Les récentes coupures d'eau touchant Ben Arous, Tunis et Nabeul ces derniers jours ont suscité un état d'exaspération générale. La Sonede tente de calmer les esprits qui s'échauffent en ces temps de canicule en multipliant les communiqués et en filmant ses agents en train de « faire de leur mieux pour réparer la panne ». Sauf que ce que la Sonede dit sur sa page Facebook est pire que ce qu'elle ne dit pas. « L'erreur est humaine ! ». C'est ce qu'a déclaré le ministre de l'Equipement, de l'Habitat et de l'Aménagement du territoire, le 5 juillet à propos de l'incident survenu la veille. Une « erreur » qui a provoqué des coupures d'eau qui durent 3 jours dans les gouvernorats de Tunis, Ben Arous et Nabeul. Techniquement, la panne a été causée lors des travaux effectués à proximité de la ligne d'eau. Au cours des travaux, une pelle Poclain a percuté un canal d'un diamètre de deux mètres, ce qui a nécessité une coupure immédiate des eaux en attendant sa réparation.
Interrogé sur Express Fm, le ministre explique que « l'infrastructure dans les quartiers touchés par l'incident est faible. Dans ce type de projet, il faut s'attendre à des incidents pareils. L'essentiel est qu'il n'y avait que des dégâts matériels à cause des inondations. Ces dégâts seront évalués par la Sonede dans un délai ne dépassant pas les 2 jours». En réalité, des dégâts, il y aurait pu en avoir pire. Derrière la panne survenue sur le canal principal d'adduction d'eaux à la RN5 au niveau du croisement avec la RR39 il existe une erreur de manipulation humaine.
Après visionnage des vidéos postées sur la page Facebook de la Sonede, Business News a contacté un ingénieur expert en sécurité des chantiers qui a pointé du doigt une « absence totale de respect des normes élémentaires de sécurité ». L'expert affirme que ce qu'on voit dans les vidéos filmées par la Sonede est une preuve qu'une deuxième catastrophe « pire que la précédente » aurait pu avoir lieu puisque des dégâts humains auraient pu également être causés. « Ce qui m'a sidéré, c'est le positionnement du Poclin qui est tombé sur la ligne d'eau causant sa fissure. L'engin était installé sur le bord de la fouille qui est un terrain glissant. Dans tout chantier, une fouille doit être blindée pour éviter tout éventuel éboulement de terrain. Dans les vidéos de la Sonede, le positionnement de l'engin montre qu'il n'y a eu aucune préparation préliminaire ni analyse du risque. La présence même de l'engin sur le chantier était inutile puisqu'il était utilisé uniquement dans le but d'éclairer alors qu'il y avait déjà des projecteurs présents sur place », détaille-t-il.
« Dans chaque chantier, une analyse de risque préliminaire est effectuée sur les lieux avant de débuter les travaux afin de connaitre le positionnement des canaux existants et des installations électriques. Il s'agit également de sécuriser le périmètre du chantier et d'assurer la sécurité de l'infrastructure et des personnes qui s'y trouvent. Or ce qu'on peut constater sur les vidéos postées par la Sonede est que non seulement la société tunisienne n'a pas installé les barrières nécessaires pour protéger le canal d'eau mais que la sécurité même des personnes n'a pas été garantie », explique l'expert. Les ouvriers et agents de la Sonede ne portaient, en effet, pas l'équipement requis de protection comme des gants, des casques, des chaussures de terrain et des gilets de protection. « La position même de l'agent qui est debout sur le canal est dangereuse puisqu'il aurait pu tomber à tout moment et se blesser grièvement », toujours selon l'avis de l'expert. « Le nombre même d'agents présents dans le chantier était supérieur à celui requis pour ce genre d'opération ». En théorie, en plus d'une analyse de risque préliminaire et de plans de recollement des installations souterraines, un superviseur HSE (hygiène et sécurité environnement) devrait être sur place afin de superviser l'avancement des travaux et veiller à ce qu'ils se déroulent dans le respect des normes. Ceci n'a visiblement pas été fait lors du chantier en cours de la Sonede ni lors du dernier qui a provoqué la première panne. Si les normes de sécurité avaient été respectées, ce genre d'incident n'aurait jamais pu avoir lieu.
Celui qui est responsable des travaux est évidemment le maître d'ouvrage, à savoir la Sonede elle-même qui se doit de superviser la sécurité des équipements de l'Etat mais aussi des personnes. Une responsabilité que la Sonede n'assume pas et rejette la faute sur la société en charge des travaux. Dans les faits, avant d'accuser directement la société privée dans l'accident survenu, la société tunisienne aurait dû attendre les résultats de l'enquête en cours qui déterminera les différentes responsabilités. Contactée par Business News, l'entreprise privée en question a d'ailleurs démenti catégoriquement être responsable et a signalé qu'elle n'est pas le maître d'œuvre du projet en question mais qu'il s'agit du ministère de l'Equipement.
Si « l'erreur est humaine », dans certains cas elle peut être aisément évitée. Surtout si cette erreur pèse lourd sur les caisses de l'Etat et sur le confort du citoyen qui doit subir des coupures d'eau de plusieurs jours en temps de canicule. Mosbah Helali, PDG de la Sonede, s'est exprimé aujourd'hui, toujours sur la page Facebook de la Société tunisienne, pour affirmer que la panne a été réparée et que l'approvisionnement en eau reprendra progressivement. Dans un souci de transparence, la Sonede tente de communiquer pour calmer la colère des citoyens, sauf qu'en le faisant, elle montre au grand jour une défaillance bien plus grave et qui gagnerait, elle, à être réparée.