Cinq ans en arrière commençait en Tunisie une Révolution inévitable et inattendue comme toutes les révolutions. Elle secouera toutes les structures de la Société. Son côté dramatique et son ampleur prouvent sa nécessité et démentent le côté trompeur de la "paix" et de la "tranquillité" qui prévalaient. Elle a secoué l'essoufflement, la stagnation, l'irresponsabilité individuelle et collective qui régnaient. Mais les révolutions produisent toujours les hommes nouveaux qui les incarnent et les dirigent. Hélas, ce n'est le cas jusqu'à présent pour la Tunisie et sa transition démocratique. Certes, rien ne naît du vide et même les plus jeunes doivent avoir une formation et un parcours mais là où nôtre pays est arrivé, c'est à voir le futur avec les lunettes du passé. Passé lointain et mythique situé dans un Moyen-Orient mythique et à une époque indéterminée que l'on veut imposer à une société tunisienne qui lui est rétive. Contre passé récent mais tout aussi révolu et inadapté dans son unanimisme et autoritarisme en crise de légitimité politique conduisant un processus de modernité effective vers la République héréditaire. Le front Nidaa s'est ébréché Par un mouvement qui tient beaucoup de la géophysique, le peuple tunisien a choisi, lors des élections du 23 octobre 2011, ceux qui étaient contre l'ancien système et trois ans plus tard ceux qui s'opposaient à eux. Cette symétrie admirable, preuve de multiplicité de ressources et de choix, prouve par là même que les projets "positifs" qui s'élaborent malgré l'existant médiocre pour imaginer un futur meilleur n'ont pas suffisamment mûri. Nidaa a été une machine de défense, un Front de diverses tendances pour barrer la route à une fausse réponse à nos problèmes: nous n'avions pas dévié de nôtre identité arabo-musulmane et n'avions pas besoin d'un projet dictatorial pour y revenir. Mais force est de constater que nous n'y avons réuni que les forces issues, par delà leur positionnement face au pouvoir en place, de l'avant 14-Janvier. Les voix nouvelles n'ont eu que le rôle de musique d'accompagnement ou celui du chœur commentant les actions dramatiques dans le théâtre antique. Quelle que soit l'issue du dialogue inter-Nidaa encadré par la Commission des treize, commission à la composition hétéroclite qui joint la partialité de beaucoup de ses membres à l'insignifiante politique des autres, il est indéniable que suite à sa double victoire électorale, Nidaa s'est montré tant au parlement qu'au gouvernement et sur la scène publique d'une grande inefficacité pratique et politique. Nidaa ne pèse ni sur les choix du gouvernement ni sur les débats qui animent l'opinion publique tels que la lutte contre le terrorisme, le climat social ou la relance de l'économie. Une étape est finie, place au nouveau Il est facile de constater que Nidaa a souffert de son arrivée au pouvoir et il est possible qu'il subisse une fragmentation bien au-delà des deux tendances apparues jusqu'ici. Seule peut s'y opposer une refonte démocratique ouverte aux composantes actuelles ainsi qu'à celles qui, pour des raisons diverses et souvent estimables, n'a pas rejoint la première phase fondatrice de Nidaa. Dépassant, ainsi, la trompeuse dualité destour-gauche et allant dans tout le spectre politique et intellectuel qui met en premier lieu le caractère civil de l'Etat. Mais qui donc peut porter ce projet de "parti des Tunisiens", si par ailleurs le cadre organisationnel, y compris la grande majorité de ses dirigeants, s'est montré défaillant? Une reconstruction par la base nous semble le contre-pied positif à la première fondation autour du leader historique. Les élections municipales nous semblent le terrain propice pour faire émerger des leaders nouveaux qui n'attendent pas leur légitimation du sommet et du chef mais de la seule incontestable: celle donnée par le vote populaire. Cette émergence des "grands électeurs" sera un processus large et ouvert sans querelle des chefs comme préalable. Une construction par le bas des fondations, garantie de proximité des besoins de la société et de durabilité.
Tarek Chaabouni est membre du Conseil National de Nidaa