Dans les suites de tous les actes terroristes, en particulier ceux qui se déroulent dans les régions frontalières, nos médias remettent sur la table l'incapacité ou l'insuffisance des hôpitaux publics à prendre en charge les blessés, victimes des attaques terroristes. Le plateau d'El Hiwar Ettounsi du 8 avril 2015 autour de Monsieur Elyes Gharbi, le dernier que j'ai vu à ce sujet, a mis l'accent sur certaines insuffisances des hôpitaux de Sbeïtla et Kasserine. Etant convaincu que des actes analogues à celui perpétré à Mghila se répéteront malheureusement, il serait utile que nous connaissions les capacités de notre système public de soins, en particulier dans les régions de l'ouest, et que nous proposions des solutions pertinentes, loin des vœux pieux ou des ambitions, voire des fantasmes, et sans culpabiliser les uns ou les autres.
Commençons par connaitre le rôle et les missions des différentes catégories d'hôpitaux. Le premier niveau hospitalier est celui des hôpitaux de circonscription qui ne peuvent assurer que des accouchements normaux et des soins de médecine générale. En dehors de rares exceptions, aucun ne peut assurer des actes de chirurgie que nécessitent des victimes de plaies par armes à feu. C'est le cas de tous les hôpitaux de circonscription des gouvernorats de Kasserine (dont Sbeïtla) et du Kef (dont Sakiet Sidi Youssef ou Nebeur). Dans les cas où ils sont confrontés à ces situations, ils ne peuvent que veiller au transport sanitaire des victimes vers l'hôpital régional le plus proche qui est le second niveau hospitalier capable de dispenser, selon la disponibilité des ressources humaines spécialisées et du matériel d'investigation idoine, des soins de chirurgie générale ou spécialisée. Seuls les hôpitaux régionaux de tout l'Ouest du pays sont dans cette situation. Tous les hôpitaux régionaux de l'ouest, du centre et du sud du pays souffrent du manque de médecins spécialistes et probablement de certains équipements. C'est un problème chronique qui ne sera pas résolu de sitôt malgré les incitations financières qui ont été instaurées depuis les années 1990 et devant les hésitations des divers gouvernements à « obliger » les médecins à y exercer. Dans les conditions précaires actuelles ne faudrait-il pas envisager des solutions exceptionnelles qui permettraient de rapprocher les soins des victimes en particulier et des citoyens en général au lieu de ramener les victimes vers les hôpitaux de Tunis, Sousse ou Sfax ? A cet effet, je proposerais aux ministères de la Défense nationale et de la Santé publique d'envisager de détacher des équipes multidisciplinaires complémentaires de médecins militaires aux hôpitaux régionaux frontaliers qui prendront en charge les victimes de plaies par armes à feu, lorsque cela se produit, et toute la population de ces régions, en périodes d'accalmie. Le ministère des Finances mobilisera les fonds nécessaires, à titre exceptionnel et sur les budgets des départements de la Santé et de la Défense, pour subvenir à la totalité des besoins en équipement et matériel fixés par les équipes médicales. Les services de contrôle des dépenses relevant du chef du gouvernement œuvreront à faciliter les procédures d'acquisition et à la célérité de l'exécution des marchés. Les effectifs de ces équipes, sous commandement militaire, pourront être renforcés par des médecins civils parmi ceux qui exercent dans les régions de Tunis, Sousse, Monastir et Sfax et bien évidemment par les effectifs en place. N'avons-nous pas tous scandé « Unis contre le terrorisme » ? Cette proposition pourrait être examinée en parallèle à la possibilité de mettre en place un hôpital de campagne à l'image de ceux qui ont été installés par l'armée tunisienne et l'armée marocaine sur nos frontières sud lors des évènements sanglants de Libye. Et pendant que nos valeureux soldats et nos vaillantes forces de sécurité combattent, les médecins se rapprochent des terrains de manœuvre militaire pour leur assurer la célérité de la prise en charge médicale, lorsqu'ils en ont besoin.
Par ailleurs, des directeurs d'hôpitaux et autres professionnels de santé ont été épinglés par les médias car ils ont refusé de laisser les caméras filmer et/ou communiquer des informations au sujet des victimes et en particulier leur état de santé. Là aussi, il me semble qu'il ne faudrait pas se tromper de cible. A-t-on vu un responsable français du secteur de la santé discourir à propos des attaques perpétrées à Paris ? A-t-on vu des caméras filmer à l'intérieur des hôpitaux dans les mêmes circonstances ? Outre leur obligation de respecter le secret médical, ces responsables sont soumis à un devoir de réserve et ne peuvent pas communiquer des informations dont ils ne maitrisent pas les tenants et les aboutissants. Par contre dans ces circonstances, il faudrait que chaque établissement mette en place une cellule d'information aux familles des victimes pour les tenir au courant de l'évolution de l'état de santé du blessé (malade) hospitalisé. Le ministère de la Santé publique devrait mettre en place les modalités et procédures de communication des hôpitaux avec la population et les médias nationaux pour éviter tout malentendu entre les uns et les autres.
Toutefois, dans ces circonstances particulières, que j'espère passagères, force est de reconnaitre que, comme souligné par plusieurs médias, la communication reste très en deçà de ce qu'elle devrait être pour informer, tranquilliser et sensibiliser. Nos départements concernés (Intérieur, Défense, Justice) ont certes fait des efforts louables pour s'améliorer mais ils peuvent mieux faire. Une communication rapide, opportune et aussi complète et transparente que possible, est aussi un outil de lutte contre le terrorisme. Ceci nous évitera la flambée des rumeurs et des interprétations hasardeuses et rétablira une partie du prestige de l'Etat. La lutte contre le terrorisme est un combat de longue haleine qui doit mobiliser tous les citoyens et toutes les professions qui doivent opérer de manière synchrone, cohérente et coordonnée. Le Gouvernement en est le chef d'orchestre et devrait délimiter les missions de chaque département qui définira ses procédures d'action en complète symbiose avec les opérateurs sur le terrain.