Nous sommes en 2016 et un parti politique tunisien veut sauver le pays grâce au califat. Non ceci n'est pas une blague. Pas plus que celle du plébiscite de Rached Ghannouchi à 75% des voix… Le parti Ettahrir, ou Hizb Ettahrir pour les intimes, est un parti politique légal. Il a obtenu son visa de l'Etat tunisien, en 2012, du temps du chef du gouvernement Hamadi Jebali. Un Etat que le parti ne reconnait pas, réclamant l'instauration d'un califat islamique et se dressant, pêle-mêle contre la civilité de l'Etat, la Constitution et tout ce qui en découle.
Depuis 2012, Hizb Ettahrir multiplie les congrès. Chaque année, on a droit à une prétendue démonstration de force dans les plus grandes salles de conférences de la capitale. La Coupole d'El Menzah l'année dernière et le Palais des Congrès cette année. Des salles, pourtant réservées aux plus grands, que le parti s'accapare pour tenter tant bien que mal de rassembler des foules. C'est que le parti a les moyens de ses ambitions, mais les foules ne sont pas toujours au rendez-vous. Ces ambitions ne sont autres que « instaurer un califat islamique pour dominer le monde » et casser « l'embargo des grandes puissances mondiales ». Eh oui, rien que ça ! Pour y arriver, Ettahrir y croit fort et il ne lésine pas sur les moyens. Un congrès annoncé en grande pompe, des affiches, de grands discours racoleurs, on y croirait presque, même si généralement, rien n'en ressort. Les grands problèmes du pays ? On instaurera le califat, on prendra le pouvoir et on en reparlera après. En théorie, tout sera résolu par la grande et sainte parole de Dieu. En théorie seulement. Et la Tunisie sortira de la crise dans laquelle elle s'est embourbée depuis des années.
Mais avec un programme aussi bien ficelé, pourquoi un tel parti n'est-il toujours pas au pouvoir ? Surtout lorsque l'on sait que les gouvernants actuels ne s'en sortent pas vraiment comme une fleur ? La raison est simple. Ce n'est pas dans l'Etat actuel que Hizb Ettahrir réussira à faire ses preuves ni à travers les lois qui le régissent. A bas la Constitution qui fait offense à la Chariaa, à bas les lois, l'Etat civil, et l'ensemble de la classe politique actuelle. Même Ennahdha n'est pas assez bien. Le parti de Rached Ghannouchi a renoncé à son identité islamiste et à son honorable mission de prédication. Que reste-t-il donc ?
L'ironie dans tout ça, c'est que Hizab Ettahrir se présente comme une alternative. Une alternative à une scène politique qui ne respecte pas suffisamment les préceptes du Coran et de la Chariaa. Une scène politique qui n'a pas été capable de gouverner comme il faut et de « sauver le pays ». Une scène politique en pleine déconfiture.
Mais plus ironique encore, est qu'un tel parti appelant à détruire les bases de l'Etat pour y dresser un califat islamique opère, encore, dans une parfaite légalité et a droit aux plus grands espaces pour y cracher son venin. Est-ce le jeu démocratique ? Un jeu auquel le parti n'y croit point ? Est-ce, au contraire, une manière de bafouer les règles de l'Etat dans la plus grande impunité…mais en ayant en plus un public qui applaudit ?