Autour de moi tout le monde avait les larmes aux yeux! Moi, je sentais mon cœur se lacérer, je voulais hurler ma colère et je réprimais un cri que je sentais prêt à fuser de mes entrailles pour emplir le ciel, parcourir l'espace et aller exploser sur cette scène de forfaiture. On a changé mon pays, on a changé sa jeunesse ! Une horde sauvage semble l'avoir conquis et œuvre à dénaturer son essence, à corrompre ses mœurs, sa nature, son cœur, ses vertus. Une horde sortie, on ne sait trop d'où, qui ne saurait revendiquer ne serait-ce qu'un atome de notre pensée collective, de nos croyances, de notre culture. Et comment le pourrait-elle, cette horde qui affiche des tenues d'un autre monde : « qamis » venu d'ailleurs et surmonté d'une vareuse de marin, un saroual descendant à mi- mollet et les pieds enfouis dans de curieuses espadrilles…américaines. Sans oublier, une sorte de kippa qui se veut d'un blanc immaculé couvrant une tête pullulant d'idées toutes aussi saugrenues l'une que l'autre et surmontant un visage envahi par une barbe touffue. Un ensemble bizarrement détonnant. Applaudissant ce qu'un « responsable » a qualifié d'acte isolé et personnel, un groupe de ce qui semblait être des jeunes filles étroitement claustrées dans une espèce de linceul noir comme la nuit criaillait son encouragement à ceux qui étaient en train de monter une opération abominable et monstrueuse, martialement protégée. On descend et on déchire mon drapeau !! Notre drapeau national !! Symbole de notre citoyenneté de notre identité, emblème de tous les sacrifices consentis par nos prédécesseurs pour qu'il puisse flotter en toutes circonstances. Les cœurs se déchirent, les cris fusent : cris de consternation et d'accablement intenses car accompagnés d'un sentiment d'impuissance désespérante et désespérée. Et on le balance tel un chiffon malpropre pour y substituer un «étendard » étranger, né sous d'autres cieux et dont les couleurs atones jurent avec les rouge et blanc éclatants de mon drapeau, nonobstant la profession de foi qui y figure. Nous crions tous notre dégoût, notre réprobation, notre révolte ! Mon neveu que l'on a élevé dans l'adoration de ce drapeau qui est organiquement lié au martyre de son père est abattu, écrasé, sans voix ! Messieurs, vous nous volez notre Révolution, vous nous écrasez avec vos idées anachroniques et rétrogrades, avec vos actes sauvages et inhumains. Vous transformez le pays en une arène où vous apparaissez sous le jour des bêtes féroces auxquelles on livre de pauvres victimes expiatoires. Rien ne saurait vous accorder le droit de nous imposer vos idées, ni votre instruction, ni votre charisme, ni vos compétences, encore moins votre propension à la violence verbale et physique. La société civile sera le rempart infranchissable dressé face à votre incurie. Il est vrai que vous êtes à bonne école. M. Ali Belhaj, secrétaire général d'un parti sensé illuminer le monde de ses bienfaits et de sa justice, a été votre précurseur dans l'affront fait au drapeau national en le qualifiant de torchon. Mais, devant nos yeux sidérés par cet acte inqualifiable, perpétré par des jeunes inconscients, nous avons eu quelque baume au cœur en voyant cette jeune fille escalader le mur pour aller affronter, seule, la brute occupée à profaner notre emblème, notre attribut, à souiller ce qui nous est le plus sacré. Alors, nous avons acquis la certitude que jamais ils ne passeront! Et combien il me plait, en cette circonstance, de rappeler cette citation de Lao She, extraite du « quatre générations sous un même toit » : « Il vaut mieux n'avoir pour toute nourriture que du fumier en vivant sous son propre drapeau que de manger de la viande sous le drapeau ennemi. »