Dix ans après l'épisode de « Silicon Alley », les start-up refont leur apparition à New York. Emblématique de cette nouvelle classe d'entreprises, Foursquare, créée il y a un an, est déjà courtisée par Yahoo! qui la valorise à 125 millions d'euros. Cette nouvelle vague de jeunes pousses mène la révolution du commerce en ligne via les réseaux sociaux. La semaine dernière, Foursquare a enregistré son millionième utilisateur. La nouvelle «darling» de New York fait partie de cette génération d'entreprises qui surfent sur la vague des médias sociaux, comme Facebook et Twitter. C'est aussi la start-up la plus courtisée du moment. Quelques grands noms du capital-risque de la côte Ouest rivalisent depuis des semaines pour participer à son deuxième tour de financement : Andreessen Horowitz, Khosla Ventures, Accel, Red Point l'ont tous approché. Mieux, Yahoo! a fait une offre de rachat estimée à 125 millions de dollars. Ce n'est pas mal pour une entreprise créée il y a à peine un an et grâce à laquelle chacun «tague» sur son téléphone les lieux qui comptent dans la ville et peut savoir, à tout instant, où sont ses amis. Dennis Crowley, le fondateur de Foursquare qui a déjà vendu une première start-up à Google, fait monter les enchères mais observe un silence radio. Albert Wenger, l'un des associés d'Union Square Ventures, la firme de capital-risque phare de New York qui a été la première à investir dans la start-up, explique «qu'ils sont là pour faire grandir les sociétés du portefeuille à leur potentiel». Autrement dit, la cession prochaine de Foursquare n'est pas écrite d'avance. Mais l'intérêt suscité par l'entreprise illustre la nouvelle vitalité de la scène new-yorkaise. Près de 250 sociétés ont été financées par le capital-risque l'an passé. De nouveaux incubateurs ont été montés, comme Betaworks ou Dogpatch Labs. De nouveaux rendez-vous ont été créés comme les petits déjeuners de North Brooklyn ou les soirées de New York Tech Meetup qui peuvent drainer jusqu'à 700 participants. Les jeunes pousses se sont dispersées dans le sud de Manhattan : le Meatpacking District, le quartier du Flat Iron Building, Union Square, le Lower East Side et bien évidemment Brooklyn. Pour les citadins branchés Pas étonnant que cette ville, où les possibilités de découverte et de rencontre sont infinies, serve de terrain d'exercice à toute une génération de start-up qui entendent faciliter l'émergence de communautés et exploiter leur énergie vitale en développant des outils indispensables à leur cohésion. Meetup, par exemple, est devenu le site de référence pour monter des meetings ou des soirées (même des «tea parties» l'utilisent). HotPotato, de son côté, sert de plate-forme pour faire partager à plusieurs les émotions d'un événement «live», comme un concert ou un match sportif. Tumblr a développé un nouveau service de microblogging. Même les start-up les plus technologiques, comme Boxee qui a développé une sorte de «media center», jouent la carte des réseaux sociaux en facilitant l'interactivité. Comme il s'agit de New York, l'ultraconsumérisme n'est jamais loin et les entrepreneurs cherchent à servir de leur mieux une clientèle aisée et branchée dont l'iPhone est devenu le premier instrument de survie. Sur Foursquare, les commerces et restaurants recensés par les utilisateurs sont incités par ces derniers à faire connaître leurs offres spéciales. Venmo, créé cette année, développe des paiements par SMS. Pour les accros du shopping, Yipit, fondé par deux anciens de Wall Street, vous branche instantanément sur les meilleures affaires du jour en fonction de vos préférences, qu'il s'agisse de soldes sur des Jimmy Choo ou d'une «happy hour» dans un bar à la mode. Etsy, une place de marché pour les produits artisanaux, est considéré comme l'un des grands succès local en matière d'e-commerce. Et il faudra surveiller de près Gilt, une copie du français Vente-Privée spécialisé sur les marques de luxe dont le succès se confirme de jour en jour et qui pourrait être l'un des grands succès new-yorkais. Dans cette petite communauté suractive, un sentiment semble largement partagé. Les start-up de New York sont uniques en leur genre parce qu'elles collent aux besoins de la cité, et par là à toute une communauté urbaine. Cette spécificité est aussi leur force, car cela étend leur champ d'influence bien au-delà de Manhattan. Leurs outils sont faits pour les grandes villes. Mieux, ces start-up innovent en fonction des besoins de citadins qui sont maintenant perpétuellement connectés grâce à l'explosion des services mobiles. Dans un long article que «New York Magazine» a consacré à cette nouvelle classe d'entreprises la semaine passée, Scott Heiferman, l'un des fondateurs de Meetup, trompette que «Madison Avenue ne va plus être le cur de New York et Wall Street non plus. New York est chaud parce qu'on invente ici ce que le monde utilise. C'est une première ! » Autrement dit, les industries traditionnelles qui ont été les piliers de la ville ces dernières décennies -la publicité, les médias et la finance -ne sont pas à l'origine de cette génération montante de jeunes pousses, lesquelles ne sont pas non plus particulièrement attentives à leurs besoins. C'est le New-Yorkais qu'elles visent : avec ses lubies, ses tribus et son pouvoir d'achat. Cela suffira-t-il à donner enfin à New York son Google ou son Amazon ? Jusqu'à présent la capitale de la finance et des médias n'a pas su y faire. Hormis DoubleClick, une régie publicitaire qui a été cotée au Nasdaq, Big Apple n'a pas eu beaucoup de grand succès à savourer. « C'est surtout une question de nombre, estime Peter Flint, associé du fonds bostonien Polaris Ventures qui a financé la création de l'incubateur Dogpatch Labs à New York. Il y a toujours eu beaucoup plus de start-up et d'entrepreneurs dans la Silicon Valley ou à Boston». Le terreau de la «Silicon Alley» Mais depuis quelques mois, New York a retrouvé sa capacité d'attraction. L'expérience passée de «Silicon Alley», le quartier des start-up new-yorkaises à la fin des années 1990, a fourni le terreau pour cette nouvelle poussée. Des entrepreneurs qui ont réussi comme Kevin Ryan, ex-PDG de DoubleClick, ou Jeffrey Stewart, de Mimeo, jouent volontiers les «business angels» ou lancent de nouvelles start-up. Caterina Flake, par exemple, qui avait fondé le site d'hébergement de photos Flickr, a lancé Hunch, qui propose un outil de recommandation sur Internet. Kevin Ryan est encore aujourd'hui l'un des entrepreneurs les plus actifs de la ville. Il a créé une structure, Alley Corp, qui abrite six sociétés : le journal en ligne Silicon Alley Insider où l'on retrouve l'ancien analyste de Wall Street Henry Blodget, Gilt Group, Music Nation, Panther Express, Shop Wiki et 10gen. Au-delà de ces quelque serial-entrepreneurs, c'est surtout l'arrivée de Google en ville -qui y emploie plus de 700 personnes -qui a crédibilisé le marché new-yorkais. Implanté depuis 2005, il a créé un énorme appel d'air et un vrai confort psychologique : on pourra lui vendre des produits, des start-up ou même, en cas d'échec, y trouver un emploi. Yahoo! a également établi une base, tout près de Bryant Park. Cela rassure les supertechnologues, qui envisagent désormais plus facilement de quitter la Silicon Valley ou Boston pour New York. A la présence bienvenue des géants californiens de l'Internet, il faut ajouter les cabinets d'avocat et les cabinets de recrutement locaux qui sont tout prêts à capitaliser sur le savoir-faire acquis il y a une dizaine d'années et qui font partie d'un écosystème qui ne demande qu'à retrouver de la vigueur. Vibrionnant à nouveau, Big Apple attire à nouveau des entrepreneurs du monde entier et les Français ne sont pas les derniers à venir tenter leur chance. Mathieu Nouzareth est venu à New York monter sa quatrième start-up. Après Webconcept vendu au suédois Iconmedia Labs, Boonty et Cafe.com, il travaille ici sur un nouveau projet dans les jeux mobiles. Fabrice Grinda, qui a fondé Aucland et Zingy, a créé sa dernière start-up, OLX (une copie de Craig's List dont il développe le modèle dans 90 pays), depuis Manhattan, même si le développement est à Buenos Aires. «J'avais besoin d'être près de l'industrie musicale pour mon avant-dernière start-up et puis j'étais attiré par la vie culturelle et intellectuelle new-yorkaise», explique ce diplômé de Princeton. L'arrivée de Nick Beim, un investisseur du fonds de capital-risque Matrix qui a quitté Boston pour se localiser à New York, a été perçue comme un symbole fort du potentiel new-yorkais. «Il y a davantage de compétences tournées vers Internet et vers des industries différentes de celles de Boston, où l'on trouve surtout des technologues», explique-t-il. Il est venu grossir les rangs de la petite douzaine de capital-risqueurs locaux, autour d'Union Square Ventures et de l'emblématique Fred Wilson, déjà présent lors de la première vague, celle de «Silicon Alley». «Heureusement que ce nom a disparu, on cherchait trop à se comparer à la Valley. Pourtant on n'a pas de semi-conducteurs ici», se félicite Albert Wenger, associé chez Union Square Ventures. Profitant qu'en 2010 les infrastructures d'une économie numérique sont en place, avec haut débit et services mobiles, les start-up new-yorkaises vont maintenant jouer deux cartes maîtresses : e-commerce et réseaux sociaux. L'injection d'une expertise en design propre à Manhattan générera peut-être enfin le succès qui permettra à New York de trouver un pied d'égalité avec San Francisco et Boston. Car la prochaine étape, assure Nick Beim, «c'est celle des réseaux sociaux qui vont révolutionner le commerce en ligne». Source : http://www.lesechos.fr/info/hightec/020500962740-ces-nouvelles-start-up-qui-electrisent-new-york.htm .