Le contexte socio-économique de la Tunisie est difficile. Une crise sans précédant ébranle le pays depuis quelques années. Crise accentuée par la situation sécuritaire fragile et les attentats terroristes qui se sont succédé, plongeant, en particulier, le secteur du tourisme dans un marasme qu'il a, encore aujourd'hui, du mal à dépasser. Cette situation impacte directement toutes les structures économiques du pays et notamment la compagnie aérienne nationale Tunisair qui souffre depuis quelques années des répercussions du contexte général du pays. La compagnie fait, toutefois, aussi face à des problèmes internes qui viennent s'ajouter à la crise et qui risquent de rendre sa situation de plus en plus compliquée. C'est dans cette atmosphère tendue que la compagnie aérienne nationale, Tunisair, tiendra le jeudi 28 avril 2016 son assemblée générale ordinaire pour l'exercice de 2014, soit avec une année de retard sur les délais ordinaires. Tunisair.SA clôture son année 2014 avec un résultat net bénéficiaire de 43 MDT contre un déficit de 205,3 MDT en 2013 et de 125,8 MDT en 2012. Les états financiers du groupe Tunisair font ressortir, pour leur part, un total net bilan consolidé de 1837 MDT, des capitaux propres du groupe de 114.3 MDT et un résultat consolidé bénéficiaire de 48 MDT. Ce sont ces chiffres qui ont fait, ces derniers jours, polémique. En effet, nombreux experts crient au scandale et pointent une ingérence de l'Etat pour permettre à la compagnie de réaliser de tels « bénéfices ». Les états financiers de 2014 affichent, en effet, un bénéfice net de 48 millions de dinars alors que le résultat d'exploitation est de -109 MDT. L'état de résultat consolidé de Tunisair pour l'année 2014 indique des « gains ordinaires » de l'ordre de 170 MDT, grâce auxquels la compagnie a pu couvrir ses pertes et faire pencher la balance. Le rapport des commissaires aux comptes explique, par ailleurs, que l'article 43 de la loi n°2014-54 du 19 août 2014 portant Loi de Finances complémentaire pour la gestion 2014 a autorisé l'Etat à supporter les dettes du groupe Tunisair.SA envers l'OACA arrêtées au 30 juin 2012 à hauteur de 165 MDT pour l'ensemble du Groupe. Il précise que l'impact positif de cette opération s'est répercuté sur le résultat du groupe Tunisair de l'exercice 2014. Le rapport note, en outre, que les conventions de concession entre la société Tunisair.SA et l'OACA n'ont pas été reconduites. Le Conseil ministériel du 2 avril 2013 a invité, à ce titre, les deux sociétés à entamer les négociations afin de renouveler les conventions de concession avec les mêmes conditions tarifaires préférentielles actuelles. Les économistes condamnent cette « injection de l'Etat » et donc « de l'argent des contribuables » qui a été comptabilisée comme étant un gain « bafouant ainsi les règles de la comptabilité ». L'économiste Moez Joudi crie au scandale accusant l'Etat d'enfreindre des règles élémentaires et de se distinguer par sa mauvaise gouvernance et son irrespect des pratiques comptables en vigueur. D'autres experts relèvent le fait que la prise en charge par l'Etat des dettes de la société envers l'OACA soit inscrite parmi les gains de l'exercice et non en tant que subvention. Ils rappellent que cette prise en charge a été accordée par la Loi de finances 2014 « dans la perspective de mise en place d'un programme d'assainissement et de restructuration qui n'a pas encore vu le jour ». Certains experts vont plus loin et critiquent la politique du « deux poids deux mesures » s'interrogeant sur les raisons qui font que le CMF n'exige pas de suspendre la cotation de Tunisair et de demander à l'actionnaire de référence, en l'occurrence l'Etat, de reprendre les actions détenues par les minoritaires, à l'instar de ce qu'il a décidé, il y a quelques mois, pour Syphax Airlines. Ils pointent aussi une concurrence déloyale envers les compagnies privées, elles aussi en souffrance, à l'instar de Nouvelair. Ainsi, les commissaires aux comptes ont émis un certain nombre de réserves portant sur nombreuses rubriques du bilan. Il est vrai que la compagnie fait face à une crise datant de la période postrévolutionnaire, due essentiellement au contexte géopolitique du pays. La compagnie a élaboré son plan de redressement, depuis décembre 2012, qui est partiellement entré en vigueur début 2013 et qui consiste en partie en un plan social prévoyant le départ à la retraite anticipée de 1 700 agents sur deux années. Ce plan a été prévu pour un coût estimé de 75 MDT, pris en charge en partie par l'Etat à concurrence de 52 MDT, versables en deux tranches. Le complément, soit 23 MDT, serait supporté par le fonds social de la société conformément aux recommandations du Conseil interministériel réuni le 04 Avril 2014. Tunisair avait annoncé en 2013 que des mesures urgentes, ayant obtenu l'accord de l'Etat, principal actionnaire de la compagnie, n'ont pas encore été concrétisées et restent en vigueur dont notamment l'effacement de la dette vis-à-vis de l'OACA. Elle avait précisé qu'elle veillerait à ce que le projet de Loi de finances 2014 soit rectifié, avant son adoption, pour y inscrire le budget nécessaire pour la concrétisation du plan de redressement. La Loi de Finances complémentaire pour la gestion 2014 a finalement autorisé l'Etat à supporter les dettes du groupe Tunisair.SA envers l'OACA. La dernière AGO pour l'exercice 2013 a été marquée par des tensions. Nombreux actionnaires avaient exprimé leur mécontentement face aux résultats affichés. Des cris, des propos violents et même des obscénités s'y sont fait entendre. L'Assemblée générale ordinaire qui se tiendra dans quelques jours commence d'ores et déjà à susciter les réactions indignées des experts et compte tenu des nombreuses anomalies rapportées dans le rapport des commissaires aux comptes, promet d'être « animée ».