PDG de la startup tunisienne spécialisée dans la conception de jeux vidéo, Polysmart SA, gérant du studio de jeux Nuked Cockroach et président élu de l'Association tunisienne des jeux vidéo (TAG), Haroun Gharbi, 32 ans, est un jeune précurseur hors norme. Inventeur d'un monde fantastique, mais bien réel, ce geek workaholic vit son rêve à 100 à l'heure en prenant soin de garder ses distances avec la notoriété. Honnête, factuel et direct, Haroun Gharbi, qui est également le propriétaire des deux pizzerias Pizza Slice à la cité Ennasr et à la Marsa, est un homme de réflexion qui ne mâche pas ses mots. C'est au siège de son entreprise à la Marsa, au milieu des figurines de personnages de jeux vidéo dans un univers fantasmagorique qu'il nous a reçus. Il y est revenu sur son parcours et ses passions en faisant une fine analyse de la situation du numérique en Tunisie.
Haroun Gharbi, un précurseur original qui parle le chinois couramment ! Benjamin d'une fratrie de 3 frères et sœurs, Haroun Gharbi a fait ses études primaires à l'Ecole des Sœurs de Tunis. En 2003, il décroche son baccalauréat session Mathématiques au Lycée Khaznadar de Tunis. Bien qu'admis à l'Ecole supérieure de Commerce (ESC) de la Manouba, il décide de faire une année blanche avec, pour ambition, de partir par la suite au Canada rejoindre son frère. Mais son père refuse son choix, ce qui l'obligera à étudier à l'ESC dans le domaine des Finances jusqu'en 3ème année Maîtrise. Il décide ensuite de s'inscrire, en parallèle, à l'Université Tunis-Carthage (UTC) en Management et Langues (Allemand, Anglais, Chinois) où il obtiendra une maîtrise. Pour son projet de fin d'études (PFE) en 4ème année à l'UTC, Haroun Gharbi, anti-conformiste et novateur, décide de se lancer dans le management de pizzerias. « Ma professeure pensait que je me moquais d'elle vu que les autres étudiants s'étaient lancés dans des projets de création de station de pétrole… » a-t-il raconté tout sourire. C'est là que Haroun Gharbi a monté en 2010 sa société de pizzeria, Pizza Slice, à la Marsa et à la cité Ennasr. Son projet validé, il demande de nouveau à son père à partir au Canada pour étudier sa passion des jeux vidéo mais le refus du paternel demeure catégorique.
Le studio de conception de jeux vidéo Stolen Pad Studio ou les prémices de Polysmart SA Avec le capital accumulé grâce à Pizza Slice, Haroun Ghardi, entrepreneur dans l'âme, monte son propre studio de recherche en jeux vidéo qui est aussi le premier en son genre en Tunisie : Stolen Pad Studio. « Je n'avais aucune idée de la manière dont on crée un jeu vidéo mais je me suis lancé dans l'aventure par instinct en observant l'expérience de mes prédécesseurs. J'ai loué une maison à Menzah 9 et acheté deux ordinateurs pour commencer. J'ai ensuite cherché des artistes dessinateurs et un bon 3déiste. Deux ans et demi après, l'équipe comptait 10 salariés » a-t-il déclaré. Le travail qui a été réalisé a permis la réalisation d'un jeu vidéo de A jusqu'à Z, Veterans-Online. C'est à la fin de l'année 2014 que Haroun Gharbi fondera la startup Polysmart SA sur le terreau de Stolen Pad Studio.
Polysmart SA, une startup complexe en pleine ascension Polysmart SA qui emploie aujourd'hui 28 personnes est une société où le management est horizontal. La production de jeux vidéo au sein de l‘entreprise passe par trois étapes. Il y a, tout d'abord, le volet artistique, puis la programmation technique et enfin le marketing et la communication. Interrogé sur ce processus de création, Haroun Gharbi a décortiqué : « nous créons des concepts de jeux puis les artistes geeks créent par la suite le visuel de l'univers du jeu. Nous avons au sein de l'équipe un scénariste russe qui crée les personnages du jeu et leur historique. Ensuite l'artiste crée les personnages et les modélise en 3D. L'animateur prend alors le relai pour créer le caractère des personnages et la manière dont ils vont évoluer dans le jeu. Après avoir bouclé ce cycle, nous mettons en place le Voice Over c'est-à-dire la production orale de chaque personnage. Tout ce travail passe ensuite chez les programmeurs qui ont pour mission de rapprocher au maximum l'image finale du jeu de ce qui avait été dessiné par l'artiste en amont ». Dans ce cycle de production, Haroun Gharbi est celui qui est chargé de l'architecture complète du jeu. Ahmed Cheikhrouhou, le co-fondateur de Polysmart SA et président de son conseil d'administration est quant à lui chargé des finances de la startup et de toute sa paperasse. « Etre deux et avoir des formations différentes est indispensable pour monter une startup » a par ailleurs mentionné Haroun Gharbi. La startup a également intégré aux jeux vidéo des fonctions pour parier en ligne. Le E-Sport ou sport électronique de Polysmart permet ainsi de faire des compétitions sportives en ligne et d'organiser des tournois comme ce fut le cas dernièrement à Dubaï où un gagnant a remporté la somme de 10 mille dinars.
Les difficultés de recrutement et les formations universitaires périmées « Les employés de Polysmart SA sont majoritaires des hommes geeks depuis l'âge de 14 ans » a expliqué Haroun Gharbi précisant que beaucoup d'entre eux ont fait des études de Finances puis sont devenus par la force des choses programmeurs informatiques. Il a ajouté que les formations universitaires en rapport avec le Gaming n'ont été instaurées aux Etats-Unis que récemment, alors que l'industrie des jeux vidéo existe depuis plus de 25 ans. « En Tunisie, les formations universitaires dans le domaine des technologies sont périmées » a t-il dénoncé. Il a poursuivi en ajoutant que « Polysmart SA est en concurrence directe avec des multinationales qui utilisent des technologies ultra-pointues. Nous ne pouvons pas nous permettre d'offrir un produit défaillant. Par ailleurs, certains entrepreneurs tunisiens ne sont que des affairistes car ils ne pensent qu'aux gains dont ils bénéficieront. On a tendance à oublier que le vrai entrepreneur, utile, est celui qui solutionne les problèmes qui se posent pour plusieurs individus ». La critique acerbe des politiques actuels : « Nous n'avons pas besoin de Paypal en Tunisie ! » « Nous sommes des pleurnicheurs et des défaitistes !» a déclaré Haroun Gharbi à propos de la situation de blocage du service de paiement en ligne, Paypal, en Tunisie. A ce sujet, il a ajouté que ce service n'a été créé que pour faire des petits achats en ligne sur eBay. Pour lui, il existe d'autres solutions comme la crypto monnaie dans laquelle la Tunisie devrait investir. Il a renchéri « Si la comptabilité d'une société est effectuée en bonne et due forme, l'entrepreneur pourrait faire sa demande auprès de la Banque Centrale Tunisienne (BCT) qui ne créera pas de situation de blocage. Le seul hic est que la BCT impose une taxe de 18%. Au lieu de s'enraciner dans la volonté de mettre en place Paypal en Tunisie, nos politiques devaient plutôt tenter d'éradiquer cette taxation à 18% ». Une critique acerbe des politiques ministérielles en place et de leurs conseillers que Haroun Gharbi n'a pas minimisé.
Polysmart SA ou l'extraordinaire ascension ! Lundi 19 juin 2017, la startup Polysmart SA a officialisé la plus importante levée de fonds jamais réalisée par un studio de jeux vidéo en Tunisie et dans toute la région du Maghreb Arabe. La société CDC Gestion, société étatique, a décidé de formaliser sa prise de participation dans le capital de la société de gaming à hauteur de 1.5 millions TND. Une enveloppe qui servira au lancement du jeu Veterans-Online sur le marché mondial qui avait été conceptualisé par Haroun Gharbi et son équipe. L'octroi de cet extraordinaire montant illustre la confiance accordée à cette société en pleine expansion au niveau national et mondial. Passionné par les mystères de l'astronomie comme le Vortex, le Bing Bang, le Supernova et les galaxies, Haroun Gharbi est également un fin épicurien amoureux des voyages, du soleil et de l'Univers.