L'avant-dernier numéro de l'Express a indiqué que, malgré la crise, les hommes d'affaires français ont réussi à faire de bons dividendes en dehors de leurs frontières et précisément en Afrique. Le même magazine précise que là où les Français ont fait les meilleures affaires c'est au Maghreb. Joli témoignage ! Le chômage fait rage en France et le pouvoir d'achat s'en ressent. Forcément. Et si le pouvoir d'achat baisse, les recettes des entreprises baissent également. D'où la nécessité, pour ces entreprises françaises, d'aller fourguer leurs marchandises ailleurs qu'en France. Là où elles peuvent, là où il leur est plus facile de les fourguer. En Afrique par exemple où l'on parle français. Les Africains sont moins chiants et plus faciles à convaincre que les Chinois ou les Yankees. Mais au Maghreb, c'est encore meilleur. Car, au Maghreb, non seulement on parle français, mais les Français, on les aime en plus ! Que voulez-vous, chacun a ses défauts et celui des Maghrébins est d'aimer les Français et tous les autres peuples qui les ont colonisés par le passé : Arabes, Turcs, Italiens et j'en passe ! Au Maghreb, donc, il est plus facile pour les entreprises françaises de fourguer leurs marchandises. On invente un truc, qu'on appelle mondialisation, et voici les Français de nouveau à la conquête du Maghreb, par marchandises interposées. Sauf que voilà, il y a un hic dans ce truc qu'on appelle mondialisation. Si les Français ont le droit de fourguer leurs marchandises aux Maghrébins, c'est que les Maghrébins doivent également avoir le droit de fourguer leurs marchandises aux Français. Et pour pouvoir fourguer ces marchandises, les Maghrébins doivent aller en France. Sauf que, quand on est Maghrébin, il vous faut un visa pour pouvoir aller en France. La France, ce n'est pas le Maghreb où l'on entre et l'on sort comme on veut ! Pas bêtes, les diplomates français ont compris le danger de cette histoire de visa et ont décidé d'en délivrer en masse à tous ceux qui aimeraient fourguer leurs marchandises en France. En Tunisie, du moins. En langage diplomatique, on appelle ça visa d'affaires et rares sont les Tunisiens qui se plaignent de ne pas avoir reçu un jour un visa pour la France, alors qu'ils ont des marchandises à fourguer en France. Le taux d'acceptation est supérieur à 90%, c'est dire ! Il se trouve que ce visa d'affaires, délivré rapidement et facilement, par les diplomates français qui connaissent bien les Tunisiens, n'est pas toujours reconnu par les policiers français chargés de l'accueil des Tunisiens en France. C'est insuffisant du moins. Une éditrice tunisienne d'une maison d'édition très réputée a dû faire face à ce refus le jour où elle est allée tenter fourguer ses livres au "Salon des bouquins" de Paris (voir notre article à ce sujet). C'était le 20 mars, jour de la Fête de la francophonie et de la Fête de l'Indépendance de la Tunisie. On ne choisit pas le jour de son "expulsion" quand on est Maghrébin, même quand on vous colle un visa d'affaires sur votre passeport ! Ces policiers, à qui on demande quotidiennement d'expulser des sans-papiers et qui entendent tous les jours parler de la hausse du chômage, ne comprennent pas comment des diplomates français confortablement installés sous le soleil carthaginois, peuvent délivrer des visas en masse à des Tunisiens venus fourguer leurs marchandises en France. Ca obéit à une simple logique ! La leur, bien entendu. Si les Tunisiens écoulent leurs marchandises en France, les entreprises françaises ne vont plus trouver de place pour leurs propres marchandises ! La police se doit de réagir et de rectifier le tir en interdisant, comme elle peut, aux Tunisiens venus écouler leurs marchandises en France. La France aux Français et les rayons des magasins français doivent être réservés exclusivement aux marchandises françaises. La même logique est suivie par les patrons de chaînes françaises et de bouquets satellitaires. Aussitôt informés par la croissance vertigineuse du piratage de leurs chaînes par les adeptes de Moncef Bey et Derb Ghallef (à Casa), les patrons de chaînes ont fait appel aux plus grands ingénieurs pour que les Maghrébins férus de chaînes françaises ne regardent plus leurs programmes. Faut payer pour regarder ! « Y compris les chaînes que nous regardons gratuitement en France, vous devez payer pour les regarder dans vos pays ! », disent-ils. Les diplomates ont beau leur dire que cela encourage la francophonie, que les Maghrébins qui regardent les chaînes françaises ont du cerveau disponible pour acheter des marchandises françaises, que cela ne peut que servir la France, rien à faire ! On ferme tout et les programmes français sont réservés aux Français. Et les Maghrébins ? Et la francophonie ? Et le business ? Et l'histoire commune ? Et l'avenir commun, dont nous parlent politiques et diplomates ? « On ferme tout ! », crient en chur policiers et patrons de chaînes de télé, avant de nous rappeler que les paroles des diplomates ne comptent que pour du velours et celles des politiques n'engagent que ceux qui les écoutent. « Mais vous plombez tous nos efforts et vous nous empêchez de travailler pour l'intérêt de la France !», répondent en chur politiques et diplomates. Rien à faire, l'aveuglement des fonctionnaires et des bureaucrates semble irrémédiable. « Mais notre positionnement historique en Afrique et au Maghreb est menacé par les Américains et les Chinois », essaient encore les politiques. « Et notre France est menacée par les Bougnoules », répondent les fonctionnaires et les bureaucrates. Il faudra se résigner, il faut des ophtalmos en grand nombre, de grande expérience et de beaucoup de tact pour soigner tous ces fonctionnaires et tous ces bureaucrates français qui n'arrivent pas à voir plus loin que le bout de leurs pieds. Rude tâche déléguée à une poignée de politiques et de diplomates (même pas soutenus par leur ministre de tutelle) et continuellement plombée par des lepénistes et des gauchistes. Le chômage dépasse 10% en France et, pourtant, il manque terriblement d'ophtalmos à cette France qui n'arrive même pas à voir le moyen-terme. Ne peut-on pas lui en envoyer quelques centaines ? Oui, mais il faut un visa ! A lire également : Le calvaire d'une éditrice tunisienne aux frontières françaises L'ambassadeur de France en Tunisie écrit une lettre à Myriam Diri