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Ces occidentaux qui n'ont rien compris à la révolution tunisienne
Publié dans Business News le 05 - 12 - 2014

Le succès de Nidaa Tounes aux législatives et de Béji Caïd Essebsi au premier tour de la présidentielle, a suscité les commentaires de plusieurs observateurs occidentaux, notamment français. Ils n'arrivent pas à comprendre comment une révolution de jeunes a pu remettre en scène l'ancien régime et un octogénaire au pouvoir. Que s'est-il réellement passé en Tunisie entre 2011 et 2014 pour que les résultats des dernières élections soient ainsi et comment se fait-il que des analystes supposés avisés ne voient pas les choses telles que nous les vivons ? Flashback.
C'est l'ancien régime qui revient. Un papy au pouvoir. La révolution tunisienne a avorté. Ce sont là les principales grandes lignes de ce qu'on lit, ces dernières semaines, dans les médias politiques les plus prestigieux en Europe, et notamment en France. La Tunisie a-t-elle réellement échoué et a-t-elle réellement remis au pouvoir l'ancien régime ? CQFD.
Le principal élément déclencheur de la révolution tunisienne, un certain 17 décembre 2010, était un vendeur ambulant qui s'est immolé par le feu, après avoir vu sa balance saisie par la police municipale. Plusieurs émeutes après, et un tapage médiatique extrême de la part de la chaîne Al Jazeera, a conduit le 14 janvier 2011 le président Zine El Abidine Ben Ali à quitter le pouvoir.
Après quelques semaines de flottement, Béji Caïd Essebsi est nommé à la tête du gouvernement avec pour mission principale de calmer le pays et de le mener vers des élections transparentes et démocratiques. La mission est accomplie le 23 octobre 2011. Les islamistes d'Ennahdha gagnent les élections et prennent le pouvoir avec les deuxième et quatrième classés, à savoir le CPR que préside Moncef Marzouki et Ettakatol que préside Mustapha Ben Jaâfar. Ils sont supposés être républicains et laïcs et le gouvernement composé est une alliance de cette troïka laïco-islamiste. Ennahdha prend la présidence du gouvernement, Ettakatol celle de l'Assemblée et le CPR celle de la République. Ils ont été élus pour un an ferme ayant pour mission unique, telle que définie par un décret-loi, de rédiger la constitution. A leur première année d'exercice, ils s'occuperont de tout sauf de la constitution. Celle-ci ne sera votée que le 27 janvier 2014.
Leur pouvoir oscillera par une permissivité extraordinaire envers les uns, notamment les salafistes radicaux, et une sévérité excessive envers les autres, notamment la société civile laïque et républicaine. Le 9 avril 2012, des manifestants de cette société civile laïque sont violemment dispersés et la police (accompagnée par des milices proches du pouvoir) fait preuve d'un usage excessif de la force. Cet usage excessif de la force sera observé dans plusieurs autres manifestations « laïques » dont la plus spectaculaire sera celle de Siliana, en décembre 2012, où la police a tiré à la chevrotine (interdite) sur les manifestants. Les blessés sont nombreux et la vague de colère est telle que les Silianais se sont rassemblés pour quitter carrément leurs demeures et laisser les autorités gérer une ville déserte.
En parallèle, les Salafistes et radicaux bénéficiaient d'une totale impunité de la part des autorités. Pire, les médias qui dénoncent les abus de ces salafistes sont vilipendés. La ville de Sejnane est devenue un émirat islamiste, dénonce le quotidien Le Maghreb et la Ligue tunisienne des Droits de l'Homme. Intox répondent en bloc les autorités. Des terroristes s'entrainent à la montage Chaâmbi. Intox, répondent les mêmes. Des armes fuitent quotidiennement depuis l'Algérie et, surtout la Libye. Accusations infondées, manipulation médiatique et tentatives de déstabilisation du pouvoir, répondent en chœur les officiels.
L'impunité la plus spectaculaire des salafistes sera constatée le 14 septembre 2012 avec l'attaque de l'ambassade américaine à Tunis. Des dizaines de salafistes pénètrent de force la chancellerie, incendient les voitures et retirent la bannière étoilée pour la remplacer par la bannière étoilée des salafistes. Ils s'en tireront tous ou presque avec de légères condamnations assorties de sursis. Le ministre de l'Intérieur de l'époque, l'islamiste Ali Laârayedh, desserrera même l'étau sur leur chef supposé Abou Iyadh pour lui permettre d'échapper aux forces de l'ordre.
Le pire arrivera, ou plutôt commencera, le 18 octobre 2012 avec le lynchage à mort de Lotfi Nagdh militant de Nidaa Tounes, parti créé par Béji Caïd Essebsi. Des proches du pouvoir sont accusés du meurtre. Ils sont emprisonnés, mais ils seront néanmoins défendus par des proches du président de la République et même par des députés de la troïka qui demandent à ce qu'on les relaxe au prétexte d'être acteurs révolutionnaires. Le sang coulera encore le 6 février 2013, le 25 juillet 2013 avec l'assassinat des leaders politiques Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi. Régulièrement, on enregistre des actions terroristes faisant la mort de soldats ou d'agents de forces de l'ordre. On ira jusqu'à égorger et déshabiller les cadavres des soldats.
La société civile criera son ras le bol dans un sit-in historique de plusieurs semaines devant le siège de l'Assemblée demandant la fin de la troïka. Après quelques vaines tentatives de répression des manifestants, dans le droit fil de la politique de répression de l'ancien régime, le gouvernement finira par tomber et les députés finiront leur farniente en pondant, enfin, la constitution.
Pendant ce temps là, et coïncidant avec une crise mondiale aigüe, l'économie tunisienne balbutie. Inflation galopante et croissance chancelante. Le tourisme bat de l'aile pendant que les marchés concurrents (notamment Turquie, Maroc, Espagne) deviennent florissants. Le chômage grimpe et la corruption s'accentue. Les agences de notation dégradent sans cesse la notation tunisienne et multiplient les avertissements et les signaux d'alarme, sans qu'il n'y ait de réaction tangible. Ou plutôt si. On a interdit désormais à Standard & Poor's de noter la Tunisie. Le clientélisme et le népotisme connus sous l'ancien régime n'ont pas disparu. Seuls les bénéficiaires ont changé. Les médias épinglent régulièrement, preuves à l'appui, les ministres et personnalités de la troïka, sans qu'il n'y ait de suite judiciaire palpable. L'impunité s'élargit jusqu'aux milices qui leur sont proches.
Seul réel et tangible acquis de la révolution qui a bien résisté à la troïka : les médias. Ceux-ci seront dénigrés, critiqués, insultés et accusés de corruption ou de nostalgie à l'ancien régime. Un sit-in de plusieurs semaines est organisé devant la télévision publique pour intimider ses journalistes et un livre de 500 pages est édité par la présidence de la République dans l'objectif de salir les médias, directeurs de médias et journalistes. Les procès en diffamation intentés contre la présidence trainent encore dans les casiers. En revanche, des dizaines de procès sont montés de toutes pièces pour les attaquer. On tentera d'humilier les journalistes les plus en vue pour intimider les autres, avec des gardes à vue ou des convocations devant la brigade criminelle. La société civile, aux aguets, et la corporation en alerte se dresseront comme un pour contrer l'hégémonie du pouvoir, combattre la dictature rampante et défendre la liberté d'expression. Pas moins de deux grèves générales seront organisées.
La troïka a bien essayé de créer ses propres médias, mais ces derniers n'ont pas réussi à percer dans l'audience et à convaincre le public. Trois chaines de télévision leur sont acquises, Al Moutawassat, Zitouna et TNN contre deux seulement qui s'affichent clairement anti-troïka, Nessma et Al Hiwar Ettounsi. Les premiers dépassent rarement les 2%, les seconds descendent rarement au dessous des 30% d'audience.
A l'audience télévisée prouvant un sentiment anti-troïka net et sans ambigüité, s'ajoutent les chiffres des instituts nationaux de sondages. Pareil, la troïka essaie de les décrédibiliser en les accusant de manipulation et de corruption. Des épiciers, diront certains observateurs internationaux. « Nos sondages réalisés dans les cafés populaires les démentent », dira un ancien conseiller du président de la République.
En bref, la troïka a perpétué les pires manières de l'ancien régime en rajoutant son incompétence. Au bout de trois ans, la cocotte a bien chauffé et n'en pouvait plus.
Il a fallu des élections en bonne et due forme pour montrer le ras-le-bol des Tunisiens. C'était le 26 octobre, la troïka n'obtiendra en tout que 1,1 million de voix sur les 3,5 millions de votants et sur les 5,5 millions d'électeurs inscrits. Chiffre confirmé un mois plus tard avec le premier tour de la présidentielle.
En dépit de ces données historiques réelles et vécues par les Tunisiens, en dépit des chiffres des sondages et des élections, les observateurs internationaux continuent encore à voir en les islamistes, et particulièrement en Moncef Marzouki, la personnalité la plus apte à sauver la démocratie et empêcher le retour de l'ancien régime. Ces mêmes observateurs qui oublient l'enfer des trois ans vécu par les Tunisiens, sont les mêmes qui continuent à propager l'idée que les vainqueurs sont ceux de l'ancien régime. Les vrais représentants de l'ancien régime ont tous eu une raclée lors des élections, alors que le parti vainqueur est un véritable melting pot composé d'anciens RCDistes, certes, mais aussi des syndicalistes et des figures notoires de la gauche et des Droits de l'Homme.
La faible, très faible, prestation de l'opposition a laissé devant la troïka un véritable désert politique qu'a rempli rapidement, et en un temps record, Nidaa Tounes.
Ces mêmes observateurs politiques occidentaux qui font l'impasse sur le passé, jouent aux voyants en pronostiquant, pour l'avenir des Tunisiens, un retour de la dictature et de la répression. C'est le message répété matin, midi et soir, par le finaliste de la présidentielle Moncef Marzouki et repris en chœur par plusieurs médias.
Pourtant, force est de constater que les médias et la société civile ont prouvé, trois ans durant, leur opposition farouche et leur détermination à ne plus permettre ce retour de la dictature et de la répression. Cette prise de conscience de la société civile de la chose publique et le réveil des médias, appuyés fortement, par les réseaux sociaux, seront le rempart contre tout retour au passé despotique de la Tunisie et à toute atteinte à la liberté et à la démocratie. La garantie du succès de la révolution tunisienne, ce ne sont pas les politiques élus en 2014 et encore moins les politiques élus en 2011. La garantie du succès de la révolution tunisienne, ce sont les Tunisiens eux-mêmes et ils l'ont prouvé par la réussite des élections d'octobre et novembre et la liberté d'expression qui prévaut dans les médias.


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