« Séisme », « tremblement de terre politique », « surprise », « catastrophe »,… Ce sont là quelques mots et expressions utilisés pour décrire les résultats du baromètre politique de Sigma Conseil pour juin 2019. Les montées en puissance de Nabil Karoui et de Kaïs Saïed à la présidence de la République, celle du même Karoui aux législatives et à degré moindre 3ich Tounsi semblent effrayer les partis traditionnels et les observateurs, surtout ceux qui observent de très loin. Pourtant si prompts d'habitude à donner des leçons, les représentants de cet « establishment », pour reprendre une expression Trumpienne, ne comprennent pas qu'ils font les mêmes erreurs de Hilary Clinton ou des anti-Brexit en Grande-Bretagne. Pour les électeurs potentiels des Karoui et des Saïed, ce sont des nantis qui se battent pour garder leurs avantages et leurs privilèges, y compris en usant des moyens les plus condamnables. C'est cette logique qui prévaut dans les résultats du sondage Sigma. Il serait plus judicieux de s'attarder sur les raisons profondes de ces tendances, de la faillite politicienne généralisée, de la victimisation dont usent et abusent les populistes, plutôt que de mettre en doute les chiffres en eux-mêmes et de se découvrir une soudaine âme de statisticien, si notre reflet ne nous plait pas, ce n'est pas la faute du miroir. A Business News, nous avons répondu à l'invitation ouverte de Hassen Zargouni et nous avons passé deux jours avec Sigma pour voir la conception d'un baromètre politique. S'il y avait scandale, nous l'aurions su et publié, mais nul n'est plus sourd que celui qui ne veut pas entendre.
Il faut quand même être sacrément nul pour se faire aplatir par un amateur en politique comme Nabil Karoui ou par un assistant universitaire comme Kaïs Saïed. Il faut être sacrément nul pour dégouter le Tunisien de toute cette histoire de droits, de libertés et de démocratie en seulement 8 ans. Et pourtant les politiciens l'ont fait. Ils vont faire aujourd'hui les effarouchés et les pères la-morale quand Nabil Karoui s'est transformé en adversaire et disent qu'il n'a pas le droit de faire ce qu'il fait. Ils vont même jusqu'à proposer des amendements sur mesure. Mais ils ne comprennent pas que les populistes remplissent le vide qu'il y a entre eux et le peuple. La montée des populismes est un phénomène mondial que l'on a pu constater dans des dizaines de pays d'Europe, d'Asie et d'Amérique. Un phénomène qui a été largement étudié et analysé. Pourtant, on s'évertue en Tunisie à faire la sourde oreille et à vivre en vase clos.
Il ne faut pas être un analyste de génie pour comprendre que le vote en faveur de Nabil Karoui ou de Kaïs Saïed est en fait un vote sanction qui vise l'ensemble de la classe politique. Tous les partis traditionnels ont vu les chiffres de leurs intentions de vote baisser au fil des mois, indépendamment de leurs actualités ou plutôt de leurs agitations. Il existe un rejet systématique de la « solution » partisane pour deux raisons : la première est un bilan objectif catastrophique au niveau des prix, du dinar, des caisses sociales, de l'économie, du social. La deuxième raison vient du fait des agissements des partis en eux-mêmes. Nidaa Tounes est un bon exemple quand on voit ce qu'il a fait du capital confiance qu'il a eu à travers les élections de 2014. Venir s'étonner aujourd'hui des résultats des sondages tient de la bêtise la plus profonde ou de l'hypocrisie la plus totale. Aujourd'hui, le peuple vomit sa classe politique traditionnelle et le lui montre par ses intentions de vote. Nous avons eu beau crier, alerter, prévenir les représentants des partis traditionnels contre cette vague populiste incarnée par Nabil Karoui, Kaïs Saïed ou Abir Moussi. Mais dans leur profonde ignorance, ils ont préféré mettre en doute la validité des résultats des instituts de sondage ou la parole des journalistes et des analystes. Il est vrai que ça doit être douloureux de voir son propre échec si bien incarné.