Le président Béji Caïd Essebsi a accordé, une interview à Al Quds Al Arabi dans laquelle il est revenu sur l'expérience tunisienne, l'alliance avec Ennahdha, la crise de Nidaa, le nouveau gouvernement, le danger du terrorisme et la femme tunisienne. Le chef de l'Etat a estimé que l'expérience tunisienne n'a pas été facile. Les Tunisiens ont été positifs et consensuels. Et d'ajouter «s'il n'y avait pas notre héritage historique et la femme tunisienne, on n'aurait pas réussi ! Notre expérience est à ses débuts et est encourageante. Nous sommes actuellement dans une phase de consécration de principes nouveaux qui n'existaient pas, car tout au long de 60 ans nous avons eu un seul parti, un seul président et un seul avis. Aujourd'hui nous sommes entrés dans l'ère du pluralisme, dont l'application n'est pas évidente vu qu'on avait pas cette culture».
Le président Caïd Essebsi a rappelé que c'est le peuple, via les urnes, qui a choisi Ennahdha, soulignant que son parti Nidaa Tounes n'avait pas une avance confortable qui lui permettait de faire passer les lois et les réformes qui devront être opérés et que le choix de ce parti politique s'est imposé seul, vu les résultats des élections. Pour lui, la présence d'Ennahdha au gouvernement a stabilisé l'expérience politique, ce qui était primordial pour la Tunisie pour sortir de la crise économique et lutter contre le terrorisme. Autre point, spécifiant qu'il est contre l'islam politique, le président de la République a souligné que le mouvement a séparé entre la prédication et le politique, notant que cette séparation ne signifie pas que le parti se soit scindé en deux et l'un fait de la politique et l'autre de la prédication. Concernant sa relation avec le président du parti, il a estimé qu'elle était excellente, à un tel degré qu'on dit qu'il a influencé le cheikh pour le transformer en un "islamiste tunisien".
Concernant la crise de Nidaa Tounes, le chef de l'Etat a estimé qu'il s'agit d'une crise de leadership. Il a rappelé qu'il est le fondateur du parti pour apporter un équilibre au paysage politique tunisien et qu'il voit d'un mauvais œil cette crise. Il a précisé que plusieurs appels lui ont été lancés pour régler cette crise mais qu'il a été clair et en respect avec la constitution, refusant toute intervention. Ceci dit, il a affirmé qu'un consensus est proche et la situation va se calmer.
Le chef de l'Etat considère que la Tunisie a développé une expérience unique mais que cette dernière est menacée par le terrorisme si on ne développe pas l'économie d'un degré suffisant. Il a précisé qu'il y a 620.000 chômeurs en Tunisie, qui n'ont pas trouvé d'emploi et dont certains ont été recrutés par Daech : 4.000 Tunisiens qui se trouvent actuellement en Syrie. Il a espéré qu'avec ce nouveau gouvernement jeune, ce nombre va baisser.
Concernant la lutte contre le terrorisme, le président de la République a rappelé que la Tunisie n'a pas la culture du terrorisme mais que ce fléau nous a été imposé par la situation régionale. «Notre pays est petit et depuis l'Indépendance, nous n'avons pas misé sur l'armée comme l'ont fait d'autres pays. Le président Bourguiba a misé sur le Tunisien et a consacré le tiers du budget à l'éducation. Lorsque le terrorisme s'est abattu sur nous, nous n'avons pas trouvé un système défensif et nous avons dû nous préparer», a-t-il expliqué. Il a noté que le problème a dépassé la région pour devenir international : la France, la Belgique, les Etats-Unis d'Amériques souffrent aussi du terrorisme. C'est pour cette raison qu'il faut mettre en place une stratégie mondiale pour lutter contre le terrorisme : « la Tunisie est sur la première ligne de défense et l'Europe a compris cela », a-t-il assuré.
Concernant la femme, le président Béji Caïd Essebsi a précisé que la femme est l'égal de l'homme sauf en ce qui concerne l'héritage. Et de conclure: «Nous avons mis en place une Constitution pour un Etat civil sans aucune référence religieuse !»