Par Nabil Ben Azouz* Monsieur l'ex-futur chef du gouvernement, après les jeunes qui vous ont écrit, les personnalités qui vous ont rencontré, les partis qui sont venus vous quémander et les organisations nationales qui vous ont conseillé, permettez à un "vieux" lecteur assidu du "Canard Enchaîné" (comme ça c'est plus clair afin de saisir mon verbe) et râleur par dessus le marché de vous inviter, après sa lettre, à boire un thé dans son village. Mon gamin me parle souvent de "buzz" ! Alors faisons-le. Commençons.
Vous n'êtes pas ma tasse de thé et d'avance je vous dis que vous allez perdre votre pari. Permettez-moi également d'être un peu impoli dans cette lettre. On m'a dit que vous êtes un esprit ouvert, alors j'en profite avant qu'il ne soit trop tard. Subterfuge pour jauger également votre degré de tolérance. On m'a dit également que vous êtes surtout "jeune" et donc comme disait Mitterrand, un peu “chebran”. Alors, soyez cool.
Moi je suis un quinqua et toi un quadra. Tu es beau gosse, moi parait-il je n'attire plus personne, sauf des ombres. Tu verras, on s'y habitue. Toi t'as les cheveux noirs sombres et gominés. Moi, je les ai blancs et drus. On m'a dit que tu commençais quand même à en perdre quelques uns et à te creuser la calvitie. Cela prouve donc que malgré ta quarantaine tu es désormais un vieux chez les jeunes. Par contre moi, je suis encore un jeune chez les vieux. Je viens juste de naître à la vieillesse. Tu vois, tout est relatif. D'ailleurs c'est la seule notion absolue. Il parait aussi que vous avez les yeux bleus, ce qui est en fait une anomalie car c'est le signe d'absence de quelques gènes. Moi, je les ai gris. Ce qui est pire. Il parait aussi que tu appartiens à la famille du président, ce qui n'est ni une tare, ni une honte. C'est notre cas à tous, mais la mienne, n'est pas la famille Adams.
Je voulais par ailleurs, et c'est le but recherché, vous dire deux mots de ceux qui t'entourent ou qui veulent t'entourer. Tu dois absolument assurer tes arrières. Ils te trahiront à la moindre occasion et dès que t'auras le dos tourné, ils te flingueront. Ils sont dans leur majorité obséquieux, opportunistes et fils de...leurs mères. Ils ne roulent que pour eux-mêmes.
Je sais aussi que vous devez composer avec les intégristes. Le vieux t'impose cela, mais ne te couche pas trop devant leur vipère de chef. On te regarde. A la limite, et en passant, pourquoi pas un gouvernement tout simplement constitué de Nidaa-Ennahdha ? Ce sera plus net, clairement assumé et plus facile pour nous, au lieu de vous cacher derrière la farce d'un pseudo gouvernement d'union nationale qui prouve que vous avez donc la pétoche. Ne faites confiance qu'à votre canari (moi, j'en ai un). Soyez courageux, imposez vous et cessez d'être mielleux, surtout face au père qui a un fils qui n'est pas sain d'esprit. Purée de nous autres, c'est toi le futur chef (attention, faut pas que ça te monte trop à la tête). As-tu bien lu la Constitution et tous les pouvoirs qu'elle te donne ? Essid n'en avait pas l'étoffe. Trop, trop vieux, pour être jeune et taper fort sur la table. Veillez à ce que ces futurs ministres respectent la loyauté à ton gouvernement. Non pas à ta personne. Là se niche le secret de ton éventuelle réussite. Par leurs bassesses et leurs trahisons, ils en ont fait voir (pas tous) de toutes les couleurs à ton précédent. Et celui qui bouge ou qui commence ses entourloupes, vire-le sans états d'âmes. Ne tremble jamais. Ne reste pas prisonnier de ces futurs charlatans. Pense toujours à t'appuyer sur le peuple et rien que le peuple. Seul lui sauvera ton derche. Sauf que là, y a un hic ! T'es parait-il un foutu libéral néo-con* pro-américain ayant bossé pour le vilain USAID (con* : conservateur, bien sûr). Je vous redis donc, que vous n'allez pas réussir dans ce grand défi. Alors ne soyez pas têtu. Si vous sentez que cette tâche est rude et va au-delà de tes 1m90 (Purée, t'as bouffé quoi ? Cela aussi est différent de ma “petite” génération), démissionnez au lieu de perdre votre âme. La politique, pratiquée de cette manière, ce n'est que de la bouse de vache.
J'espère que mon pamphlet ne vous choquera pas trop. Il parait que vous êtes très poli. Moi aussi je le suis. Mais à ma manière. T'emmerde pas trop et pense aussi à aller bronzer. T'es trop blanc bec. Jeune homme, Jules Renard disait “ La vieillesse arrive brusquement, comme la neige. Un matin au réveil, on s'aperçoit que tout est blanc”. Alors, prends bien soin de toi, peut-être te verra-t-on autour d'un thé et bon vent. Mes salutations les plus citoyennes.