A regarder Moncef Marzouki, sur Al Jazeera, revenir sur son mandat présidentiel et les différents évènements ayant suivi la révolution tunisienne à l'époque de la Troïka, on lui donnerait le bon dieu sans confession. L'air sincère et le verbe sûr, Moncef Marzouki était l'invité d'une série d'entretiens dans l'émission "Témoin de l'époque". Un témoignage à prendre toutefois avec des pincettes compte tenu du déluge de démentis qui s'en est suivi, notamment concernant les évènements de 2012 à l'ambassade des Etats-Unis à Tunis. Dans le dernier épisode de la série consacrée à l'ancien président, diffusé lundi 24 juillet 2017 sur la chaîne qatarie Al Jazeera, il a été question de l'attaque de l'ambassade américaine à Tunis, le 14 septembre 2012. Le général à la retraite, Rachid Ammar, et l'ancien chef du gouvernement, Hamadi Jebali, ont été ouvertement accusés par l'ancien président, d'avoir une part de responsabilité dans le désordre sécuritaire lors de l'attaque. Moncef Marzouki a, en effet, affirmé que le chef du gouvernement avait « disparu et ne répondait plus aux appels, alors que le général Ammar a réclamé, pour sa part, un ordre par écrit pour mobiliser l'armée avant de désobéir à l'ordre qui lui a été émis ». Moncef Marzouki a précisé que sans l'intervention qu'il a lui-même ordonnée, de la Garde présidentielle, qui a protégé l'ambassadeur américain, les choses auraient mal tourné. La situation aurait, selon lui, débouché sur le scénario libyen, faisant référence à l'assassinat de l'ambassadeur américain à Benghazi ayant eu lieu quelques jours auparavant. L'ancien président a même estimé que ce qui s'est passé était un plan calculé pour permettre aux forces armées américaines d'intervenir en Tunisie : une proposition qui lui a été faite le lendemain même par le ministre de la Défense de l'époque, Abdelkarim Zebidi, et à laquelle, il s'est fermement opposé.
Moncef Marzouki a déclaré et insisté sur le fait que le dispositif sécuritaire placé sur les lieux était insuffisant voire « absent » et que c'est à la Garde présidentielle que revient le mérite d'avoir sauvé la mise. Il a ajouté que l'ancienne ministre américaine des Affaires étrangères, Hillary Clinton, l'avait contacté et qu'il lui a assuré que la situation sera débloquée, sans entrer dans les détails de cet appel. Ses propos ont toutefois été démentis et replacés dans leur contexte, à la fois par l'ancien ministre de l'Intérieur, Ali Lâarayedh et l'ancien ministre de la Défense, Abdelkarim Zebidi. Ali Laârayedh a souligné que les dispositifs sécuritaires, relevant du département, et sous sa tutelle ainsi que celles des hauts cadres, hauts gradés et directeurs généraux, ont géré les événements dès le début, avant même le rassemblement devant l'ambassade et jusqu'à la fin de l'attaque. « Nous avons suivi les événements et donné les ordres successivement selon l'évolution de la situation, qu'on suivait en direct via des caméras. Nous avons dirigé l'intervention de l'intérieur du ministère et de devant l'ambassade », a-t-il affirmé dans une déclaration accordée aujourd'hui, mercredi 26 juillet 2017, à Mosaïque Fm. L'ancien ministre a précisé que, lorsque la manifestation a commencé à devenir plus violente, la présence sécuritaire a été renforcée par diverses brigades, notamment celle de la lutte antiterroriste et que l'intervention de la Garde présidentielle, envoyée par le président Marzouki, n'a eu lieu que vers la fin. Contrairement à ce qui a été avancé par Moncef Marzouki, l'ancien ministre a affirmé que les unités sécuritaires étaient bien présentes sur place et que des images filmées ce jour-là peuvent le prouver. Quant aux déclarations sur l'intervention militaire américaine « souhaitée » ce jour-là, Ali Laârayedh a expliqué qu'il n'était pas au courant d'un tel plan, s'interrogeant sur le timing de cette déclaration qui tombe à point nommé avec la fête de la République.
L'ancien ministre de la Défense, Abdelkarim Zbidi, a accordé, pour sa part, un entretien au journal Acharâa El Maghribi, pour répondre aux accusations de l'ancien président. Le ministre, qui depuis la fin de son mandat a tenu à rester loin des projecteurs, a décidé de sortir de son droit de réserve et de donner sa version des faits. Abdelakrim Zebidi a souligné que deux réunions ont été organisées avec le ministre de l'Intérieur, pour préparer la manifestation et que rien ne laissait penser au début que les choses allaient dégénérer. Il a affirmé que des dispositifs additionnels ont été alloués à la sécurité et que les forces sécuritaires et de l'armée ont coordonné leurs efforts, depuis le début, pour contenir la violence. Il ajoute que « si l'intervention de la Garde présidentielle est louable et mérite d'être mentionnée, la situation a pu être maîtrisée grâce à un effort conjoint ». Il a, par ailleurs, révélé avoir « refusé de façon catégorique de permettre à des forces américaines d'intervenir en Tunisie malgré l'insistance de la présidence de la République et du gouvernement », faisant référence à un appel téléphonique reçu alors de l'ancien chef de cabinet de M. Marzouki, Imed Daïmi qui lui aurait signifié que cette intervention est lourdement sollicitée par les responsables politiques américains dont Hillary Clinton. Refusant d'en parler avec le chef de cabinet du président, Abdelkarim Zbidi a précisé avoir demandé d'avoir cette requête par écrit de la part du président de la République. Demande qui serait parvenue au ministère de la Défense le 14 septembre 2012 à 23h, informant de l'arrivée de soutien logistique américain en Tunisie, avant que des « dizaines de marines américains débarquent ce même jour à 2h du matin ». « Rachid Ammar, lui aussi contacté par l'ancien président, a exprimé son refus et également exigé une demande écrite » a souligné Abdelkarim Zebidi, ajoutant que le nombre de marines annoncés est de 300 soldats et que le chiffre a été faussé ainsi que la qualité « détournée en agents de sécurité ». L'ancien ministre a expliqué qu'une réunion s'est tenue au lendemain des faits avec Moncef Marzouki, Ali Lâarayedh, Mustapha Ben Jâafar, alors président de l'ANC, ainsi que le ministre de la Justice de l'époque, Noureddine Bhiri et le Général Rachid Ammar, au cours de laquelle il aurait rappelé à l'ancien président avoir refusé toute présence de Marines en Tunisie et présenté sa démission. Abdelkarim Zebidi a qualifié Moncef Marzouki d' « irresponsable », exprimant son étonnement de le voir déblatérer un témoignage factice et donner de fausses déclarations « alors qu'il devrait obéir à son droit de réserve, en tant qu'ancien président de la République et ancien chef suprême des forces armées ». L'ancien ministre a précisé qu'il ne respecterait plus lui-même ce droit et qu'il dévoilera en temps opportun tous les dossiers qu'il détient contre l'ancien président.
Le soutien à Moncef Marzouki est venu de son acolyte de toujours, Imed Daïmi, qui lui, a vite fait de confirmer ses dires, dans un post relayé sur les réseaux sociaux. « C'est Abdelkarim Zebidi qui nous a contacté pour nous informer que deux avion-cargo américains, en provenance d'Allemagne, allaient atterrir à Tunis avec à leur bord 16 agents de sécurité et des voitures destinés à l'ambassade et demander à la présidence une autorisation écrite », a affirmé le député Irada. « Nous nous sommes étonnés de cette nouvelle alors que le président de la République avait, devant moi, catégoriquement refusé cette intervention quand Hillary Clinton l'a demandé au téléphone. Nous avons été informés qu'il s'agissait d'agents de sécurité alors nous avons envoyé un fax pour autoriser ce débarquement, sur demande du ministère de la Défense » a-t-il ajouté. Imed Daïmi a ensuite accusé Ablekarim Zebidi de détenir un discours incohérent et de se venger de sa personne, lui « qui s'est opposé à ce qu'il accède au poste de chef du gouvernement quand la Troïka a abandonné le pouvoir ».
Les démentis sur les propos de Moncef Marzouki sont sans appel. Ali Lâarayedh et Abdelkarim Zebidi ont tous deux affirmé détenir les preuves documentées ou filmées de ce qu'ils avancent et si les preuves sont effectivement là nous aurons assisté à une énième séquence de réalité déformée de la part de l'ancien président. Une réalité polie et lissée dans laquelle Moncef Marzouki s'accorde tous les mérites omettant de préciser qu'au moment des faits il faisait la sieste et avait demandé à ne pas être dérangé…