C'est la première fois depuis 2011 qu'un projet de loi de finances est publié sans qu'il ne soit accompagné du projet de budget général de l'Etat. Devra-t-on s'en faire une raison comme cela est déjà le cas avec le projet de budget économique ? Il n'est pas question ici de la dizaine d'articles relatifs au budget contenu dans le projet de loi de finances, mais du détail du budget et non de ses grandes lignes. Le triptyque Budget économique-Budget de l'Etat-Loi de finances se serait-il définitivement rompu ? On ne sait pas sur quels critères et hypothèses le gouvernement a fixé à 3% le taux de croissance économique pour l'année prochaine. Car, il n'est pas sûr que la croissance économique évolue au rythme de 2,3% cette année dans la mesure où on semble avoir sous-estimé la souffrance du secteur industriel et surestimer les scores du secteur agricole et sous-évaluer le redressement de l'activité des services et particulièrement du tourisme.
Selon les estimations du gouvernement, le secteur agricole devrait enregistrer une croissance de sa valeur ajoutée de 2,3% cette année. On est loin des performances affichées par ce secteur au cours de 1er semestre 2017 durant lequel il a enregistré une croissance de 3,9%. Prédire que ce secteur devrait enregistrer un taux de croissance de 5,5% en 2018 serait réellement optimiste quand bien même devrait-on s'attendre à une récolte record d'olive et de dattes. Car, la campagne céréalière risque de connaître des difficultés l'année prochaine compte tenu, cette fois aussi, de l'aléa climatique. S'agissant des industries manufacturières, les autorités annoncent une croissance de 3,5% en 2017. Une telle performance laisse dubitatif lorsqu'on remarque que, au cours du 1er semestre 2017, les industries manufacturières ont affiché un recul d'activité de 0,5%. Combler un tel écart constitue une véritable gageure. Il faut ajouter à cela les déboires des industries non-manufacturières qui, selon les prévisions du gouvernement, enregistreraient une baisse de leur valeur ajoutée de 3,4% en 2017. En tout cas, cela rend l'objectif d'une croissance de 5,5% l'un et de 2,4% pour l'autre raisonnablement à un vœu pieux.
Que reste-t-il alors ? Le secteur des services. Le bon comportement de l'activité touristique et son corollaire le transport aérien ainsi que les bonnes performances du secteur des télécoms constituent les seuls vecteurs laissant espérer une relative reprise de la croissance globale en 2018. Il est d'ailleurs curieux que le gouvernement ait autant fait dans la mesure en indiquant que la valeur ajoutée de ce secteur va augmenter de seulement 2,7% en 2018 alors qu'il prévoit une croissance de 3,4% du secteur des services en 2017. Quoiqu'il en soit, c'est sur ce scénario ainsi que sur des hypothèses de cours des matières premières, de l'énergie et de change, entre autres, que s'élabore le budget général de l'Etat et partant le projet de loi de finances. Or, en la matière, rien n'a filtré à ce jour. Et pour cause. Le projet de budget 2018 ne tiendrait pas tant compte du scénario de croissance et des autres postulats de cours mondiaux que du lourd fardeau du service de la dette. Celui-ci devrait atteindre près de 8 milliards de dinars (7972 MD plus précisément) en 2018, en hausse de près de 39% par rapport à ce que devrait acquitter l'Etat cette année dans la même rubrique. Cela représente plus du tiers des ressources propres du budget qui n'augmenteraient l'année prochaine que de 3,3%. Une hausse dérisoire compte tenu des nombreuses mesures fiscales prévues dans le projet de loi de finances 2018. En fait, la multiplication des mesures fiscales ne va servir qu'à pallier, notamment, le manque à gagner de la mesure exceptionnelle de prélèvement supplémentaire de 7,5% sur les salaires et les bénéfices.
Le recours à l'endettement est dès lors inévitable. L'année prochaine, il enregistrerait un record sans précédent : 10 431 MD contre 5 825 MD prévus en 2017. Une augmentation de plus de 32%. C'est sur cette base que le budget général de l'Etat va enregistrer une hausse de près de 11% l'année prochaine.
Pour la première fois, la contrainte de l'endettement va se faire sentir sur l'économie du pays. Elle sera palpable dès l'année prochaine dans la mesure où devant un tel défi le gouvernement n'a eu d'autres choix que de réduire le budget d'investissement qui serait fixé à 5 121 MD pour 2018 contre 6 110 MD en 2017, soit une baisse de 16%. Un choix qui se situe totalement à rebours ses choix économiques puisqu'il fixe comme objectif pour la même une croissance de l'investissement global dans le pays de 13%. Compte-t-il pour cela sur le seul secteur privé ? Ce serait un fol espoir et une vaine attente à la lecture de certaines dispositions du projet de loi de finances qui alourdissent la charge des entreprises et risquent de rebuter l'investissement. Il est clair que la question de la viabilité de la dette doit être mise en question. Car, le service de la dette commence sérieusement à être un frein à la croissance économique du pays.