniques privées relevant de l'Union Tunisienne de l'Industrie, du Commerce et de l'Artisanat (UTICA). Près de 80% de ces patients sont originaires des pays maghrébins. 10% proviennet des pays d'Europe occidentale. Le reste viennnent esentiellement des pays d'Afrique subsaharienne, notamment le Mali, la Côte d'Ivoire et le Bénin. Les Maghrébins et les Subsahariens voyagent généralement pour des interventions chirugicales pointues dans les domaines de la cardilogie, de l'orthopédie,de l'ophtalmologie, de la gynécologie ou encore de l'urologie. Les Européens, en majorité des femmes cherchant à s'offrir un petit ventre plat, des seins de rêve ou une bouche charnue, sont plutôt attirés par la réputaion des médecins tunisiens dans le domaine de la chirurgie esthétique. La compétitivité des tarifs constitue l'un des avantages de la destination. Pour le même résultat, une intervention à coeur ouvert revient à moitié prix par rapport à l'Europe, soit 10.000 dinars (5500 euros). Un lifting cervico-facial coûte 2500 euros contre plus de 5 000 en France. Les coûts des prothèses dentaires et de la chirurgie ophtalmologique sont également sans commune mesure avec ceux pratiqués en Europe. Les tarifs sont de 40 à 60% moins cher que ceux des pays occidentaux. En plus, les soins dispensés aux étrangers bénéficient depuis 2005 d'une réduction de 6% du taux de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). L'affluence des « malades voyageurs » s'explique aussi par l'existence d'une infrastructure sanitaire de qualité. La Tunisie compte actuellement quelque 99 cliniques privées d'une capacité totale de près de 3000 lits. Elle dispose de 4876 cabinets médicaux de libre pratique et de 222 laboratoires d'analyses biologiques. Le nombre des médecins a atteint 10.500, dont la moitié environ exerce dans le secteur privé. Les recettes des soins médicaux dispensés aux étrangers ont atteint 55 millions de dinars en 2006, en hausse de 22,2% par rapport à 2005, selon le dernier rapport de la Banque Centrale de Tunisie (BCT). «Le créneau du tourisme de santé représente l'un des principaux sentiers à battre pour améliorer l'image de marque du pays et les revenus du secteur toutistique, d'autant plus que la moyenne des dépenses de chaque patient est de 4000 euros par semaine contre environ 300 euros seulement pour un touriste ordinaire», explique Houssem Ben Azzouz, Directeur Général de Cosmética Travel, l'une des premières agences de voyages spécialisées dans le tourisme médical. Tout n'est pas cependant rose pour la nouvelle destination médicale. Un danger guette en effet le créneau: l'apparition de certains intrus qui ont été à lorigine de quelques ratages très médiatisés par des chaînes françaises, notamment dans le domaine de la chirurgie esthétique. «Plusieurs agences peu regardantes en matière de qualité des soins ont vu le jour ces dernières années. Pire encore, certaines cliniques s'improvisent en agences de voyages, telle cette clinique (voir l'illustration ci-dessus) qui vante en ligne la plage et le soleil. Ce genre de pratiques risque d'entâcher la réputation de la Tunisie en tant que nouvelle destination de santé», s'inquiète M. Ben Azzouz. Et de : «Il est grand temps de mettre en place un cahier des charges pour règlementer cette activité et de créer un comité de déontologie médicale pour obliger les cliniques à prendre en charge le patient en cas de complication». De son côté, le Dr Djemal plaide pour «un plus grand engagement» de l'Etat dans ce domaine. «Jusqu'ici, ce sont les privés qui mènent la danse contrairement aux destinations mondialement reconnues comme l'Inde, la Thaïlande et Cuba, où les autorités n'avaient pas tardé à organiser le secteur et à peser de tout leur poids en matière d'actions promotionnelles», précise-t-il. L'Etat comme le secteur privé ont tout intérêt à soigner ce créneau porteur. La vigilance est de rigueur pour mettre fin aux abus et décourager les intrus pour que la poule aux oeufs d'or ne soit pas sacrifiée.