Chassez le naturel, il revient au galop ! Cet adage s'applique-t-il aux journalistes d'après la Révolution ? D'aucuns seraient tentés de le croire. C'est d'autant plus regrettable pour un corps de métier qui aspire à assumer un rôle conséquent de quatrième pouvoir. Pour mériter de la profession et de la Tunisie, le chevalier de la plume doit se débarrasser au plus vite du réflexe d'autocensure, hérité de l'ancien régime, de ne plus se comporter en simple récepteur, de se ressourcer, d'avoir une documentation riche, de voyager, de limer sa cervelle à celle d'autrui, de suivre des stages de perfectionnement. Mais, le peut-il ? Il est vrai que les médias, tous genres confondus, ont besoin de publicité pour assurer les salaires, fort maigres au demeurant, de leurs employés et renouveler leurs équipements, frappés de vétusté et non conformes à l'évolution de la situation. Ils se trouvent de ce fait à la merci des annonceurs. C'est là leur talent d'Achille. A l'heure du multimédia, les confrères des journaux électroniques disposent-ils, chez eux ou en déplacement, d'ordinateurs portables, de caméras, d'internet pour être près de l'événement et de réagir immédiatement ? Les chaînes de télévision nationales, et non gouvernementales, comme il plait à certains de les nommer ainsi, ne sont pas logées à la même enseigne. Les journalistes y sont relativement bien payés. Mais le rendement est en deçà des attentes et des espérances du téléspectateur. Lors des interviewes accordées par l'actuel chef du gouvernement et le ministre de la Justice, on aurait aimé assister à des confrères qui dérangent, qui reflètent le point de vue du citoyen, de l'homme de la rue. On a écouté des soliloques ponctués par des hochements de tête des collègues. Serions-nous revenus au temps de l'hégémonie où la télévision servait d'appendice au régime déchu ? Pourtant, les chaînes nationales méritent mieux. Elles sont montées dans l'estime des gens. Elles sont en train de rendre service aux Tunisiennes et aux Tunisiens. La retransmission en direct des travaux de l'Assemblée nationale constituante et les réactions à chaud des députés de différentes tendances constituent un atout qu'il serait dommage de gaspiller, en aliénant leur indépendance. L'objectivité, la neutralité et la transparence s'acquièrent par l'exercice et l'expérience. En tout état de cause, la liberté d'expression et de la presse est un merveilleux présent offert par la Révolution. Ni les intimidations, ni les bras de fer ne sauraient obliger les journalistes à reculer. C'est une ligne rouge que personne n'osera traverser. C'est aux consœurs et aux confrères qu'il appartient de faire preuve de sérieux et de défendre la profession, en étant honnêtes et en ayant en tête l'intérêt du lecteur, du téléspectateur, de l'auditeur, de l'internaute, de tout le peuple en somme. Ils doivent être à la hauteur de leur noble mission