Moment de vérité ce mercredi 3 juin 2020 à l'assemblée tunisienne. Moment historique surtout avec cette audition du président du parlement, l'islamiste Rached Ghannouchi. Une première qui a laissé beaucoup de Tunisiens devant leur écran jusqu'à l'aube par une douce nuit printanière. Techniquement, la journée d'hier était destinée à voter pour une Déclaration refusant toute intervention étrangère en Libye et à propos de l'ingérence du parlement, notamment son président, dans les affaires diplomatiques. En pratique, et grâce à des députés comme Abir Mousi et Mongi Rahoui, les deux séances se sont transformées en un duel patriotes vs islamistes, laïcs vs dogmatiques, progressistes vs médiévaux. La ficelle est trop grosse ? Peut-être, mais elle a le mérite de passer, car la perception de l'opinion de la journée d'hier est là : Rached Ghannouchi a été renvoyé à son premier carré d'islamiste pur et dur. Par son intervention, Abir Moussi a fait sortir au grand jour l'ADN « khwenji » ou « ikhouaniste » d'Ennahdha. Elle a rappelé l'eau de feu, les assassinats politiques, la division du peuple tunisien depuis leur retour en 2011, l'auto-amnistie qu'ils se sont accordée, etc. Dans leurs interventions d'hier, les députés anti-islamistes ont réussi à imposer une perception différente de la réalité, au point que cela pèse fortement durant le vote. « Si tu votes contre la motion, c'est que tu es un vendu aux islamistes ; si tu votes pour, c'est que tu es patriote ». Voilà ce qui a été « vendu » aux Tunisiens durant cette journée du mercredi et cette longue nuit du mercredi-jeudi 4 juin. C'est ce qui reste dans les mémoires, c'est ce que va enregistrer l'Histoire, comme l'a dit Abir Moussi en conclusion de son intervention aussi spectaculaire qu'incendiaire.
La vérité ? Peu importe. Rares les députés qui ont préféré y rester fidèles, à l'instar d'Attayar qui va payer cher (en voix) cette position conforme à ses principes. Abir Moussi a réussi à manipuler l'opinion en mélangeant le vrai au faux et les vérités historiques aux mensonges de l'Histoire. Sa diabolisation des islamistes a atteint une telle limite qu'il est devenu criminel de ne pas leur tourner le dos. Tout ce qu'elle a dit sur eux n'est pas faux, mais tout ce qu'elle a dit n'est pas vrai non plus. Mais en termes de perception, c'était noir ou blanc, tu es patriote ou pas. Chapeau bas pour ce jeu et cette manipulation. Face à la lionne qu'elle était et sa manipulation des plus subtiles qu'elle opérait, il n'y avait quasiment personne pour la contrer. Personne pour la démentir et lui rappeler par exemple son faux progressisme, elle qui s'est élevée contre l'égalité de l'héritage ou encore les droits des homosexuels. Aucun n'y avait intérêt du reste à l'exception des islamistes. Où étaient-ils hier ? Aussi bien eux que leurs toutous d'Al Karama étaient inaudibles, ce qui a permis à Abir Moussi de percer et de glaner des voix inespérées il y a quelques semaines à peine. La lionne était forte, certes, mais les adversaires étaient faibles. Faibles parce qu'ils trainent toutes les casseroles historiques recensées par Abir and co, mais aussi par lâcheté. Ce n'est pas nouveau. Tout au long de l'Histoire, les islamistes ont pris la poudre d'escampette quand leur vérité montait en surface, quand ils étaient dénudés face au public et l'opinion. La journée du mercredi n'a pas fait l'exception, Abir Moussi a dénudé les islamistes et ces derniers ont pris la poudre d'escampette pour se voiler, plutôt que d'affronter l'adversaire et l'empêcher de leur faire baisser leur pantalon. Seïf Eddine Makhlouf s'est essayé en insinuant que des parties étrangères (Arabie Saoudite et Emirats) sont derrière les opposants des islamistes. Il s'est juste ridiculisé. Yamina Zoghlami, Farida Laâbidi et Meherzia Lâabidi ont beau essayé de renverser la vapeur, elles ont juste réussi à établir des records en matière de courtisanerie. Noureddine Bhiri était inaudible et seul, finalement, Samir Dilou a réussi à être pragmatique et à remettre les choses dans leur contexte, mais sa voix ne pouvait rivaliser avec « l'hystérie » de l'adversaire. Faute de mieux, les islamistes ont fait ce qu'ils savent faire le mieux : se sauver. Durant son intervention, plus aucun islamiste et plus aucun député à la solde des islamistes n'était présent dans la salle. Ils sont tous partis, comme pour opposer leur mépris à Abir Moussi. En vérité, ils n'ont réussi qu'à montrer leur lâcheté face aux grands moments de l'Histoire, leur lâcheté quand on leur dit la vérité en face, même si ces vérités sont entachées de contrevérités. Leur départ de la salle n'étant pas suffisant, ils ont essayé à maintes reprises de parasiter l'intervention de Abir Moussi en lui coupant le micro. C'est désolant de voir les fonctionnaires techniciens de l'Assemblée s'immiscer dans les interventions des élus du peuple et décider de ce qui se dit et de ce qui ne se dit pas en plénière, mais c'est quelque part tant mieux, car ça montre, encore une fois, la manipulation des islamistes des rouages de l'administration. Avec ces tentatives inutiles de censure, les islamistes montrent une nouvelle fois leur lâcheté face à l'adversaire. Avec sa parole coupée, en direct devant tout le monde, Abir Moussi marque encore des points et obtient des preuves de la part de ses adversaires. Elle était dans cette posture, elle a joué sur le terrain favori des islamistes en adoptant leur stratégie : la diabolisation de l'adversaire, la victimisation de soi et le mensonge. Non, tout ce qu'a dit Abir hier n'était pas vrai, même si tout ce qu'elle a dit n'était pas faux. Mais oui, elle a bien réussi à s'imposer et à changer la perception des choses, à renverser la vapeur, à s'imposer et à préserver cette image de lionne qu'est la sienne depuis 2011. Depuis 2015 et le consensus avec Béji Caïd Essebsi, jamais on n'a vu autant de lâcheté de la part des islamistes et leurs inféodés et ceci, c'est indéniable, c'est grâce à Abir Moussi.