La tentative de passage en force de l'INRIC et de la commission d'experts de la haute instance pour imposer une nouvelle structure de contrôle du secteur audiovisuel a échoué. Même si le projet de décret a été voté la semaine dernière, les hésitations des membres de la haute instance, la réaction très négative des professionnels et le niet des patrons des médias ne donnent aucune chance d'applicabilité à ce projet. Peut-être fallait-il en arriver là pour que les « décideurs » actuels et futurs comprennent enfin qu'il fut un temps où les administrateurs décidaient arbitrairement pour leurs administrés et que désormais, les structures sont créées pas pour servir les intérêts de ceux qui y sont mais pour garantir les intérêts des citoyens et de la communauté. Nul ne met en doute la nécessité d'encadrer et d'organiser le secteur de la presse en général et de l'audio visuel en particulier. Le secteur de la presse écrite nécessite, en effet, une réforme profonde compte tenu du fait que le code de la presse promulgué dans les années soixante dix était rédigé dans un esprit de verrouillage. Les révisions successives apportées depuis n'ont rien ôté au caractère liberticide de ce texte. Aujourd'hui, il est nécessaire de rédiger un nouveau texte qui organise le secteur de la presse écrite qui prend en considération la nouvelle réalité de l'exercice de la profession de journaliste, englobe tous les aspects du progrès technologique et répond aux besoins de tous les actants du monde des médias. Le nouveau code de la presse ne doit pas être un texte syndical mais une référence pour les journalistes, les patrons de presse, les représentants de la société civile et autres. Quant au secteur de l'audio visuel, il n'était régi par aucune loi pour la simple raison que l'Etat avait le monopole des radios et des chaînes de télévision à tel point par exemple que le droit de réponse n'était pas possible dans la radio ou la télévision nationales qui pouvaient se donner à cœur de joie à toutes les invectives contre les opposants du régime sans risquer autre chose que leur crédibilité. Même quand le secteur s'est ouvert à des chaines privées, le flou a été entretenu car cette ouverture s'est faite sur la base d'une convention et non sur la base d'une loi claire ou d'un cahier des charges uniforme pour tous. Il était nécessaire donc d'organiser le secteur de l'audio visuel dans notre pays qui est appelé à connaître de nouveaux arrivants sur les ondes. L'idée de créer un conseil supérieur de l'audio visuel trouve sa justification donc dans la nécessité de créer une structure d'encadrement et de régulation du secteur, l'efficacité du CSA étant tributaire de la notoriété de ses membres. Et c'est précisément à ce niveau que les choses se compliquent. En effet, depuis la nomination de Kamel Laâbidi par l'ancien chef de gouvernement Mohamed Ghannouchi, l'INRIC n'a cessé de susciter les questions les plus diverses qui ne sont pas de nature à rassurer les professionnels du secteur, et encore moins l'opinion publique. La composition de l'INRIC annoncée par son président était franchement chétive et ne répondait à aucun critère objectif. Aucun de ses membres ne peut prétendre à une notoriété incontestée dans le secteur qui pouvait lui assurer de jouer le rôle d'arbitre et d'autorité morale. Les plus méritants d'entre eux peuvent se prévaloir uniquement d'une expérience syndicale. D'autres auraient pu se prévaloir de leur expérience professionnelle s'il n'y avait pas cette histoire de plagiat qui leur colle au dos. Pour les autres, leur présence au sein de l'INRIC sera toujours un mystère à élucider. Le CSA qu'ils veulent créer ne pouvait donc reposer sur la notoriété de ses membres pour jouer son rôle de régulation et c'est pour cela que le texte qu'ils ont présenté avait un caractère répressif. Ce manque de notoriété handicapant est en fait le fruit d'une incompétence vérifiée dans le secteur audio visuel. Aucun des membres de l'INRIC ou de la commission des experts de la haute instance n'a une connaissance de la radio ou de la télévision supérieure à celle de l'auditeur ou du téléspectateur commun. Seulement, l'avantage du commun des auditeurs et des téléspectateurs est qu'il est suffisamment humble pour ne pas s'improviser expert et se proposer pour réguler un secteur aussi important. A propos d'expertise d'ailleurs, les experts étrangers invités par l'INRIC étaient jusque là pour nous donner des leçons sur la liberté d'expression et d'information. Quant à ceux invités par la commission de la haute instance, il n'y a parmi eux aucun expert de l'audio visuel. Qu'on les apprécie ou pas, Ridha Najjar et Sadok Hammami sont incontournables. Ils n'ont jamais été entendus tout comme les patrons des radios et des chaînes de télévisions à qui on veut imposer des structures de contrôle sans même prendre leurs avis. Ces faiblesses originelles font que le texte proposé la semaine dernière au vote était inadéquat, liberticide, indigne de la révolution tunisienne. C'est un texte qui ne sert personne sauf les futurs membres de ce CSA qui bénéficieront pendant six ans des largesses matérielles qu'ils ont décidées pour eux-mêmes. Ne dit-on pas qu'on n'est jamais mieux servi que par soi-même ?