Le Quartet s'est composé en 2013 après une forte crise politique en Tunisie. Il regroupe les principales forces vives du pays, à savoir le patronat, les travailleurs, les avocats qui ont toujours eu un poids politique et la Ligue des droits de l'Homme. C'était au lendemain de l'assassinat de deux leaders politiques, Chokri Belaïd (6 février 2013) et Mohamed Brahmi (25 juillet 2013). La troïka au pouvoir à l'époque a perdu toute légitimité aux yeux de l'opinion publique en raison de sa très mauvaise gouvernance, mais également du dépassement de ses prérogatives et des abus de pouvoir à répétition. Elue en octobre 2011 pour une durée d'une année non renouvelable et uniquement pour rédiger une constitution, cette troïka a refusé de quitter le pouvoir. Elle est essentiellement composée des islamistes d'Ennahdha et des partis de centre gauche CPR et Ettakatol. Les islamistes dirigeaient le gouvernement, Ettakatol présidait l'assemblée et le CPR avait la présidence de la République.
La crise économique et politique, suivie par les assassinats politiques a poussé les Tunisiens à descendre dans la rue et à observer un sit-in de plusieurs semaines devant l'Assemblée nationale constitutionnelle au Bardo. Le pays était à l'époque au bord de la guerre civile, vu que les Islamistes ont organisé, à leur tour, un sit-in à la même place du Bardo, plaçant ainsi face à face les Tunisiens.
L'opposition était essentiellement constituée de partis laïcs, ayant groupé des proches de l'ancien régime de Zine El Abidine Ben Ali, de partis qui lui étaient opposés, de partis créés après la révolution de 2011 et d'un large pan de la société civile. Il y avait notamment le PDP d'Ahmed Néjib Chebbi et Maya Jeribi, Al Massar d'Ahmed Brahim, le Front populaire de Hamma Hammami, Nidaa Tounes de Béji Caïd Essebsi, Afek de Yassine Brahim, etc.
Si le président de l'Assemblée nationale, Mustapha Ben Jaâfar d'Ettakatol, a immédiatement suspendu les travaux, les Islamistes d'Ennahdha, la présidence de la République, le CPR et les partis qui gravitent autour d'eux, ont refusé de quitter le pouvoir, prêts à aller vers l'affrontement. Des milices dites révolutionnaires (Ligues de protection de la révolution -LPR) ont été constituées par des proches des islamistes et du président de la République Moncef Marzouki pour mettre de l'huile sur le feu et pousser l'opposition à reculer. On promettait, en parallèle des élections, sans pour autant fixer une date, et ce un an après la fin de leur mandat. Face à la crise aigüe et la menace d'une guerre civile qui pouvait se déclencher d'un moment à l'autre, les représentants du patronat, des travailleurs, des avocats et des militants des Droits de l'Homme ont décidé de proposer une alternative avec un gouvernement provisoire, composé de technocrates, pour mener le pays jusqu'aux élections.
Le putsch en Egypte de Abdelfattah Sissi a poussé les islamistes au recul et l'acceptation de l'initiative. Chose refusée par la présidence de la République, son parti CPR et les partis qui lui sont proches (Attayar de Mohamed Abbou et Wafa de Abderraouf Ayadi) qui ont refusé d'entrer dans les négociations et de voir la troïka quitter le pouvoir. Pour eux, le Quartet faisait partie du problème et non de la solution (dixit Imed Daïmi, SG du CPR). Après plusieurs semaines de négociations, dirigées par le Quartet, on a finalement abouti à composer un gouvernement de transition dirigé par Mehdi Jomâa. Un Tunisien qui travaillait à Paris en tant que haut cadre chez Total appelé à la rescousse pour diriger, d'abord, le département de l'Industrie, puis le gouvernement.
C'est le travail acharné de Wided Bouchamaoui (UTICA, patronat), Houcine Abassi (UGTT, centrale syndicale), de Abdessatar Ben Moussa (Ligue des Droits de l'Homme – LTDH) et Fadhel Mahfoudh (Ordre national des avocats) qui a abouti au succès de ce quartet à atteindre ses objectifs et à faire éviter à la Tunisie une véritable guerre civile.
Ejectée du pouvoir fin 2013, la troïka s'est trouvée carrément rejetée un an plus tard en octobre 2014 par les urnes. Si les Islamistes sont venus deuxièmes avec 69 sièges au parlement, il n'en est pas de même pour le CPR (3 sièges au parlement) et Ettakatol (zéro siège) sur un total de 217. Quant à Moncef Marzouki et en dépit du fort soutien des islamistes et des autoproclamés révolutionnaires, il n'a obtenu que 46% à la présidentielle. Un an plus tard, en octobre 2015, le quartet se trouve récompensé par la plus haute distinction internationale, le Prix Nobel de la Paix.