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Gilets Jaunes, Rouges…: signes de vieillissement et de maladie de la démocratie
Publié dans Business News le 17 - 12 - 2018

Feu Emile Deschamps était cuisinier retraité de l'Armée française. Un homme ordinaire, discret et modeste. Il a fait la première et la seconde guerre mondiale. Mais son exploit majeur était d'avoir compris, très tôt, que dans la majorité des cas, les véritables sources des problèmes des peuples étaient les politiques et les choix pénibles qu'ils font supporter à leurs sociétés. Il ne pouvait entendre parler aucun politique et en particulier François Mitterrand. C'était le cas jusqu'à son décès en 1995. Cette opinion altérée et négative vis-à-vis des politiques a été exprimée aussi par des sociologues comme Michel et Monique Pinçon dans leur livre «La Violence des Riches » ou par Pierre Lascoumes qui a étudié le phénomène de la délinquance et de la criminalité chez les élites qu'il a appelé « élite délinquante » dont il a qualifié les actes de « crimes en col blanc » par allusion aux cols blancs de chemises portées par les différents responsables. Pour ces sociologues, les ordonnateurs étaient simplement les membres des oligarchies politico-économiques qui dévoyaient le système de production de la richesse, des politiques et des décisions de l'appareil de l'Etat pour servir leurs propres intérêts. Une opinion voilant une délinquance récurrente et omniprésente. Comment est-ce possible ?
Pour répondre à cette question, il serait opportun de présenter d'abord la notion d'Etat de droit selon Francis Fukuyama. Ce professeur émérite des sciences politiques estime que l'Etat et ses institutions donnent la forme de la démocratie tout comme celle de la corruption en cas d'échec des politiques, dans un pays donné.

Dans les démocraties libérales, ces institutions sont les suivantes :
1) L'Etat : première institution, qui monopolise la force légitime à travers le territoire visant à protéger ses citoyens des menaces extérieures et intérieures, et à garantir la justice, l'égalité et les missions régaliennes de l'Etat comme la santé et l'éducation.
2) Les règles de droit : deuxième institution, elles doivent être respectées par tout le monde, y compris les rois ou les présidents et les ministres et non seulement une fraction de la société, la moins nantie. Les règles de droit constituent une institution qui limite le pouvoir.
3) La redevabilité démocratique : troisième institution, où la sanction démocratique est réalisée par le vote au profit d'un parti ou un leader politique ou contre eux, par suite à l'organisation d'élections libres et démocratiques.

Ces trois critères constituent l'idéal démocratique. Cependant, la réalité en est bien différente. Pourquoi ? Parce que le modèle « démocratique » de production de l'Etat et de ses institutions est entièrement biaisé et ne peut produire que des choix politico-économiques qui ne servent pas l'intérêt général mais qui servent l'intérêt d'une oligarchie politico-économique avec comme résultante, dans la plupart des cas, une paupérisation de la population, quelque soit la tendance politique qui gouverne. Le citoyen perd son statut de citoyen pour devenir un simple pourvoyeur de vote qui ne servira qu'à légitimer des choix qui seront à son détriment. Ces choix ne reflètent en rien ses priorités, ni les motifs ayant animé l'exercice de son devoir de citoyenneté, celui d'aller voter.
De l'autre côté de l'Océan Atlantique, aux Etats-Unis, un autre homme bien plus jeune et bien plus instruit qu'Emile arrive à la même conclusion faite par Emile, les Poinçon et Lascoumes. Cet homme, en particulier, était un illustre professeur de droit à la prestigieuse Université de Harvard, Lawrence Lessig. Lawrence Lessig n'est autre que l'un des fondateurs du réseau des commons. Il a été influencé par deux prodiges : Richard Stallman (initiateur et militant du logiciel libre) et Aaron Swartz (fondateur du système RSS et de JStore, un site web qui permettait de rendre gratuits et disponibles les articles scientifiques, qui s'est suicidé à la suite d'énormes pressions et de poursuites judiciaires pour actes de piraterie informatique ; à l'âge de 26 ans). En analysant le processus des élections aux Etats-Unis et le mode de production de la « démocratie », Lawrence Lessig aboutit à une réalité pour le moins effrayante : les peuples ont perdu la capacité de gouverner. Oui, ils ne gouvernent plus faute de pouvoir réel.

Lawrence Lessig a appelé ce constat « Tweedisme » par allusion à son fondateur William Tweed qui a vécu au XIX siècle et dont la devise était : « Qu'importe le vote du moment que je désigne celui qui me représentera et défendra mes intérêts ». Il explique que le « Tweedisme » est une forme de corruption différente de celle relative aux pots de vin ou aux crimes ou blanchiment d'argent, différente de celle décrite par Transparency International.

Selon Lessig, le Tweedisme est une corruption systémique, c'est-à-dire une corruption du système dans sa globalité. C'est une corruption de la démocratie représentative. Et cette corruption est très particulière : elle est légale grâce au lobbying et illégale dans ses aspects criminels communs. Ces formes de corruption altèrent et détournent la démocratie comme suit :
1) Le Tweedisme est une inégalité qui se manifeste par une inégalité de statut entre citoyens générant un vote inégal et une inégalité de représentation et donc une inégalité totalement en contradiction avec le principe de démocratie.
2) La lutte conte le Tweedisme est une lutte contre la corruption systémique. Les différentes formes de corruption, y compris celle institutionnelle, ont un point commun. Il s'agit de l'inégalité que toutes ces formes produisent. Les difficultés résultantes génèrentune perception générale partagée entre les sociologues, les anthropologues, les criminologues, les politologues et même les gens ordinaires, que la corruption est généralisée, qu'il est difficile de la vaincre. Pire encore, il y a une perception diffuse que la démocratie est défaillante car elle est en train de « vieillir » et de se dénaturer par éloignement de sa raison d'être. La démocratie est devenue une source d'inégalité. On parle de corruption institutionnelle où chaque faction ou groupe social qui construit les infrastructures (institutions) s'offre le contrôle de ce qu'elle (il) a construit et l'oriente de manière à servir ses intérêts dans une approche concurrentielle. Les politiques et les lobbyistes mis à leurs service et représentant les grands intérêts économiques et stratégiques ne conçoivent plus les citoyens comme étant les véritables sources de pouvoir et envers qui le pouvoir devrait s'orienter pour servir leurs intérêts. Au contraire, ils les considèrent comme ennemis à asservir et à plumer. D'où ces mouvements de contestation qui embrasent les pays en développement comme la Tunisie depuis 2011, mais aussi les pays développés comme la France ou la Belgique, sous la bandière de « Gilets Jaunes ». Les réseaux sociaux ont donné non seulement la parole à ces millions de citoyens qui souffraient en silence, tout simplement parce qu'on étouffait leurs mots (maux) et réduisaient leurs doléances au silence. De gauche comme de droite, le politique se trouve en marge de son véritable rôle et de sa mission principale. Il cristallise l'échec d'un modèle de gouvernance qui a failli à sa mission essentielle : garantir l'égalité.
*Pharmacien, ancien membre de l'Instance nationale de lutte contre la corruption.


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