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Comment Imed Deghij a été desservi par ses 8 avocats
Publié dans Business News le 14 - 03 - 2014

Le premier procès de Imed Deghij a été ouvert jeudi 13 mars 2014 au Tribunal de première instance de Tunis. A la barre, un ancien ministre, un actuel député et pas moins de cinq autres avocats pour le défendre. Au menu initial, ses différentes menaces et insultes sur ses pages Facebook. Au menu final, ses avocats ont offert un spectacle de procès où l'aspect politique régnait. On ne parle plus de droit, mais de révolution, d'Ukraine et d'abus supposés de la police.
Le procès de Imed Deghij devait s'ouvrir à 10 heures. Il ne s'ouvrira qu'après 14h30. En attendant, avocats et journalistes remplissent le temps comme ils peuvent dans les couloirs du Tribunal de Tunis. Dehors, une pluie fine et un froid de canard. Une cinquantaine de personnes manifestent en levant les photos du révolutionnaire du Kram. On crie « Justice, c'est dégueulasse, lâche Imed et attrape Letaïef ». En dialectal tunisien, la rime est réussie (chey iyaef, sayeb Imed wou chedd Letaïef).
Devant le portail principal et aux alentours, la sécurité est renforcée. Des paniers à salade partout et il faut montrer patte blanche pour accéder au palais de justice.
A l'intérieur, le député Samir Ben Amor rigole avec son collègue député et ancien ministre du Commerce, Abdelwaheb Maâtar. Tous deux appartiennent au parti présidentiel CPR. Avec eux, l'avocat qui était suspendu pour deux ans, Chérif Jebali. Devant la porte de la salle d'audience, des agents contrôlent l'entrée. Pour Deghij, l'accès sera uniquement réservé à la famille, les avocats et les journalistes. Dans les couloirs, des équipes spéciales bien armées équipées de gilets pare-balles font le va et vient.
Jamel Deghij, frère cadet de Imed, nous interpelle durant une discussion à bâtons rompus avec l'un des avocats. « Je vous connais vous ! Mais pourquoi toute cette campagne contre Imed ? Pourquoi vous mentez ? Pourquoi vous ne dites pas la vérité ? Nous sommes des pauvres gens ! Imed ne s'est jamais allié avec les Trabelsi, il n'a jamais vendu d'alcool et ne s'est jamais mêlé à cela ! Sous Ben Ali, il a fait de la prison et a été condamné en 1993 et en 2010. Il a fait l'objet de peines complémentaires et devait signer deux à trois fois par jour le registre au poste de police. Nous étions toujours harcelés sous l'ancien régime ! Si Imed était associé aux Trabelsi, nous n'aurions jamais subi cela ». Jamel cite des témoignages et parle de l'avocat Fethi Mouldi qui l'a défendu en 2010, suite à un match de l'Espérance. Nous vérifions auprès de l'avocat qui confirme. Imed a été condamné à de la prison avec sursis en 2010 et deux ans d'interdiction de stade. En 1993, il a fait 4 mois de prison pour appartenance aux frères islamiques et en 2003, à son retour de la guerre d'Irak, il était mis sous étroite surveillance. Des membres de la révolution du Kram démentiront cependant plus tard le frère de Imed et disent qu'il a travaillé bel et bien avec Imed Trabelsi. Ce qui reste à prouver. Pour eux, il roulait sur l'or et ceci est une preuve. Pour Jamel Deghij, son frère (qui n'a pas achevé ses études et qui ne peut donc être professeur comme beaucoup le disent) donnait des cours particuliers de maths qui lui généraient des milliers de dinars par mois. « Mais depuis la révolution, tout cela est fini. Imed n'a plus de revenus », jure-t-il. La mère intervient et évoque, avec les pires phrases, Naoufel Ouertani. Pour elle, tous les maux de son fils viennent de Naoufel Ouertani. « Elle le mordrait avec ses dents », dit-elle. « Mais pourquoi vous mentez ! Pourquoi vous lui en voulez ? Imed, mon fils, vous a débarrassés de Ben Ali ! Imed vous a ramené la démocratie ! ».
Il est 14 heures passées, Imed Deghij arrive menotté avec quatre autres détenus dont une jeune fille aux cheveux sales et ébouriffés. Il se retourne vers la salle, loin d'être remplie, avec un grand sourire. La juge lui crie dessus « retournez-vous ! ». Le procès va commencer juste après cinq affaires de Adel Dridi, devenu célèbre par sa société Yosr Développement qui a remis à l'ordre du jour la pyramide de Ponzi.
Debout devant la barre, chaussures sans lacets, Imed est face à la jeune présidente Samira Karmani. Derrière lui, sept avocats. Le huitième, Abdelwaheb Maâtar, avait d'autres occupations. De toute façon, la presse et la magistrate ont bien remarqué sa présence. Tout comme on a remarqué l'absence de ses « amis » Abderraouf Ayadi et le couple Abbou.
Le ministère public demande le report du procès, le temps de recevoir des expertises techniques du téléphone portable du prévenu. Samir Ben Amor conteste de suite et ne voit pas le rapport entre l'affaire et le téléphone portable. La juge le calme et dit aux avocats, « ce n'est pas grave, si vous tenez à vos plaidoiries, je vous autorise à les faire, mais on va reporter quand même, le temps qu'arrivent les expertises. » La réponse de la magistrate divise les avocats. Les uns veulent reporter sans faire de plaidoiries, les autres veulent plaider de suite. Après quelques minutes de flottements, ils se décident. La juge est tout ouïe. Et puis non, ils ne vont pas plaider. Mais si, ils vont plaider ! On chuchote, on calcule et pèse le pour et le contre. Ils ne sont pas d'accord, ils finiront par plaider.
Un des avocats revient à la question de l'expertise pour dire que l'affaire est liée à un statut Facebook et qu'il n'y a pas lieu d'expertiser un portable. « Ce qu'il y a lieu d'expertiser, c'est l'ordinateur du prévenu et cet ordinateur est à la maison », estime-t-il. La magistrate lui dit qu'il ne sert à rien de parler de cela, ce point est déjà dépassé et qu'elle ne verra rien sans expertise.
Seïfeddine Makhlouf, rendu célèbre par sa défense des Salafistes, remet son collègue à sa place en lui coupant la parole. Il ne mâchera pas ses mots et parlera de politique. Avec Chokri Azzouz, il est l'un des rares à mener un discours sensé. Chérif Jebali renchérit et l'accuse de parti-pris. Un autre lance « c'est les décisions de l'Etat profond ». L'ombre de Kamel Letaïef n'est pas loin… Divisés, les avocats vont dans tous les sens pour dire la chose et son contraire. On crie et on gesticule. Samir Ben Amor s'assoit et sourit d'une manière narquoise. Le spectacle est plaisant. On cherche à déstabiliser la jeune juge et à l'emmener sur une autre route que la sienne. Elle ne se laissera pas faire cependant. Ça n'empêchera pas les avocats de revenir à la charge plus tard.
Elle récite les chefs d'inculpation. Imed parle de révolution : « Nous sommes menacés par les contre-révolutionnaires, nous sommes violemment attaqués par la presse et les syndicats, nous luttons, nous critiquons la voie prise par la révolution ». – C'est qui vous ? – Nous c'est la page des hommes de la révolution du Kram. – Et c'est quoi les hommes de la révolution du Kram ? – Les hommes qui ont fait la révolution. – Vous, c'est une page Facebook ? – Oui ! – Et vous êtes combien dans cette page ? – Nous sommes deux à l'administrer. – Et c'est qui le deuxième ? – Il vit à l'étranger. – Et comment s'appelle-t-il ? – Il s'appelle « les hommes de la révolution ».
La juge évoque la vidéo dans laquelle il s'est attaqué aux syndicats des forces de l'ordre et au syndicat des magistrats. Imed Deghij se défend. Sa page n'est qu'une réaction aux attaques médiatiques de ces syndicats. Il n'a jamais appelé à la violence. Pour lui, il n'a fait que se défendre face à ces syndicats qui ont des agendas. – Avez-vous des preuves que les syndicats ont des agendas ?
Les avocats s'énervent. Ils prennent la parole et corrigent leur client. Il n'a pas parlé de syndicats, mais d'un syndicat particulier, celui des forces de l'ordre de Tunis. Chérif Jebali se lance dans une diatribe pour signifier que ce syndicat en particulier (et non tous) est connu pour ses accointances avec l'ancien régime. Sa leçon d'histoire est coupée par l'un de ses collègues. Celui-ci conteste la formulation des phrases par la juge. Samir Ben Amor se joint à la troupe et conteste certaines questions orientées à son goût. La juge ne se laisse pas intimider et menace de lever l'audience si les avocats continuent leur indiscipline. Elle reprend. Samir Ben Amor lui coupe la parole prétextant que l'enregistrement de la vidéo n'a pas été versé au dossier. La juge ouvre la grosse chemise et lui sort le CD avec un sourire cynique. Le député avale sa couleuvre et s'assoit.
La magistrate reprend son interrogatoire à propos du statut. Imed Deghij se défend et dit que sa page a été piratée et qu'il n'a jamais écrit ce qu'on lui reproche. A l'entendre, il n'a jamais évoqué la question du commissariat d'El Ouardia et il est facile de falsifier des pages FB. Un avocat coupe la parole et dit que la phrase a été rajoutée. Un autre dit que la page est piratée. Ils ne s'entendent toujours pas sur la stratégie de défense à suivre.
Chérif Jebali s'énerve et coupe la parole une énième fois. La question de la Ouardia est diligentée dans une autre affaire, dit-il, en citant le tribunal de Tunis 2. Chokri Azzouz évoque la Constitution et précise que les droits de Deghij n'ont pas été lus lors de son arrestation et qu'on ne lui a pas proposé un avocat, ce qui est anti-constitutionnel. Chérif Jebali demande à la juge de poser certaines questions précises au prévenu, notamment celles liées au jour et à l'heure de l'arrestation. Un autre parle de kidnapping avant de se rétracter.
La juge reprend la parole et revient à l'arrestation après avoir interrogé les avocats sur les raisons d'aborder cet aspect. Les avocats lui expliquent que les procédures d'arrestation n'ont pas été respectées et qu'ils veulent inscrire ça au PV. Imed Deghij dit qu'il était au café quand, à 18h30, des hommes cagoulés et armés en civil sont venus le chercher avant de l'emmener à El Gorjani. Chérif Jebali lui coupe la parole et demande à la juge de l'interroger s'il n'a pas été physiquement agressé et lynché. Un autre avocat demande l'heure exacte, si c'est à 20h30, 21h30. La juge énervée dit qu'elle n'a pas encore achevé son interrogatoire. Elle reprend. Imed Deghij dit qu'il a été arrêté le 25. Non, le 26 crie un avocat. – Votre client ne connait même pas la date de son arrestation. Imed deghij se rattrape et répond 26 à 19h30. Personne ne lui fait remarquer qu'il a donné une heure d'arrestation différente. Il parle de son lynchage. Les avocats semblent satisfaits, ils chuchotent. Il dit avoir été emmené à la brigade anti-terroriste à El Gorjani. Chérif Jebali l'arrête. Non, c'est l'unité. La juge lui dit où est la différence ? Il y a une différence, répond Jebali, qui dit bien connaître la BAT au dessus de tout soupçon.
L'interrogatoire a repris à propos de la vidéo où Deghij parle de révolution ukrainienne, de syndicats de police et de la présidente du syndicat des magistrats. La juge l'interroge sur l'Ukraine et ce qu'il entendait par l'importation de la révolution ukrainienne en Tunisie. – C'est une bonne chose et ce n'est pas violent, se défend le prévenu. – Il y a le bon et le mauvais dans la révolution ukrainienne. Il poursuit et dit qu'il a participé à la révolution et qu'il ne va pas se laisser faire. – C'est toi qui as fait la révolution ? Tu étais à l'avenue Habib Bourguiba le 14 janvier ? – Non, nous étions au Kram le 13 au soir et nous nous sommes dirigés vers le palais présidentiel. Ceux du 14 n'ont pas pesé. C'est nous qui sommes allés à Carthage pour chasser Ben Ali ! – Ah d'accord, c'est donc vous qui avez chassé Ben Ali ! Ok ! On reprend. Imed Deghij continue à user du nous et parler du peuple. La magistrate lui rappelle qu'il n'a pas à parler au nom du peuple et qu'il y a des instances pour ça.
Les avocats s'énervent et commencent à crier. A les entendre, la magistrate a des questions orientées et politisées. Elle n'a pas à donner son opinion sur la révolution ukrainienne par exemple. Mais c'est indiqué dans la vidéo, rappelle la magistrate. Les avocats ne l'entendent pas de cette oreille et cherchent la déstabilisation. Leur client ne fait que parler au nom d'une partie des révolutionnaires. Samir Ben Amor, lui, évoque la question de l'expertise qui prouve, d'après lui, un parti-pris. Elle rappelle que c'est le ministère public qui a demandé l'expertise. Ben Amor dit non. Le représentant du procureur reprend la parole et témoigne. Malgré son jeune âge, la juge ne se laissera pas faire. Elle revient à la question des syndicats de police. Imed répond. Chérif Jebali lui coupe la parole pour le corriger, il s'agit du syndicat des forces de l'ordre de Tunis et non de syndicats en général. C'est pourtant faux, ses posts FB sont au pluriel et ne visent pas seulement le syndicat de Tunis, bien que ce dernier ait été le plus cité. La juge autorise Imed à reformuler ses réponses. Il détache ses phrases et parle du syndicat de Tunis. – Et qu'entendiez-vous lorsque vous dîtes que vous avez plus d'honneur que la présidente du syndicat des magistrats et ses conseils ? Un avocat crie qu'il n'a pas dû dire ça. Imed répond qu'il n'a pas dû dire ça. Il justifie ses propos par la sortie médiatique de la présidente du syndicat lorsqu'elle a comparé les LPR aux avocats véreux. Il s'est senti blessé. Rebelote, on parle de nouveau des révolutionnaires et du rôle que joue Deghij face aux syndicats qui en veulent à la révolution et la menacent.
Vers 17 heures, la séance est levée. Le verdict sera prononcé plus tard. On décide, comme prévu, le report. Le rendez-vous est donné dans quinze jours. La demande de libération est refusée, contrairement à ce qu'espéraient les avocats. De toute façon, elle ne servait à rien, Imed Deghij allait passer la nuit en prison puisqu'il a fait objet, la veille, d'un deuxième mandat de dépôt.
Les avocats ne sont pas satisfaits par la juge. Elle est trop rigoureuse à leur goût. Ils auraient bien aimé la faire changer au prétexte qu'elle syndiquée. C'est Imed Deghij qui a refusé de prendre cette voie puisque telle procédure aurait retardé le procès, l'obligeant à rester en prison durant ce temps-là. Il y restera quand-même ! Avec des avocats partis en ordre dispersés et cherchant à faire du spectacle et de la politique plutôt que de parler de droit absolu, il ne pouvait pas en être autrement.


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