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Lotfi Nagdh assassiné, la justice enterrée !
Publié dans Business News le 15 - 11 - 2016

Le Tribunal de première instance de Sousse a prononcé, tard dans la soirée de lundi 14 novembre, le verdict dans l'affaire de l'assassinat de Lotfi Nagdh. Les Tunisiens se sont réveillés ce mardi, en apprenant que les accusés ont été acquittés. Un verdict qui a suscité l'indignation et des critiques à l'encontre de l'institution judiciaire. Retour sur l'affaire d'un meurtre aux relents politiques et qui aboutit sur un dénouement « consensuel »...

Lotfi Nagdh a été lynché à mort, un certain 18 octobre 2012. Cette année-là, Troïka était au pouvoir avec, à sa tête, le mouvement islamiste Ennahdha. Il faudra rappeler le climat qui prévalait à cette époque. Une chasse aux sorcières était lancée contre tous ceux qui symbolisaient de près ou de loin l'ancien régime. A coups de « dégage » et d'intrusion dans les institutions publiques, les défenseurs de la révolution, chassaient les anciens responsables : leur but: une épuration et un assainissement de l'administration de ces responsables tant honnis.
C'est dans ce cadre que la Ligue de protection de la révolution à Tatatouine, Ennahdha et le CPR, avaient décidé de mener une marche pour « déraciner le RCD ». Un communiqué de la LPR, publié à cet effet, rend compte de l'agressivité de ton et d'un esprit de vindicte étayé par des références religieuses.

Des affrontements surviennent lors de cette marche. Les manifestants, dont certains brandissaient les drapeaux d'Ennahdha, s'étaient rendus au siège de l'Union tunisienne de l'agriculture et de la pêche pour en déloger les responsables. Lotfi Nagdh est le président de l'UTAP et coordinateur de Nidaa Tounes à Tataouine. La manifestation dégénère en affrontements avec des cocktails molotov et des pierres. Feu Nagdh est sorti du siège de l'UTAP, malmené, roué de coups, tabassé au vu et au su de tous. Des témoins filment la scène, d'une violence inouïe, des vidéos sont partagées sur les réseaux sociaux attestant de l'agression. Les agresseurs sont clairement identifiés. Toutes les preuves sont là pour que les responsables soient écroués.
Sauf qu'au cours de la même journée, le ministère de l'Intérieur soutient que Lotfi Nagdh est mort des suites d'une crise cardiaque, se basant sur les résultats de l'autopsie réalisée par l'hôpital de Gabès : « la cause du décès est la crise cardiaque et la victime ne porte aucune trace de violences ». C'est le tollé sur la scène politique. On appelle à l'ouverture d'une instruction pour établir les véritables causes du décès. On a tous visionné les séquences du lynchage public. Des preuves, qui en temps normal, devraient être irréfutables…

Au lendemain de la mort de Lotfi Nagdh, un communiqué conjoint signé par les représentants de la ligue de protection de la révolution de Tataouine, des représentants du CPR à Tataouine et d'Ennahdha à Tataouine, accuse Lotfi Nagdh d'avoir présidé, le jour de la manifestation des milices armées de sabres et de cocktails Molotov. Milices qui ont ouvert les hostilités selon les signataires, poussant les jeunes militants à riposter. Les organisateurs de la marche « pacifique » ont essayé, précise le communiqué, de faire sortir les personnes présentes à l'intérieur du siège de l'UTAP et les présenter aux forces de l'ordre : « La mort de Lotfi Nagdh suite à une crise cardiaque n'est qu'un accident regrettable causé par les RCDistes qui veulent semer le trouble dans le pays ». Le défunt se retrouve accusé, alors que le communiqué même avoue que les manifestants se sont introduits de force au siège de l'UTAP, d'autant plus que la thèse de la crise cardiaque est démentie par plusieurs témoins …

Pour Hammadi Jebali, alors chef du premier gouvernement de la Troïka, qualifier ce décès d'assassinat politique est une ligne rouge à ne pas dépasser. « M. Nagdh n'a pas été assassiné, selon les résultats des différentes autopsies, mais a succombé des suites d'une crise cardiaque, qui a pu être causée par des échanges violents ». Par la suite, plusieurs figures d'Ennahdha prendront la défense des personnes arrêtées et accusées du meurtre.
Abdelfattah Mourou intègre le comité de défense des membres de la Ligue de protection de la révolution de Tataouine, inculpés dans l'affaire du meurtre de Lotfi Nagdh. Rached Ghannouchi affiche son soutien aux familles des agresseurs, Abdelkarim Harouni rend visite aux inculpés, Farida Laâbidi, députée d'Ennahdha s'est présentée en tant qu'avocate des assassins…

Entre temps, un deuxième rapport d'autopsie réalisée à Sfax révèle l'existence d'œdèmes sur tout le corps du défunt ainsi que des fractures des côtes. Un rapport différent du précédent qui, lui, n'a aucunement mentionné l'existence de traces de violences subies par la victime.
Initialement, le juge d'instruction près du Tribunal de première instance de Tataouine avait émis 8 mandats d'arrêt à l'encontre de membres de la LPR Tataouine. Le 4 avril 2013, le même juge d'instruction émet des chefs d'accusation pour meurtre avec préméditation, complicité et port d'armes.
L'avocat des accusés contestait ces chefs d'accusation, déclarant que « la victime souffrait déjà de problèmes cardiaques » et que « les fractures des côtes, ne sont que la conséquence des massages cardiaques qui lui ont été prodigués pour le secourir »…
Au mois de juin de la même année, le Tribunal de première instance de Tataouine est dessaisi de l'affaire, qui sera instruite par le Tribunal de Sousse. Ce, sur décision de la Cour de cassation de Tunis, suite à une demande du comité de défense de Lotfi Nagdh qui a fait part à la Cour de grosses pressions subies par le Tribunal de Tataouine.
Juillet 2015, le Tribunal de Sousse décide la libération de quatre accusés. Il s'agit de : Mongi Maiz, Brahim Thabti, Béchir Harrabi et Mabrouk Kasser.
Le 14 avril 2016, s'est ouvert le procès de l'assassinat de Lotfi Nagdh dans une importante tension au sein du tribunal et une très forte présence sécuritaire. Les familles des accusés jouent de la provocation et qualifient même, à haute voix, l'un des accusés de « docteur ». Il s'agir de Said Chelbi, soutenu par des CPR et des Nahdhaouis.

A plusieurs reprises le procès sera reporté. Aujourd'hui, le verdict a été prononcé et pour une grande part de l'opinion publique, cela a été un choc. Un choc parce que tous les éléments attestent que la mort de Lotfi Nagdh n'est pas due à une crise cardiaque. Quand bien même le rapport de l'autopsie le confirme, le défunt a été victime de tabassage, lynché en public et assailli de tous les côtés. Si les soutiens des agresseurs s'en tiennent au scénario de la mort survenue suite à une attaque cardiaque, ils ne peuvent pas nier que celle-ci a été provoquée par l'agression. C'est sur ce détail que la justice devait trancher, et elle a tranché en faveur d'un acquittement des agresseurs. On a joué sur les mots et le meurtre de Lotfi Nagdh restera impuni. Sa famille, sa femme, les cinq orphelins qu'il a laissés derrière lui, n'obtiendront pas justice.
Une injustice, dans un procès à fort caractère politique ? Non selon les soutiens des agresseurs ! Il s'agit là d'un dénouement équitable et impartial, de cette justice, pourtant tellement décriée.
Les révolutionnaires en tous genres à commencer par les CPR se sont réjouis du verdict. Sur les murs Facebook des uns et des autres, c'était la liesse !
Imed Daïmi, ancien secrétaire général du CPR et actuel SG d'Al Irada, parle d'une nouvelle « géniale » : « Après quatre années d'emprisonnement, de maltraitance et de torture psychologique, ils sont aujourd'hui libres et acquittés ! Le mythe fondateur de Nidaa Tounes est tombé à l'eau, c'est la plus grande arnaque dans l'histoire de la Tunisie ». Daïmi continue sur sa lancée en vilipendant Nidaa Tounes et en assurant que c'est le début de la fin de la contre-révolution, affichant son contentement du fait que des témoins de la scène du meurtre aient écopé d'un an et demi de prison pour faux témoignage.
Samir Ben Amor n'a pas manqué d'afficher son bonheur face à la victoire des « révolutionnaires » contre « la bande à Molotov », publiant dans la foulée, le texte du verdict le présentant pompeusement comme étant « le déclaration de l'indépendance de la justice » (sic !).
Depuis hier, des islamistes notoires, des CPR et des membres des LPR, crient leur joie de cette victoire « inattendue ? ». Sur l'une des photos, on voit l'un des individus acquittés prendre la pause pour un selfie avec Imed Dghij ou encore Recoba. Les agresseurs d'hier sont fêtés et accueillis en héros !

Une sentence douloureuse pour la famille et les proches de Lotfi Nagdh, qui n'auront pas de réponse à leur question. La justice en a décidé autrement. Personne ne semble avoir causé la mort de Lotfi Nagdh.
Nidaa Tounes dont est issu le défunt, a tardé à réagir. Pourquoi ? « Lotfi Nagdh est la victime de Nidaa Tounes et du fait que le parti avait cru qu'un changement était possible dans le pays …», affirme avec amertume l'avocat de la partie civile dans l'affaire de l'assassinat, Mekki Jaziri. Le premier parti de Tunisie, ayant perdu sa majorité au parlement et essuyé une scission, se partage le pouvoir avec son ennemi d'autrefois Ennahdha…

Ce n'est qu'en fin de journée de ce mardi, qu'un communiqué officiel est revenu sur le verdict de lundi soir. Exprimant sa déception du verdict, Nidaa a contesté le retour sur la scène des Ligues de protection de la révolution, et réitéré son soutien à la famille du défunt, tout en assurant son respect envers la justice tunisienne.
Nidaa a appelé, en outre, son allié islamiste au pouvoir, à clarifier sa position quant aux LPR, ainsi que celle de plusieurs dirigeants politiques ayant affiché leur soutien aux présumés assassins acquittés de Lotfi Nagdh.
On apprend qu'une réunion élargie du comité politique du parti se tiendra dans les prochaines 24 heures, afin de fixer une position sur « l'avenir des relations avec les composantes du paysage politique ».
A l'heure actuelle, le comité de défense du défunt a décidé d'interjeter appel. Le ministère public a lancé la même procédure.

Les images choquantes du lynchage du coordinateur général de Nidaa, sont restées gravées dans la mémoire des Tunisiens. Un meurtre qui avait marqué un tournant dans l'histoire post-révolution et annoncé une période trouble, cautionnée « officieusement » par les partis alors au pouvoir. Quoique le modus operandi du meurtre de Nagdh soit différent de celui de Chokri Belaïd ou de Mohamed Brahmi, il n'en demeure pas moins un assassinat politique.
Durant la campagne électorale de 2014, Nidaa Tounes et le candidat à la présidentielle, Béji Caïd Essebsi, avaient promis de dévoiler toute la vérité sur ces assassinats et que justice sera faite. Depuis, de l'eau a coulé sous les ponts et les meurtriers se retrouvent en liberté et innocentés.
Lotfi Nagdh serait-il mort pour rien ?


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