L'observation de terrain incite à proposer deux nouvelles pistes de réflexion à mener rapidement par les acteurs du dispositif public et privé d'aide à la création et au financement d'entreprises en Tunisie. Pour aider bon nombre de candidats investisseurs à franchir le pas et à se lancer à l'eau, il est nécessaire de disposer de bien plus de programmes de formation sur les tenants et aboutissants des financements de start-ups. Les informations sur les procédures d'élaboration d'un plan d'affaires, de due diligence, de pacte d'actionnaires, sur les techniques de co-investissement, co-financement public-privé, sur la syndication sont éminemment utiles pour rassurer les indécis. Plusieurs universités, grandes écoles de commerce (ESCT, ESCEM, ESSECT, etc.) et d'autres organismes (tels les centres d'affaires, ou les pépinières d'entreprises) proposent un florilège de programmes de formation à la création d'entreprise. Le pôle de compétitivité de Bizerte et certaines universités disposent même de cellules de valorisation des recherches nées dans leurs laboratoires, d'interfaces avec le monde industriel. Mais il est étonnant de constater que du côté des investisseurs il n'y a pratiquement rien, c'est le désert. Or combien d'idées pourtant prometteuses ne fleuriront jamais si on ne parvient pas à impliquer davantage d'investisseurs privés (individus et sociétés) dans le financement de jeunes pousses ? Et puis, les conférenciers sur la problématique et les enjeux du capital-risque formel (le capital risque institutionnel, qui a pignon sur rue…) et surtout sur la problématique du capital-risque informel se comptent sur les doigts d'une seule main. Il faudrait un nombre beaucoup plus élevé de personnes expérimentées en matière de capital-risque informel pour relever le défi d'informer le grand public et de former les aspirants business angels et pour faire éclore les réseaux et les cercles d'investisseurs individuels. Il est également surprenant de constater combien les conseillers de fortune et les gestionnaires de patrimoine, travaillant pour de grandes institutions bancaires ou financières ou encore pour leur propre compte, ont peu, voire pas du tout, de connaissance des opportunités d'investissement dans des start-up et même tout simplement dans des sociétés non cotées en Bourse. Ils ne sont ainsi pas en mesure de répondre aux questions les plus élémentaires qui pourraient leur être posées par leurs clients sur le sujet. Développer l'activité de « coaching » pour les entrepreneurs Une foule d'aspirants entrepreneurs ne parvient pas à obtenir de financement à la création simplement parce que les starters ne savent ni exprimer leur concept correctement, ni construire un argumentaire convaincant. Les plus chanceux parmi les créateurs non retenus décrochent un refus poli tandis que les autres n'ont aucun feedback sur les raisons de leur élimination des procédures de sélection. C'est bien dommage, puisque cette information en retour permet de mieux se préparer pour les approches ultérieures. On rendrait un grand service aux candidats entrepreneurs en les formant aux négociations avec des financeurs tants privés (business angels, entreprises, groupes) que publics (SICAR, FOPRODI, etc.), en les accompagnant tout au long de leurs discussions avec des capitaux-risqueurs. Cette formation spécifique aux porteurs de projet doit aller bien plus loin que la préparation des candidats à formuler des slogans accrocheurs du type elevator pitch (discours de promotion du projet le temps d'une montée en ascenseur). Dans ce type nouveau d'approche dynamique, l'idée est de réussir à convaincre l'investisseur potentiel grâce à un argumentaire concis et percutant dans un laps de temps extrêmement réduit ; la durée d'un trajet unique en ascenseur. Pour susciter la confiance en eux, il est nécessaire d'entraîner les futurs entrepreneurs à répondre aux questions inquisitrices des financeurs, sans se laisser décontenancer… En Europe, quelques réseaux d'investisseurs individuels proposent ce type d'accompagnement, malheureusement peu de porteurs de projet sont retenus pour bénéficier de ce coaching particulier. En Tunisie, ce rôle pourrait être dévolu à un (ou plusieurs) organisme(s) public(s) et/ou privé(s) d'accompagnement à la création d'entreprise assumant une véritable fonction d'intermédiation (entre demandeurs et apporteurs de capitaux). L'Etat a tout à gagner à subsidier ce genre de structure car cela aide à résoudre le problème de base du système de financement d'entreprise : la rencontre (très) peu efficace entre l'offre et la demande de financements. Carl-Alexandre Robyn Ingénieur-conseil financier